Avec le début de la saison estivale au Liban et son afflux de touristes et d’expatriés, les routes du pays témoignent d’un trafic dense. Fin juin, un embouteillage massif sur l’autoroute reliant Beyrouth au Nord, dans la région d'Antélias, a suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux et remis sur le devant de la scène le problème récurrent du trafic intense sur les routes libanaises. Les embouteillages ont malheureusement toujours fait partie du quotidien des Libanais. Qu’en pensent les automobilistes et quelles en sont les causes ?
#زحمة_سير خانقة على أوتستراد أنطلياس - الضبية باتجاه كسروان مع توقّف السّير كليًّا#التحكّم_المروري #أنطلياس #الضبية #كسروان #ليبانوس pic.twitter.com/L4lLjcbviC
— Lebanos (@lebanosnews) June 23, 2023
Moustapha subit cette situation tous les jours. Pour cet homme travaillant dans le commerce de pièces détachées de voiture et qui passe dix heures sur la route chaque jour, « la situation ne fait que s’aggraver » et « devient de plus en plus insoutenable ». Coincé dans les embouteillages à Hadeth, dans la banlieue sud, il estime que « les embouteillages sont de plus en plus fréquents, surtout dans le centre de Beyrouth ». « J'estime perdre un tiers de ma journée à cause de ces embouteillages », se plaint-il.
Selon Ziad Akl, fondateur de YASA (Youth Association for Social Awareness), « il n’existe pas d’étude claire permettant de déterminer avec précision si le trafic a augmenté ou diminué depuis 2019 (soit avant la crise, NDLR) au Liban. Cependant, il est indéniable que l’état des routes ainsi que l’absence d’un système de transports publics et de trains constituent des facteurs fondamentaux contribuant aux embouteillages fréquents dans le pays. En se basant sur des observations saisonnières, il est prévisible que le trafic sur les routes augmente pendant la période estivale, notamment avec l’arrivée des touristes ».
Les FSI pointées du doigt
Plusieurs Libanais interrogés par L’Orient-Le Jour, dont Moustapha, pointent du doigt le manque de gestion efficace du trafic par les Forces de sécurité intérieure.
« De Dohat el-Hoss (au sud de Beyrouth) jusqu’à l’Université américaine en passant par Raouché et la rue Bliss, il n’y a pas un seul policier ! Dans le trafic, il y a des centaines de mobylettes qui manquent de se faire écraser. J’avais l'impression d’être dans une jungle, sans oxygène, entouré de visages déprimés et tristes », affirmait ainsi cet internaute en avril dernier.
Michel, un Libanais de 26 ans, accuse même les FSI d’incompétence : « Hier, je suis passé par la région de Hamra. J’ai vu un policier qui faisait circuler simultanément les voitures venant de deux sens opposés. Ce n’est pas un cas isolé, nous voyons régulièrement ces membres de la police, vêtus de leur uniforme, téléphone à la main et cigarette à la bouche, ignorant les conducteurs et provoquant ainsi plus de trafic que celui déjà présent initialement. »
Des critiques contestées par les FSI, qui affirment, par le biais d’une source haut placée, que les policiers « font tout leur possible pour être présents sur les routes et organiser la circulation ».
L’état des routes
« Cependant, les routes au Liban ne sont pas conçues pour accueillir un grand nombre de véhicules, ce qui entraîne ces embouteillages », poursuit la source.
Questionné sur d’éventuels projets permettant d’améliorer l’état des infrastructures routières, une source au ministère des Travaux publics se contente d’affirmer que « si Dieu le veut, quelques nids-de-poule vont être comblés sur certaines routes », avant de rejeter la responsabilité sur d’autres institutions. Cette source estime notamment que le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), qui aurait reçu des fonds de la Banque mondiale pour la réhabilitation des routes, le ministère de l’Énergie, chargé de l’éclairage public, et celui de l’Environnement, pour la question des déchets en bord de route, portent une part de responsabilité sur cette question. Aucune de ces trois institutions n’était disponible pour répondre à nos questions.
Conduite irresponsable
La source au sein des FSI a par ailleurs estimé qu’ «une autre cause majeure des embouteillages pendant la saison estivale est l’augmentation des mariages et de la vie nocturne en général. Les personnes consomment de l’alcool et conduisent de manière irresponsable, ce qui entraîne des accidents de la route et donc davantage d’embouteillages ».
Une irresponsabilité des conducteurs également relevée par Moustapha, qui regrette l’absence de cours sur le code de la route dans les écoles et dans les centres d’apprentissage et critique les « comportements inappropriés au volant », notamment en ce qui concerne les priorités. « Au Liban, rien de tout cela n’existe », soupire-t-il.
Une baisse du trafic ?
Le responsable au sein des FSI affirme en outre que la congestion sur les routes n’est plus aussi préoccupante qu’auparavant : « Avec le retour des Libanais résidant à l’étranger en visite au Liban, le nombre de voitures sur les routes a augmenté. Cependant, cette hausse n’est pas aussi significative que les années précédentes en raison de la crise. Aujourd’hui, avec le chômage qui sévit dans le pays, le taux d’émigration élevé, l’inflation et la forte augmentation du prix des carburants, le nombre de voitures sur les routes a diminué », explique la source, qui indique toutefois qu’aucune étude chiffrée ne peut étayer son observation.
Un constat confirmé par Dany, propriétaire d’une chaîne de taxis couvrant l’ensemble du territoire libanais, qui estime que le trafic est inférieur à ce à quoi le Liban était habitué auparavant pendant l’été. « Le trafic est surtout intense pendant la journée. Après 19h, les routes sont vides. Même pendant les heures où nous avons du trafic, celui-ci est jugé acceptable, contrairement à ce que nous connaissions auparavant, où nous devions éteindre nos voitures en plein milieu de la route et attendre », explique-t-il.
Céline, qui n’a pas spécialement observé une baisse du trafic, a opté pour une autre solution : doctorante à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), elle a totalement modifié ses horaires de travail pour éviter les embouteillages. « Avant, je quittais ma maison à Qornet el-Hamra, dans la région de Bikfaya, vers 8 heures du matin. Le trajet pour arriver à l’USJ me prenait presque une heure, parfois plus, pour atteindre le campus. Au retour, vers 17 heures, le cauchemar recommençait. Maintenant que j’ai changé mes horaires, je démarre vers 14 heures et je rentre plus tard. Je gagne au moins 30 minutes à chaque trajet. »
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Le Liban suffoque et s'asphyxie alors que la population libanaise ne cesse d'augmenter ainsi que celle des refugies syriens qui se reproduisent sans aucune gene ou contrainte grace au support financier inconditionnel des Nations Unies qui enrichit aussi leurs bureaucrates et autres subalternes onusiens qui continuent d'encourager et d'exploiter ce desastre demographique. Alors trinquons, comme le veut la coutume libanaise, avant que les catastrophes environnementales n'aient leurs dernier mot.
Jacques Saleh, PhD
15 h 35, le 29 juin 2023