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Politique - Éclairage

Après l’« annexion » de Ghajar, le Liban et Israël vers une nouvelle escalade ?

Dans l’indifférence générale, l’État hébreu a érigé une clôture au nord de la localité frontalière pour faire pression sur le Hezbollah.

Après l’« annexion » de Ghajar, le Liban et Israël vers une nouvelle escalade ?

Deux cheikhs libanais, l’un sunnite (à droite) et l’autre chiite (à gauche), font le signe de la victoire face à un tank israélien Merkava stationné à la frontière avec le Liban, en juin dernier. Mahmoud Zayat/AFP.

La détente au Moyen-Orient, amorcée par l’accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ne semble pas impliquer la frontière entre le Liban et Israël, où le statu quo est de plus en plus remis en question. Au cours du week-end écoulé, Israël a de facto incorporé la partie libanaise du village de Ghajar. Située à la frontière entre le Liban et le Golan syrien occupé par l’État hébreu, cette bourgade alaouite traversée par la ligne bleue a été complètement coupée du Liban après que l’armée israélienne a érigé une clôture au nord de la localité. Une violation de la résolution 1701, qui s’est faite dans l’indifférence générale et qui peut difficilement être séparée de l’installation par le Hezbollah de deux tentes dans la région contestée des collines de Kfarchouba et des fermes de Chebaa. Alors que les deux parties jouent la surenchère, le risque d’un dérapage ne peut être écarté.

Le Hezbollah « résistant »

« Les développements à Chebaa et Ghajar sont liés », estime Joe Macaron, un analyste spécialisé sur le Proche-Orient. Selon cette lecture, les Israéliens auraient choisi de remettre en question la démarcation de la frontière terrestre pour faire pression sur le parti chiite. Et pour cause. À travers ses installations « militaires avancées » dans la région contestée des fermes de Chebaa, le parti de Hassan Nasrallah a envoyé un message stratégique important renouant avec son statut de « résistant ».

L'éditorial de Issa Goraïeb

D’eau et de sang

La région est en effet extrêmement symbolique, puisqu’elle permet théoriquement au Hezbollah de maintenir une certaine légitimité à son arsenal. Certes, le territoire occupé par l’État hébreu est considéré par la communauté internationale comme syrien, mais il est revendiqué par le Liban. Résultat, le Hezbollah affirme jusqu’à ce jour, 23 ans après le retrait israélien du Sud, qu’il ne peut déposer les armes tant qu’un bout de territoire libanais est toujours sous occupation. Cet acte de provocation, intervenu malgré la signature de l’accord maritime entre le Liban et Israël en octobre 2022, est loin d’être isolé. D’autant que le parti chiite n’a pas encore réussi à monnayer les concessions qu’il a faites dans le cadre de ces négociations. Ainsi, la région frontalière a connu plusieurs épisodes de tensions ces derniers mois. À commencer par les tirs de roquettes depuis le Liban-Sud en direction d’Israël en avril, en passant par l’exercice militaire grandeur nature organisé en mai et les manifestations d’habitants dans le village frontalier de Kfarchouba en juin. Jusqu’au dernier message musclé en date : la semaine dernière, les combattants du groupe chiite ont abattu un drone israélien, poussant l’État hébreu à concentrer ses chars à la frontière.

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Face à cette surenchère, Israël est passé, lui aussi, à la provocation. Dimanche dernier, et parallèlement aux développements à Ghajar, des bulldozers de l’armée israélienne ont violé la barrière technique et la ligne bleue au niveau de la localité de Houla, tandis que ses soldats tiraient balles et grenades assourdissantes. La guerre psychologique bat également son plein. La presse israélienne et panarabe a rapporté en début de semaine que le Hezbollah a retiré l’une de ses installations militaires à Kfarchouba suite aux pressions exercées par la communauté internationale. Selon les informations de notre journal, la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban (Finul) n’a pas pu s’assurer de ces fuites, l’emplacement des tentes ne pouvant pas être observé depuis les positions des Casques bleus au Liban. Contacté, Mohammad Afif, porte-parole du parti chiite, dément, lui, catégoriquement. « Les installations sont toujours à leur place et nous comptons même en augmenter le nombre selon les besoins de la résistance », affirme-t-il.

