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Politique - Décryptage

La raison cachée derrière le soutien du Hezbollah à Frangié...

La région est en pleine période de changements, et au Liban, le dossier présidentiel en est encore au même point. À une dizaine de jours de la tenue en Arabie saoudite d’un sommet arabe qui s’annonce crucial, le principal candidat à la présidence de la République reste le chef des Marada, Sleiman Frangié. Le camp adverse cherche péniblement à s’entendre sur un candidat qui puisse faire face à celui d’Amal et du Hezbollah, mais jusqu’à présent, aucun nom ne parvient à obtenir l’aval des différentes parties de l’opposition.

Toutefois, les raisons invoquées par le Hezbollah pour soutenir la candidature Frangié semblent de moins en moins convaincantes. Y aurait-il donc un motif caché qui pousse le parti chiite à s’accrocher à ce choix? Au cours des mois précédents, le Hezbollah a évoqué trois raisons principales pour justifier son soutien au candidat Frangié. D’abord, le fait qu’il avait promis au leader des Marada en 2016 – lorsqu’il lui a demandé de ne pas se rendre à la séance parlementaire au cours de laquelle il pouvait être élu (afin que Michel Aoun puisse être lui-même président) – d’appuyer sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Cet argument peut paraître dérisoire pour d’autres parties libanaises, mais pour le Hezbollah, il est important de donner une image de loyauté et de solidité dans les choix, car cela augmente sa crédibilité auprès des autres composantes et lui donne l’aura d’une formation qui respecte ses principes et ses valeurs. Il est donc certain que cet argument est important pour le Hezbollah, mais le Liban peut-il rester dans cette vacance alors que les institutions publiques s’effondrent l’une après l’autre, juste parce que le parti chiite a fait une promesse au candidat Frangié ? Plus la crise s’intensifie au Liban et moins cet argument semble justifié, d’autant que le Hezbollah pourra toujours dire à son candidat qu’il a fait de son mieux, mais que la situation du pays ne supporte pas que l’on attende plus longtemps.

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Le deuxième argument avancé repose sur l’idée que le Hezbollah a été pris de court par le président de la Chambre, Nabih Berry, qui a annoncé son appui à la candidature de Frangié, ne lui laissant d’autre option que celui d’avaliser ce choix afin de préserver la fameuse entente interchiite (qui est l’un des principaux éléments de force du Hezbollah sur le plan interne). Toutefois, même s’il y a du vrai dans cette idée, le Hezbollah n’était pas obligé d’aller si loin dans son appui à Frangié.

Enfin, l’autre argument avancé par le Hezbollah consiste à dire que le parti ne veut pas d’un président qui puisse « poignarder la résistance dans le dos ». Cet argument a surpris les différentes parties libanaises qui ont tendance à considérer que cette formation est aujourd’hui plus forte que par le passé. Par conséquent, on voit mal comment le Hezbollah pourrait craindre d’être poignardé dans le dos par un président qui, de toute façon, a des prérogatives limitées. Ce parti affirme ne pas vouloir rééditer « l’expérience du général Michel Sleiman » qui a été élu dans le cadre de l’accord de Doha (2008) et qui, vers la fin de son mandat, s’est retourné contre le Hezbollah. Mais ce retournement n’a pas eu de véritable suite et le Hezbollah dispose désormais d’un véritable arsenal. Alors pourquoi cet attachement à la candidature de Frangié, au risque de défaire le tissu d’alliances internes qu’il avait si patiemment noué ?

Selon une source diplomatique arabe, la véritable raison serait ailleurs et elle serait liée aux développements régionaux qui semblent se précipiter. Jusqu’à présent, le Hezbollah se considère parmi les grands gagnants dans ces développements. Mais derrière cette satisfaction affichée se cacherait une véritable inquiétude pour l’avenir. Sur le plan du conflit israélo-arabe, la tendance est à l’apaisement sur le front libanais. L’accord sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël devrait être suivi au cours des prochaines années par un accord sur les frontières terrestres. Et, avec le début de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, les différentes parties devraient s’installer dans une trêve de plus ou moins longue durée. Ce qui pousserait alors des parties libanaises à soulever la question des armes du Hezbollah.

