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Nos Lecteurs ont la Parole

Suprématie de la Constitution : témoignage et expérience

Les Mémoires que publie l’ancien président du Conseil constitutionnel Issam Sleiman sont une exhortation au redressement, au renouveau et au ressourcement dans un Liban en perte de repères (al-Nouhoud fî mouwâjahat al-inhiyâr : tajribati fî al-majlis al-doustourî, 2009-2019, éd. al-Halabî, 2022, 406 p.). On peut dégager de l’ouvrage – relation en fait de l’expérience de tous les membres du Conseil en 2009-2019 – quatre perspectives porteuses d’avenir.

1. Témoignage : il est du devoir moral de tout responsable qui a géré la chose publique de témoigner. Quand j’ai été moi-même élu par le Parlement en tant que membre du Conseil constitutionnel, une force politique publie le lendemain une opinion contestataire : « Comment élire un juge constitutionnel contraint à l’obligation de réserve alors qu’il publie des livres et participe à des conférences ? »

C’est dire que le juge devrait être illettré ! Quand j’ai ensuite participé à une table ronde au barreau de Beyrouth à propos de l’ouvrage du grand juriste Badaoui Abou Dib, j’ai affronté le holà : obligation de réserve ! Exigence devenue obligation de paresse ! L’ancien président du Conseil constitutionnel français Jean-Louis Debré écrit dans ses Mémoires Ce que je ne pouvais pas dire (Laffont, 2016,

360 p.), sans révéler aucun secret de délibération : « Courage ? Taisez-vous ! »

(p. 325). Les Mémoires de Issam Sleiman transmettent une expérience pionnière refondatrice du Conseil constitutionnel en 2009-2019, non pour la gloriole, mais pour témoigner et transmettre. J’avais aussi publié une partie de mon expérience (Méditations sur la justice. Mon expérience au Conseil constitutionnel, 2009-2019, 100 p.). Les Mémoires de l’ancien président constituent une feuille de route pour la mise en œuvre effective et permanente de la suprématie de la Constitution.

2. Indépendance qu’il faut autodéfendre. Je m’arrête aux pages où l’auteur expose en détail comment le Conseil a défendu son indépendance absolue en conformité à l’article 1 de ses statuts : « Le Conseil constitutionnel est une institution indépendante à caractère judiciaire. » Le Conseil a fait face à plusieurs moyens détournés et en apparence anodins. Il a défendu son indépendance : financière avec le refus de nomination d’un contrôleur du ministère des Finances; spéciale en refusant l’intégration du Conseil au projet de construction d’un nouveau Palais de justice ; administrative en refusant la réception de tout courrier du ministère de la Justice, et non directement des Affaires étrangères ou du Conseil des ministres… (pp. 68-83).

3. Pionnier des rapports avec la société. Le Conseil durant les années 2009-2019 a passé d’une institution fermée à une ruche pour l’acculturation nationale du droit et de la justice : publication d’un annuaire, bibliothèque spécialisée, publication intégrale des décisions depuis 1994, congrès, ouverture aux universités, accueil de chercheurs, communication avec la presse… (pp. 48-67). L’Orient-Le Jour écrit : « Le Conseil constitutionnel pionnier de la transparence » (18 avril 2015). Non pas dans le secret des délibérations, mais dans l’engagement public, sinon, pourquoi la qualification d’institution publique ?

4. Le droit constitutionnel jurisprudentiel. Mes dissidences ne sont pas en contradiction avec les décisions, mais l’expression d’un complexe normatif exagéré de ma part pour mieux élucider des normes souvent ignorées ou bafouées. Des décisions du Conseil constitutionnel en 2009-2019 élucident des normes fondamentales dans la jurisprudence constitutionnelle en perspective comparée et internationale, en ce qui concerne notamment la justice proportionnelle à propos de la loi sur les loyers, la sécurité juridique, le caractère relevant de l’État en matière d’autonomie personnelle (art. 9, 10 et 19 de la Constitution) du fait que les instances religieuses exercent une autorité (auctoritas) et non un pouvoir (potestas), la sauvegarde de l’État dans l’État de droit… (pp. 149-168, 352-364).

Le Conseil a eu surtout le souci, comme tous les Conseils antérieurs, de publier les décisions relatives au contentieux électoral en bloc, et non de façons saccadées, en conformité à l’essence de la légitimité et de la temporalité du droit.

Issam Sleiman écrit dans l’introduction : « Il s’agissait de rétablir la confiance dans le Conseil constitutionnel en un temps où la violation de la Constitution est devenue commode, où la praxis politique est débridée et où la cosmétique pour enjoliver le pouvoir l’emporte sur les normes fondatrices de l’État. »

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Les Mémoires que publie l’ancien président du Conseil constitutionnel Issam Sleiman sont une exhortation au redressement, au renouveau et au ressourcement dans un Liban en perte de repères (al-Nouhoud fî mouwâjahat al-inhiyâr : tajribati fî al-majlis al-doustourî, 2009-2019, éd. al-Halabî, 2022, 406 p.). On peut dégager de l’ouvrage – relation en fait de l’expérience de...

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