C'est un énième incident qui est venu troubler le calme fragile le long de la ligne bleue, la « ligne de retrait » tracée par les Nations unies en juin 2000, à la frontière entre le Liban et Israël. Mercredi, l'État hébreu a affirmé que le Hezbollah a installé sur son territoire au moins une tente militaire. L'armée israélienne a fait savoir qu'elle avait l'intention de traiter cette affaire « par la voie diplomatique ». Elle a toutefois menacé de recourir à la force si cette tente n'était pas enlevée rapidement. Selon la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul), la tente en question se trouve dans une « zone frontalière contestée ». L'endroit dans lequel elle est installée est proche de celui où un agriculteur libanais avait défendu, début juin à Kfarchouba (caza de Hasbaya), son terrain face à un bulldozer de l'armée israélienne. Le 9 juin, des soldats israéliens avaient tiré des gaz lacrymogènes en direction de manifestants libanais, dans la même région, au cours d'un mouvement de solidarité avec cet agriculteur.
La multiplication des accrochages à Kfarchouba menace-t-elle la sécurité de la frontalière libanaise ? Quelle est la situation actuelle le long de la ligne bleue ? Le général à la retraite et stratège militaire Élias Hanna décrypte la situation pour L'Orient-Le Jour.
Quels sont les enjeux de l'installation d'une tente près de la ligne bleue à Kfarchouba? Ce genre d'agissements revêt-il une importance militaire pour le Hezbollah?
Le village de Kfarchouba n'est pas situé sur la ligne d'attaque utilisée habituellement par le Hezbollah. L'installation d'une tente dans une zone frontalière contestée près de ce village n'est pas importante, militairement parlant, mais elle est symboliquement marquante. Le fait que le Hezbollah ait pu installer une tente à cet endroit et que cette structure soit toujours en place peut être considéré comme une victoire pour ce parti et un échec pour Israël. Le parti chiite profite de certaines brèches pour marquer des points. Cet endroit pourrait être utilisé par le parti pro-iranien dans le futur. Le Hezbollah crée de nouvelles infrastructures pour toute opération à venir.
Ce type d'incident peut-il mener à une escalade entre les deux pays ?
Il n'y a pas de risques de guerre ou d'escalade militaire. Le Hezbollah et Israël continuent de respecter les règles d'engagement pour l'instant. Ces règles ont été établies en 2006 (après la guerre de juillet 2006 entre le Hezbollah et l'État hébreu), avec le vote de la résolution 1701. Le jour où la Finul cessera d'être un référent au Liban-Sud, cela voudra dire que les règles du jeu ont changé. Les événements qui ont lieu dernièrement font partie d'une sorte d'usure continuelle accumulative. Il s'agit d'incidents simples qui frappent le système en place, mais qui ne risquent pas de mener à l'implosion de ce système de sitôt.
Comment décririez-vous la situation actuelle le long de la ligne bleue ?
Le statu quo règne à l'heure actuelle dans cette zone frontalière, car, pour le moment, tout le monde y est favorable. Le Hezbollah a un agenda local, au niveau de la communauté chiite, ainsi qu'un agenda régional, proche du régime iranien. Si les États-Unis arrivent à un accord avec l'Iran, on se dirigera vers une accalmie. Mais il y aura toujours quelques incidents, par-ci par-là, qui constituent un besoin pour le Hezbollah et qui s'inscrivent dans le cadre de la problématique de la survie et de l'existence de ce parti. Je pense que le rapprochement saoudo-iranien permettra également de maintenir ce statu quo. Personne n'a intérêt aujourd'hui à ce qu'il y ait un changement à ce niveau.
Que l’on s’arrête la. Qu’Israël ne mêle pas tout le reste du Liban à Kfarchouba.
14 h 27, le 23 juin 2023