
Dans un quartier de Beyrouth, une affiche proclamant le boycott des législatives en soutien à la décision du leader sunnite Saad Hariri. Anwar Amro/AFP
Plus que jamais après la séance électorale de mercredi, la question du rôle de la communauté sunnite et ses députés se pose. Les représentants de ce groupe sont-ils marginalisés ou sont-ils simplement perdus ? Clairement, le 14 juin, les députés sunnites opposés au Hezbollah ont eu un effet minime sur le résultat du scrutin, en comparaison avec les dernières années. En parallèle, le parti de Dieu, qui a réussi lors des dernières législatives à consolider son influence sur la scène sunnite, a traduit cette influence en voix supplémentaires pour son candidat à la présidentielle.
D’abord, grâce au bloc de l’Entente nationale de Fayçal Karamé, qui comprend cinq députés sunnites pro-Hezbollah issus de différentes régions (Beyrouth, Tripoli, Akkar et la Békaa). Ensuite, à travers les parlementaires sunnites directement affiliés à son bloc et à celui de son frère chiite, Amal. Par contre, entre le reste des élus de cette confession, la symbiose est loin d’être au rendez-vous. Seuls les députés Achraf Rifi, Fouad Makhzoumi, Bilal Houchaïmi et Waddah Sadek sont solidement ancrés dans l’opposition au camp du Hezbollah.
Anatomie du vote sunnite
Mercredi, sur les 27 députés sunnites qui siègent dans l’hémicycle, 11 ont voté pour Sleiman Frangié et sont des alliés du tandem chiite. Six ont quant à eux voté pour le candidat de l’opposition, Jihad Azour, trois pour l’ancien ministre Ziyad Baroud et un seul pour le chef de l’armée, Joseph Aoun. Les six restants ont opté pour le slogan « Le Nouveau Liban ». En se rangeant du côté de Sleiman Frangié, les députés pro-Hezbollah n’ont pas créé la surprise. Ceux qui ont voté pour Jihad Azour ont, eux, choisi de prendre une position claire et sans équivoque.
Quant aux 10 députés qui composent l’entre-deux, ils ont choisi la neutralité dans une bataille fortement polarisée. En votant pour l’ancien ministre de l’Intérieur, Ziyad Baroud, les élus de Saïda Oussama Saad et Abderrahmane Bizri considèrent par exemple qu’ils ont opté pour la troisième voie. De leur côté, ceux qui ont glissé « Le Nouveau Liban » dans l’urne estiment qu’ils sont restés au-dessus de ce qu’il considèrent comme une bataille confessionnelle entre les chrétiens qui soutiennent l’ancien ministre des Finances, Jihad Azour, et les chiites qui appuient le chef des Marada, Sleiman Frangié. Ces élus-là, rassemblés au sein du bloc de la Modération nationale (majoritairement sunnites anciens haririens), disent avoir préféré rester au centre pour éviter un éclatement de leur bloc, craignant que certains d’entre eux ne votent pour le candidat du Hezbollah.
Mais à la suite de la séance électorale de mercredi, et alors que le score du leader des Marada a dépassé toutes les attentes (avec 51 voix), nombre d’observateurs ont estimé que deux membres de ce bloc ont tout de même voté pour le candidat du Hezbollah. « Tous nos députés ont voté pour “Le Nouveau Liban”, dément un membre de ce groupe. Si le score de Sleiman Frangié était plus important que prévu, c’est parce que le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil n’a pas pu contenir la fronde au sein de son bloc. Trois élus du Liban Fort ont voté pour le leader de Zghorta, en plus d’un vote blanc et d’un bulletin au nom de Jihad el-Arab. Et d’abonder : Les sunnites ne sont pas vraiment marginalisés. Au contraire, le positionnement centriste donne aux représentants de cette communauté un rôle et une influence importante. »
Une vision que ne partagent pas d’autres députés sunnites qui déplorent « l’éclatement et la confusion » au sein de leur communauté. D’autant que, selon des informations obtenues de sources concordantes, les députés sunnites ont reçu des appels du président de la Chambre, Nabih Berry, et du Hezbollah pour les convaincre de ne pas voter pour Jihad Azour, à défaut de voter pour Sleiman Frangié. L’objectif derrière ces pressions ? Empêcher le candidat de l’opposition de dépasser la barre symbolique des 65 voix (pour une élection au second tour) et réduire l’écart entre les deux rivaux. Toutefois, pour expliquer la décision des députés sunnites, il ne faut pas omettre un facteur-clé : ils attendaient des signaux externes, principalement de l’Arabie saoudite, qu’ils n’ont jamais reçus. Selon nos informations, plusieurs élus ont contacté des responsables saoudiens pour connaître leur point de vue concernant l’échéance présidentielle, en vain.