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De même sur le plan régional, le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe est certainement un besoin pour Damas et pour les autres capitales arabes. Mais derrière l’empressement arabe de réintégrer la Syrie, il y aurait aussi une volonté sérieuse de réduire l’influence iranienne sur Damas par le biais de la reconstruction. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier chef d’État à se rendre à Damas après l’accord irano-saoudien a été le président iranien qui s’est empressé de signer des accords économiques avec son homologue syrien, dans une démarche claire pour se réserver une place de choix dans le chantier de la reconstruction en Syrie. Les Arabes s’apprêtent d’ailleurs à faire de même, et la détermination de l’Iran ne pourra pas les empêcher de vouloir eux aussi investir dans des projets de reconstruction. Dans ce contexte, le moment pour le Hezbollah de retirer ses forces de Syrie semble approcher. Déjà les ententes qui commencent à prendre forme dans la région, notamment au Yémen et même en Irak où le processus politique semble se confirmer, devraient aboutir à moyen terme à réduire le rôle régional du Hezbollah, qui était en fait l’élément qui dérangeait le plus l’Arabie saoudite et certains États du Golfe.

Si l’exposé de cette source diplomatique arabe se précise, cela signifie que la région et en particulier le Liban sont à la veille d’une nouvelle étape, encore remplie d’inconnues. Dans ce contexte confus, le Hezbollah préfère donc un président digne de confiance, qui ne céderait pas aux pressions internationales ou régionales et qui ne lui créerait pas de problèmes alors qu’il est, lui, concentré sur les développements régionaux. Et qui, aux yeux du Hezbollah, pourrait assumer ce rôle mieux que Sleiman Frangié ?

La région est en pleine période de changements, et au Liban, le dossier présidentiel en est encore au même point. À une dizaine de jours de la tenue en Arabie saoudite d’un sommet arabe qui s’annonce crucial, le principal candidat à la présidence de la République reste le chef des Marada, Sleiman Frangié. Le camp adverse cherche péniblement à s’entendre sur un candidat qui puisse...

commentaires (6)

$xcllente analyse, et très claire ...merci mille fois .

Chucri Abboud

15 h 02, le 12 mai 2023

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • $xcllente analyse, et très claire ...merci mille fois .

    Chucri Abboud

    15 h 02, le 12 mai 2023

  • Le mur ….

    Eleni Caridopoulou

    20 h 35, le 09 mai 2023

  • La crainte de voir s'étioler son rayonnement régional (avec les impacts pécuniaires et politiques que cela implique) est quand même bien plus crédible que des raisons "d'honneur" ou de suivisme imposé !! Souhaitons simplement que tous les politiques libanais en soient conscient, quitte à accepter de prendre le risque Frangié dans l'immédiat pour débloquer la situation du pays, puis faire barrage plus tard, quand ça sera nécessaire ? Toujours est-il qu'il devient urgent de choisir, si les libanais ne veulent pas voir leur pays disparaître !!!

    MalikeDoBrazil

    19 h 45, le 09 mai 2023

  • Résumé de ce bla bla: le Hezbollah veut un pantin sous ses ordres à la présidence de la république. Et qui mieux de Sleimane Frangieh incarne ce pantin ? OLJ vous ne pouvez pas censurer, c’est une réponse ciblée à l’article

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 08, le 09 mai 2023

  • "… le principal candidat à la présidence de la République reste le chef des Marada, Sleiman Frangié …" - Fais tes recherches: il n’a même pas encore présenté sa candidature…

    Gros Gnon

    07 h 05, le 09 mai 2023

  • EUREKA....Scarlett a trouvé.... S'il n'est pas aveuglé par la force de ses armes, son hezb chéri joue la peur de l'avenir....pour maintenir sa mainmise sur l'Etat.

    elias austa

    05 h 02, le 09 mai 2023

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