Enième transmission patrilinéaire du pouvoir au Liban : le député du Chouf Taymour Joumblatt a officiellement pris dimanche les rênes du Parti socialiste progressiste (PSP), succédant ainsi à son père, le leader druze Walid Joumblatt, qui avait annoncé son retrait de la présidence du parti et de son comité de direction un mois plus tôt.
Le député de 41 ans a été élu à l'issue d'un scrutin au Grand Hotel Victoria, à Aïn Zhalta, dans le Chouf. Les partisans du PSP ont également élu les membres du Conseil de direction du parti.
"Avance et n'aie pas peur. Dieu est avec toi", a lancé Walid Joumblatt à son fils, dans un discours prononcé à la suite de l'élection de Taymour, sous une pluie d'applaudissements. Après la diffusion de vidéos marquant les temps forts de l'histoire du PSP, le chef druze a abordé plusieurs questions sur la scène politique locale.
Stratégie de défense
"Le dialogue est le seul moyen de parvenir à un compromis et de consolider la réconciliation", a précisé Walid Joumblatt, estimant que la mise en place de "réformes globales et radicales est plus que nécessaire". Il a aussi souligné la "nécessité de renforcer l'armée et ses capacités ainsi que la mise en place d'une stratégie de défense", en allusion à la question sensible des armes du Hezbollah. "J'espère que le parcours se poursuivra avec ceux avec qui nous avons fait tomber l'accord du 17 Mai", dans une référence au document mort-né signé en 1983, en pleine guerre civile, entre le Liban et Israël pour mettre fin à l’état de guerre entre les deux pays.
Prenant par la suite la parole, le nouveau chef du PSP a promis de "poursuivre le travail pour que l'échéance présidentielle ait lieu en dépit des refus en bloc, redresser l'économie et préserver les droits et la dignité des citoyens".
A l'issue du scrutin, Zafer Nasser a été élu d'office secrétaire général du PSP. Habouba Aoun et Zaher Raad sont les nouveaux vice-présidents de Taymour Joumblatt. Nach'at Houssnieh, Mohammad Basbous, Rima Saliba, Marwa Abi Farraj, Lama Hariz, Rina Houssnieh, Kamal Ghosseini et Hussein Idris ont pour leur part été élus membres du Conseil de direction du parti. Une quasi-parité homme-femme, après que le PSP a mis en place, pour la première fois cette année, un système de quota féminin de 30%.
Walid Joumblatt avait accédé à la tête du parti en 1977, après l'assassinat de son père Kamal Joumblatt près d'un barrage de l'armée syrienne, deux ans après le début de la guerre civile libanaise (1975-1990). Il a occupé cette fonction sans interruption depuis cette date.
En 2017, Walid Joumblatt avait symboliquement posé sur les épaules de son fils devant la foule présente à Moukhtara, le "keffieh" à damiers noirs et blancs, le désignant ainsi comme son successeur. Un an plus tard, Taymour est élu député et dirige le groupe parlementaire du parti. Au cours des législatives de 2022, il conserve son siège et remporte davantage de voix (12.917 contre 11.800).
L'intention de donner à son fils le dernier mot sur les dossiers politiques avait été évoquée à plusieurs reprises ces dernières années par le chef druze, qui avait d'ailleurs laissé à Taymour le soin l'année dernière de prononcer le discours marquant la commémoration de l'assassinat de Kamal Joumblatt devant une foule de partisans. Début mai, après une rencontre à Aïn el-Tiné avec le président de la Chambre Nabih Berry, il avait aussi déclaré en réponse à plusieurs questions politiques, que "l'avenir est à Taymour".
"J'espère que Taymour Joumblatt sera à la hauteur du bey"
Sur le terrain, la passation du pouvoir ne fait pas l'unanimité. Des fidèles du parti, qui ne cachent pas leur appréhension, se sont rués vers Walid bey, avant le vote, pour lui parler ou encore prendre des photos avec lui.
"J'espère que Taymour Joumblatt sera à la hauteur du bey et de Kamal. Il va certainement donner une image plus jeune du parti mais, à mon avis, Walid Joumblatt devait rester à la tête du PSP", affirme une quinquagénaire, sous couvert d'anonymat, à notre journaliste sur place Lyana Alameddine. "Nous n'acceptons toujours pas le fait que Walid Joumblatt n'est plus le raïs. Cela prendra du temps", lance de son côté Farah Abi Maataz, originaire du Chouf. "Taymour est un jeune homme prometteur", ajoute-t-elle toutefois, estimant que le fait qu'il n'a pas grandi au Liban lui permettra d'aborder certains sujets autrement.
Les jeunes ne cachent pas non plus leur nostalgie. "Le changement est difficile. On passe d'une génération à une autre. Nous avons confiance en Taymour mais nous sommes habitués au bey qui a plus d'expérience", affirme un adolescent de 17 ans. "Taymour représente la voix des jeunes et de la raison. Cela est clair à travers les propositions de lois avancées au Parlement", estime pour sa part une jeune de 18 ans originaire de Baysour (Aley). Avant de poursuivre :"Nous avons tous la même nostalgie (...) mais nous soutenons la politique. Quelle que soit la personne, les valeurs sont les mêmes".
"Mabrouk ya bey!", lance un homme à la fin de la cérémonie, alors que le nouveau leader du PSP se fraye un chemin parmi une foule qui l'acclame.
L'intronisation de Taymour Joumblatt intervient alors que les tractations battent leur plein pour l'élection d'un nouveau chef d'Etat au Liban. Walid Joumblatt avait critiqué à maintes reprises la candidature de Sleiman Frangié, chef des Marada, soutenu par le tandem chiite Hezbollah-Amal. Leurs opposants, y compris le PSP, ont soutenu le député de Zghorta Michel Moawad avant de se rabattre sur l'ex-ministre des Finances Jihad Azour.
Né en 1982 durant la guerre libanaise, Taymour a entamé ses études à l'American University of Beirut (AUB), avant de poursuivre son cursus à la Sorbonne à Paris.
Les druzes, une secte ésotérique, représentent 5% de la population au Liban et sont également présents en Syrie et en Israël.
ON CONSTATE D’APRÈS CE VOTE QUE LES JOUMBLATT SONT UNE RACE SUPÉRIEURE CHEZ LES DRUZES . TAYMOUR CONFIRME CE RÔLE. LA PREUVE C’EST QU’IL VA HÉRITER LES 500 MORCEAUX DE TERRE DE SON PÈRE ET 37 SOCIÉTÉS AVEC. IL VA SÛREMENT RÉUSSIR À AUGMENTER CES CHIFFRES.
22 h 38, le 25 juin 2023