« Test crucial »

La situation risque-t-elle donc de s’enflammer ? « Depuis l’année dernière, le Hezbollah a une politique plus péremptoire à la frontière sud », suppute Nicholas Blanford, chercheur à l’Atlantic Council et spécialiste de la formation pro-iranienne. « J’estime que le mouvement veut pousser encore plus loin, notamment en vue de ce qui se passe actuellement dans la région », ajoute-t-il. D’un côté, Israël fait preuve d’une violence inédite envers les Palestiniens dans le cadre de la « vaste opération antiterroriste » qu’il mène depuis lundi dans la ville de Jénine, en Cisjordanie. Ce raid a provoqué la mort d’une dizaine de civils et est décrié à l’unisson par la communauté internationale. De l’autre, l’État hébreu multiplie les attaques en Syrie contre des cibles de l’Iran et de ses obligés. Dernière en date, la frappe, dans la nuit de samedi à dimanche, sur la ville de Homs, qui aurait causé la mort de Hassan Suhani, un officier influent des gardiens de la révolution iranienne, responsable du développement des drones. Cette escalade intervient à l’heure où le Hezbollah a d’ores et déjà consacré l’équation de « l’unité des fronts » entre tous les acteurs de « l’axe de la résistance », des pasdaran aux factions palestiniennes. « Dans ce contexte, la pression diplomatique exercée par la communauté internationale sur le parti de Hassan Nasrallah risque de ne pas porter ses fruits, analyse-t-il. Cela pourrait conduire à un accrochage. » Un point de vue partagé par Joe Macaron. « Même si, dans l’absolu, Israël et le Hezbollah sont pour le moment capables de contenir la situation, on assiste aujourd’hui à un test crucial pour le statu quo à la frontière », estime-t-il. Le risque d’un embrasement ne peut donc pas être complètement écarté. « Si une confrontation a lieu, elle sera sûrement contenue dans la mesure du possible, aucune des deux parties n’ayant intérêt à provoquer une grande guerre », nuance M. Blanford. D’autant que, dans le contexte de détente actuel, l’Iran pourrait ne pas avoir d’appétit pour une grande confrontation régionale.

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Reste que ces développements interviennent à l’approche de la fin du mandat de la Finul qui doit être renouvelé par un vote au Conseil de sécurité de l’ONU en août. Le Liban essaye de retirer du texte une clause introduite l’année dernière qui pourrait permettre aux soldats de la paix de patrouiller sans obtenir une autorisation préalable de l’armée libanaise, tandis qu’Israël et les États-Unis souhaitent renforcer les prérogatives et l’autonomie des Casques bleus. Dans ce bras de fer, tous les coups sont permis, y compris – et surtout – le bluff.

La détente au Moyen-Orient, amorcée par l’accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ne semble pas impliquer la frontière entre le Liban et Israël, où le statu quo est de plus en plus remis en question. Au cours du week-end écoulé, Israël a de facto incorporé la partie libanaise du village de Ghajar. Située à la frontière entre le Liban et le Golan...

commentaires (16)

A-HU-RISSANT le commentaire qui prétend que le Hezbollah est en train de sauver ce pays !

Citoyen Lambda

16 h 29, le 07 juillet 2023

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Commentaires (16)

  • A-HU-RISSANT le commentaire qui prétend que le Hezbollah est en train de sauver ce pays !

    Citoyen Lambda

    16 h 29, le 07 juillet 2023

  • On a perdu Ghajar mais on a gagné une tente dans un nomansland. Bravo!

    Mago1

    04 h 45, le 07 juillet 2023

  • Révélateur que la censure locale, ne me protège pas, moi citoyen moyen, des élucubration des notre diplomate national source de sagesse et de frustrations.

    Zampano

    15 h 55, le 06 juillet 2023

  • Ce qui est ahurissant c'est de voir l'Orient le jour censurer des commentaires dévoilant la vérité sur la situation a Ghajar mais permet a d'autres d'insulter notre intelligence en essayant, une fois de plus, de passer le message comme quoi ,a résistance protège nos frontières. Sur ce, je répète: N'est pas ces mêmes habitants de Ghajar qui, il y a quelques années, ont refusé de revenir sous administration Libanaise en raison du manque de services de l’état? De quelle défense de territoire le Hezbollah se targue donc-il si ses ouailles n'en veulent pas ?

