La journée de jeudi a été marquée par une nouvelle poussée de tension à la frontière entre le Liban et Israël. Selon l'agence Reuters, deux roquettes ont été tirées depuis le Liban-Sud en direction d'Israël, alors que l'armée israélienne, citée par l'AFP, affirmait qu'il s'agissait d'un seul tir de mortier non revendiqué. La riposte n'a pas tardé : l'armée israélienne a bombardé le Liban-Sud en ciblant les alentours de la localité de Kfarchouba, à l'aide de plus de quinze obus de calibre 155 mm, selon l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).
Une source haut placée au sein de l'armée libanaise a indiqué en début de matinée à L'Orient-Le Jour que le groupe responsable du tir de la roquette depuis le territoire libanais serait Palestinien, sans pouvoir préciser de quelle organisation il s'agirait. Elle a ajouté que les groupes armés palestiniens "disposent de cachettes souterraines pour leurs roquettes. Ils peuvent ainsi lancer leurs projectiles sans se déplacer et sans être repérés par l'armée". "L'armée s'est déployée dans la zone pour identifier'' le groupe ayant tiré la roquette et empêcher d'autre tirs, avait ajouté cette source, qui écarte l'éventualité d'une escalade.
Cet incident survient trois mois après que les deux pays ont connu la plus importante confrontation de ces dernière années, après des tirs de roquettes depuis le Liban vers Israël.
L'échange de tirs de jeudi a été signalé après qu'Israël a terminé l'une de ses plus vastes opérations militaires depuis des années en Cisjordanie occupée, dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine.
Mercredi, la tension était déjà montée à la frontière entre Liban et Israël : au moins trois violations du territoire libanais par l'armée israélienne ont eu lieu en quelques heures. Des bulldozers israéliens ont notamment franchi la barrière technique au niveau des localités de Maïss el-Jabal, Markaba et Wadi Honein, et des soldats israéliens ont tiré des balles en l'air pour effrayer des Libanais qui tentaient de leur faire face.
Au cours du week-end dernier, Tel-Aviv avait de facto incorporé la partie libanaise du village de Ghajar, situé à la frontière entre le Liban et le Golan syrien occupé et annexé par l’État hébreu, en installant une clôture au nord de cette localité traversée par la Ligne bleue, la coupant du Liban. Une violation de la résolution 1701 qui peut difficilement être séparée de l’installation par le Hezbollah de deux tentes dans la région contestée des collines de Kfarchouba et des fermes de Chebaa.
Face à tous ces développements, et pour tenter d'y voir plus clair, le général Hicham Jaber, militaire à la retraite et président du "Centre d'études et de recherche du Moyen-Orient", répond aux questions de L'Orient-Le Jour.
Comment décrivez-vous la situation le long de la frontière, à la lumière des derniers développements ?
Ce qu'il s'est passé à la frontière libano-israélienne jeudi est tout simplement une nouvelle agression de l'État hébreu qui s'ajoute à bien d'autres. Mais je ne pense pas que cela puisse être considéré comme une déclaration de guerre. Les causes de cette agression résident dans la complexité de la scène politique israélienne qui devient ingérable pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Israël traverse une période politique très compliquée. Bien que ce gouvernement soit l'un des plus extrêmes de son histoire, des tensions ont émergé au sein du cabinet concernant des questions de sécurité délicates, notamment celles liées aux Palestiniens et à la Cisjordanie. Face à cela, le Premier ministre israélien se trouve dans une situation où il a besoin d'une guerre pour s'en sortir et unifier la population divisée dans son pays. Il s'attaque alors quotidiennement à la Syrie, ainsi qu'aux territoires libanais qu'il tente d'annexer, y compris Ghajar, qui est un territoire libanais et non syrien.
Il est important de rappeler que la Ligne bleue qui sépare le Liban du territoire palestinien occupé (Israël) délimite une zone qui est censée être neutre et où personne ne peut accéder ni y faire parvenir des armes, qu'il s'agisse du Liban ou d'Israël. Mais l'État hébreu transgresse quotidiennement cette règle, considérant que cette zone lui appartient.
Pour ce qui est des obus tirés par des Palestiniens jeudi matin depuis le Liban, ce ne sont que des projectiles de petit calibre. Même s'ils en lancent quarante, la réponse d'Israël reste disproportionnée.
Existe-t-il un lien entre les récentes tensions le long de la frontière libano-israélienne et l'opération militaire israélienne à Jénine ?
Il n'existe aucun lien entre les tensions à la frontière et les récents événements à Jénine. Le Hezbollah soutient les Palestiniens sur le plan politique, mais pas militairement. Pour ce qui est des déclarations du secrétaire général du Hezbollah (par lesquelles il menaçait Israël d'une guerre en cas d'agression sur le territoire libanais ou palestinien), ce ne sont que des déclarations politiques.
Quelles pourraient être les réactions possibles du Hezbollah, notamment après l'installation de ses tentes à Kfarchouba ?
Il y a de très faibles chances qu'une guerre éclate dans l'immédiat. Aujourd'hui, le Premier ministre israélien souhaite la guerre, mais n'ose pas lancer les hostilités. Il craint les Américains et les Russes qui l'ont déjà mis en garde contre une offensive au Liban. Il essaie donc de pousser le Hezbollah à déclencher la guerre, afin de pouvoir se positionner en tant que défenseur. Il ne faut pas oublier que la guerre a un coût assez élevé, surtout du côté israélien, si le Hezbollah devait viser leurs installations pétrolières. Les conséquences seront énormes sur le plan économique, mais aussi pour la population israélienne.
Du côté du Hezbollah, il n'est pas dans son intérêt également tant sur la scène internationale que libanaise d'apparaître comme celui qui a déclenché la guerre. Le parti se positionne plutôt comme celui qui défend le Liban.
Vous allez taquiner des gens qui sont mieux préparés que vous. Maintenant on vient d’échanger une tente dans un no man’s land contre le village de Ghajar. Merci.
03 h 36, le 07 juillet 2023