
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, à Beyrouth, le 23 novembre 2021. Photo d'archives REUTERS/Mohamed Azakir
Alors que le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé, visé par un mandat d'arrêt international émis par la France le 16 mai et une notice rouge d'Interpol, a été convoqué par la justice libanaise à un interrogatoire mercredi, le gouvernement sortant de Nagib Mikati a décidé lundi... d'attendre, malgré les appels pressants à une démission du gouverneur.
Réunis lundi après-midi de manière informelle sous la houlette de M. Mikati, les ministres ne sont pas parvenus à des mesures concrètes contre le patron de la banque centrale et ont décidé de laisser l'affaire entre les mains de la justice.
Avant même la fin de la réunion, un communiqué officiel du gouvernement s'est contenté d'indiquer qu'un "Conseil des ministres est prévu à 15h, vendredi" et que l'ordre du jour de cette réunion "sera distribué ultérieurement".
Selon notre correspondante Hoda Chédid, lors de la réunion consultative à laquelle dix-neuf ministres (sur vingt-quatre) ont pris part, les points de vue divergeaient autour de l'affaire Salamé. Il a donc été décidé de "laisser cette affaire entre les mains de la justice libanaise afin que les mesures convenables soient prises, de sorte à préserver le rôle des institutions libanaises", précise-t-elle. Les ministres ont en effet insisté sur "la nécessité d'accorder la priorité à la préservation des institutions de l'Etat, notamment la BDL, et de s'engager à respecter les décisions de la justice libanaise à ce sujet". Toujours selon notre correspondante, ils ont enfin "appelé tout le monde à être responsable et à faire primer l'intérêt public de l'Etat et la protection de ses institutions sur les intérêts personnels".
"Bras de fer"
Joint par L'Orient-Le Jour, le ministre sortant des Déplacés Issam Charafeddine a souligné qu'"il y a eu une quasi-unanimité sur le fait d'épargner à l'exécutif cette décision". Selon lui, M. Mikati a prévenu que si le gouvernement devait débattre plus profondément de cette question, cela susciterait un "bras de fer" entre les différentes composantes du cabinet. "Nous sommes finalement convenus de laisser la question aux mains de la justice, sachant que tous les ministres ont clairement signifié qu'il était du devoir de M. Salamé de démissionner lui-même".
Une autre source ministérielle ayant requis l'anonymat a précisé que le ministre sortant des Affaires sociales Hector Hajjar a indiqué, lors de la réunion, qu'il valait mieux éviter de publier un communiqué concernant l'affaire Salamé et que celle-ci n'en vaut plus la peine puisqu'il quitte ses fonctions dans deux mois.
Le ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada, avait indiqué à L'Orient-Le Jour dimanche que "ce n’est pas à l’exécutif de demander, à ce stade, la démission de Riad Salamé tant qu’il n’y a pas encore d’accusation claire contre lui".
Le ministre se base sur une interprétation personnelle du Code de la monnaie et du crédit qui prévoit notamment dans son article 19 la démission du gouverneur en cas de mauvaise gestion de ses fonctions. Plusieurs juristes estiment que le patron de la BDL aurait dû quitter son poste dès lors que des doutes sérieux ont été émis à son égard.
Interrogatoire mercredi
Lundi, avant la réunion ministérielle, le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate a convoqué Riad Salamé à une audience fixée pour mercredi en milieu de journée, a confirmé à L'Orient-Le Jour une source judiciaire haut placée sous couvert d'anonymat. Selon cette source, le patron de la BDL sera interrogé en tant qu'"accusé". Le juge Oueidate va charger l'avocate générale près la Cour de Cassation Mirna Kallas, ou plus probablement l'avocat général près la Cour de cassation, Imad Kabalan, de mener l'interrogatoire, ajoute la source.
Lundi également, le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, a appelé Riad Salamé à démissionner, estimant que les poursuites engagées à son encontre en France pourraient avoir des répercussions sur la situation monétaire" du Liban.
Déjà le 18 mai, le vice-président du gouvernement sortant, Saadé Chami, avait appelé à la démission du gouverneur. Le lendemain, le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, avait lui aussi jugé cette démission "nécessaire".
Pour sa part, le chef des Kataëb, le député Samy Gemayel a annoncé lundi avoir présenté la semaine dernière une proposition de loi visant à modifier la durée du mandat du gouverneur de la BDL afin que ce mandat de six ans ne soit renouvelable qu'une seule fois.
Riad Salamé fait l’objet de plusieurs enquêtes au Liban et en Europe, où il est soupçonné de s’être constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics, mais il se défend constamment contre ces accusations.
Après l'émission du mandat d'arrêt international le 16 mai par la juge d'instruction française Aude Buresi, M. Salamé avait affirmé qu'il comptait faire appel de cette décision. Deux jours plus tard, il a indiqué qu’il démissionnerait "si un jugement était rendu" à son encontre, et confirmé qu'il quitterait en tout cas ses fonctions à la fin de son mandat le 31 juillet prochain. Le gouverneur de la BDL a aussi affirmé qu'il fera appel de la notice rouge d'Interpol associé au mandat d'arrêt émis par la justice française.
Alors que le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé, visé par un mandat d'arrêt international émis par la France le 16 mai et une notice rouge d'Interpol, a été convoqué par la justice libanaise à un interrogatoire mercredi, le gouvernement sortant de Nagib Mikati a décidé lundi... d'attendre, malgré les appels pressants à une démission du gouverneur.Réunis...
commentaires (9)
Qu’il coule et avec lui tous ces bandits. Nous attendons ce moment depuis longtemps, malheureusement notre justice n’est pas credible, nous assistons a un match de tennis entre le gouvernement et la classe judiciaire, ils se renvoient la balle sans qu’il y ait un match point. Situation ubuesque si ce n’était tragique!
CW
15 h 31, le 23 mai 2023