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    10 h 00, le 06 juillet 2023

  • C'est époustouflant, dirait l'autre, de voir des libanais qui ont vu et vécu mascarade après mascarade durant lesquelles la Patrie est décortiquée, les citoyens appauvris, la jeunesse immigrer, la livre libanaise bonne à emballer la manouché et malgré tout ça croire au père Noël qui rendra justice aux palestiniens... j'en ai les larmes aux yeux pour mon pays!

    Wlek Sanferlou

    01 h 03, le 06 juillet 2023

  • La seule explication possible du désistement du régime des Assad de sa propre « souveraineté » sur Chebaa Kfarchouba et Ghajar est qu’il s’agit d’une patate chaude qu’il ne cherche qu’à refiler au Hezbollah qu’il a LUI-MÊME façonné pour lui donner précisément CE RÔLE-LÀ. Explication confirmée par le fait que c’est nul autre que le régime des Assad qui jusqu’en 2005 a envoyé son armée et ses moukhabarat occuper tout le Liban SAUF le Sud et qui en même temps a interdit à l’armée libanaise de se déployer au sud du Litani pour que la SEULE force armée présente en cette région soit le Hezbollah. Et que c’est ainsi ET PAS AUTREMENT que le Hezbollah est devenu ce pour quoi il a été dès le départ programmé par le régime des mollah: un virus qui détourne toutes les ressources de son hôte le Liban au profit fe l’entité transnationale dont le régime laïc des Assad et le régime religieux des mollah sont les 2 facettes et les 2 piliers en même temps. Le Hezbollah, programmé pour parasiter le Liban au profit de l’entité néo-safavide a donc été façonné plus particulièrement par le régime des Assad de par le rôle de « résistant » qu’il lui a confié de manière exclusive. Et de plus il a été façonné par le régime des Assad pour jouer ce rôle de résistant QUE LUI-MÊME NE POUVAIT SE PERMETTRE de jouer. Quand les israéliens ont quitté le Sud-Liban il fallait à tous prix que l’agent qui a façonné le Hezb lui donne un nouveau territoire à « libérer », d’où ce désistement de souveraineté ahurissant.

    Citoyen libanais

    21 h 43, le 05 juillet 2023

  • Pour Chebaa, Kfarchouba et Ghajar, « Certes, le territoire occupé par l’État hébreu est considéré par la communauté internationale comme syrien, mais il est revendiqué par le Liban. » Et bien entendu, ce qu’on ne dit jamais, la « Syrie » (des Assad) appuie tacitement cette revendication, et c’est bien cela qui est complètement ahurissant et qui veut tout dire en même temps. Qu’un pays appuie la revendication d’un pays voisin sur SON PROPRE territoire D’AUTANT PLUS que ce territoire est occupé par un pays tiers, c’est du JAMAIS JAMAIS vu (NEVER EVER comme diraient les anglo-saxons) dans toute l’histoire des nations depuis la tour de Babel. Ça veut tout dire, parce-que la seule explication possible à ce paradoxe inédit de l’histoire de l’humanité c’est que c’est le régime des Assad et nul autre qui a PRODUIT le virus (h)E(z)BOL(l)A(h), bien que l’Iran des mollah l’ait inspiré. En langage aristotélicien on dirait que le régime des mollah est la cause formelle et le régime des Assad la cause efficiente de notre virus (anti-) national.

    Citoyen libanais

    20 h 59, le 05 juillet 2023

  • Il est AHURISSANT de voir toujours ces libanais moyens, commentateurs invétérés de l-Orient-le-Jour et de tout ce qui bouge , prendre encore une fois le parti de l'ennemi israélien plutôt que celui de la résistance qui pour une fois est en train de défendre notre territoire national ! A-hu-ri-ssant !