Marginalisation
Reste que, du fait de son éclatement, cette communauté n’est plus un acteur-clé sur la scène. D’autant que la séance électorale de mercredi est intervenue quelques jours après les discussions, dont la teneur a fuité, entre le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et le représentant de l’Église maronite, le père Boulos Abdel Sater. Lors de cet entretien, le parti de Dieu a exprimé son refus de voir répéter le scénario du gouvernement de Fouad Siniora entre 2006 et 2008, quand le parti jaune était dans l’opposition. Comprendre : le Hezbollah essaie de miser sur sa convergence avec les chrétiens face aux sunnites en vue d’affaiblir ces derniers encore plus. Une convergence consacrée par l’entente de Mar Mikhaël avec le CPL de Michel Aoun en 2006 et après le début de la révolution syrienne en 2011, à travers la notion « d’alliance des minorités » face au « terrorisme sunnite ». Cette stratégie intervient alors que les sunnites ont connu une dynamique régionale peu favorable, avec le recul de leur rôle en Irak, en Syrie et au Liban. « En optant pour la neutralité dans la bataille actuelle, qui dépasse la présidentielle mais concerne l’avenir du pays et son identité, les sunnites pourraient donc être en train d’amplifier cette dynamique de marginalisation et consacrer leur mise à l’écart », estime une figure sunnite anti-Hezbollah.
Or, une rétrospective historique du rôle sunnite au Liban permet de constater qu’il a été au plus fort après l’accord de Taëf en 1990, et surtout suite à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en février 2005. En effet, le mouvement de contestation massif qui a suivi cet attentat imputé au régime de Damas a conduit au retrait des troupes syriennes deux mois plus tard. Avant cela, le régime syrien répartissait à son gré les rôles et les rapports de force entre les différents acteurs, soit en maintenant l’équilibre de la terreur, soit en créant une concurrence au sein de chaque communauté. Dans cette logique, le pouvoir syrien a érigé des rivaux sunnites à Rafic Hariri dans toutes les régions afin de maintenir les leviers du pouvoir. Après l’assassinat de l’ancien Premier ministre, le renforcement inédit du courant du Futur sur les plans politique et populaire ont pu réduire l’influence de nombreuses figures sur la scène libanaise. Cela a placé le pouvoir de décision de la communauté sunnite entre les mains de Saad Hariri, dans toutes les échéances politiques.
Mais le retrait de ce dernier de la vie politique, en janvier 2022, et l’absence d’une alternative sérieuse à son leadership ont conduit à l’éclatement de la scène sunnite. La consultation populaire de mai 2022 en a été la première traduction : certains élus sunnites sont en effet plus ou moins proches de Saad Hariri, d’autres sont des indépendants tandis que bon nombre d’entre eux sont affiliés au Hezbollah. Mais alors que la bataille présidentielle prend des airs de confrontation entre les chiites et les chrétiens, les sunnites ont choisi de rester neutres. Contrairement aux chrétiens qui, en 2005, en plein bras de fer entre le Hezbollah et le Futur, se sont divisés en deux groupes, certains s’étant rangés aux côtés des sunnites et d’autres aux côtés des chiites. Mais actuellement, les représentants de la communauté sunnite semblent uniquement guetter un signal extérieur, que ce soit de l’Arabie saoudite ou du leader exilé de la communauté, Saad Hariri.
De tous les accomplissements de Rafic Hariri, Ce que Michel Aoun n'a pas pus ou n'a pas eu le temps de détruire durant c'est 6 ans de présidence: les institutions, la propreté, le fonctionnement des lumières sur les routes de Beyrouth, l'économie, le tourisme, etc.. Voilà les députés Sunnites qui viennent de le détruire durant 12 séances électorales. Les sans opinions ont détruies la souveraineté politique libanaise que Hariri a initié. Par contre un grand Merci pour les quatres qui eux tiennent le flambeau: Fouad Makhzoumi, Achraf Rifi, Bilal Houchaimi et Waddah Sadek. Le flambeau de l'indépendance de la souveraineté et de la constitution. Le Liban a besoin de plus de députés musulmans comme c'est quatres là aux prochaines législatives.
13 h 49, le 19 juin 2023