    Chucri Abboud

    16 h 01, le 05 juillet 2023

  • Le hezbollah a besoin d'Israël pour justifier ses armes et sa mainmise sur le Liran. Israël a besoin du hezbollah pour justifier ses subventions internationales et sa politique d'"attaques préventives". Et nous sommes au milieu comme des cons...

    Gros Gnon

    15 h 59, le 05 juillet 2023

  • Plus on noumanèè plus on perd: on tient tête sur les négociations des lignes maritimes on va du 29 au 23, on tient tête sur mazérii chebaa... on perd ghajar en plus de chebaa... au jeu d'échec on est by the book... wel habel aal jèrar, on promet de libérer el èdss on se retrouve sans liban...

    Wlek Sanferlou

    14 h 14, le 05 juillet 2023

  • C,EST PAS JOLI A DIRE, MAIS L,ADAGE LE DIT : * EL TIIZ OU CHENTENA *. ET LEUR FLIRT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 15, le 05 juillet 2023

  • HN continue de jouer au grand stratège en cédant aux exigences d’Israel lorsqu’il s’agit de frontières maritimes pour ensuite installait des tentes en avant poste sur ses frontières pour provoquer et justifier sa possession d’armes illégitimes. Que quelqu’un nous explique dans quel but et alors que le calme semblait s’installer entre ces deux pays le HB a décidé de relancer les provocations sinon pour pousser Israël à venir bombarder notre pays qui tient à peine debout pour qu’il reste le seul maître à bord une fois le chaos et le désordre revenus. S’il veut vraiment aider les palestiniens, c’est le moment où jamais d’aller en Palestine leur prêter main forte au lieu de faire semblant de résister alors qu’il est à l’écoute des israéliens pour maintenir la tension sans jamais ramener la paix pour anéantir notre pays. Quelle résistance dites-moi, un résistant qui négocie à l’amiable lorsqu’il s’agit de l’intérêt de son pays et déclare la guerre lorsqu’il est question de défendre des territoires et des causes qui ne le concernent en aucune façon.

    Sissi zayyat

    11 h 52, le 05 juillet 2023

  • N’oubliez pas que les sionistes gouvernent le monde, le seul pays qui peut faire quelque chose c’est l’Arabie Saoudite

    Eleni Caridopoulou

    10 h 38, le 05 juillet 2023

  • D'une certaine façon, c'est pitoyable qu'on laisse au Hizb à lui seul le monopole de la force à la frontière Sud. Cette frontière cruciale aurait dûe être sous contrôle de l'armée Libanaise, dotée de grands moyens. Hélas, notre armée est complètement incapable de faire face à la top notch armée Israélienne. Résultat, un vacuum militaire volumineux à été créé, depuis de nombreuses décennies. Franchement, je m'étonne du silence du camp qui s'arroge le nom de "souveraintiste", et de qui on a jamais entendu une revendication de moderniser l'armée Libanaise. Il est grand temps. On dirait qu'une armée nationale faible et réduite fait en fin de compte l'affaire de tout le monde. Pathétique !

    Raed Habib

    08 h 35, le 05 juillet 2023

  • KHALASS !!!!’ Stop …. Marre de vos guerres… de vos tactiques et pressions de part et d’autres… marre de vos résistances pour des terres qui n’appartiennent pas au liban… Marre de vos agressions sur des populations civiles… Marre de vos barbelés… marre de vos tentes… marre de vos menaces…. marre de vos messages militaires et politiques envoyés de part et d’autre … MARRE!!!!

    LE FRANCOPHONE

    08 h 24, le 05 juillet 2023

  • Israël va trop loin, et ce depuis les accords d’Abraham ou des pays arabes ont reconnus et noués des relations diplomatiques avec Israël. Les USA doivent mettre le holà auprès du gouvernement israélien et lui intimer de faire la paix avec la Palestine et se retirer de tous les territoires occupés en 1967. Israel est un état terroriste qui terrorise des civils palestiniens et il dit combattre les terroristes palestiniens dont la plupart sont armes de pierres alors qu’Israël montre des capacités militaires hors normes sans oublier ses armes nucléaires au besoin pour annihiler toutes résistances palestiennes,

    Mohamed Melhem

    03 h 14, le 05 juillet 2023

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