Croulant sous le poids des crises successives et de la double vacance au niveau de l’exécutif, le Liban n’a pas vraiment eu le temps de se réjouir de la conclusion de l’accord avec Israël sur l’exploitation des ressources maritimes gazières et pétrolières. Il n’a même pas commencé à en percevoir les premiers effets, alors qu’il s’agit malgré tout d’un grand pas en avant pour le pays. Comme le dit le patron de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui a suivi le dossier des négociations maritimes depuis le début, « le Liban n’est pas et n’a jamais été un pays pauvre ». Mais ce sont les responsables libanais qui ont longtemps hésité avant d’accepter cette idée et d’agir en fonction de cette réalité.
En effet, depuis les années 50 du siècle dernier, certains spécialistes affirmaient qu’aussi bien le sol libanais que les eaux maritimes renfermaient des ressources pétrolières et gazières. Mais il y avait une sorte de mot d’ordre général pour ne pas évoquer ce dossier. En 2007, le Liban a été obligé de s’y attaquer, lorsque le gouvernement présidé par Fouad Siniora a conclu un accord avec Chypre. Il a ensuite fallu attendre l’année 2011 pour que le dossier soit de nouveau ouvert sous impulsion américaine dans le cadre des négociations pour un accord-cadre, menées principalement par le président de la Chambre Nabih Berry. Les émissaires américains se sont succédé au Liban pendant plusieurs années, sans qu’il y ait des progrès considérables, puisqu’on parlait de la ligne Hoff et d’une partie des 860 km2 conflictuels avant d’atteindre la ligne 23. Pour la vérité historique, il faut préciser que dans ces négociations, Nabih Berry n’a jamais voulu entrer dans les détails des lignes, se contentant de développer des principes généraux qui ont été finalement consacrés dans l’accord-cadre annoncé en octobre 2020.
Toutefois, l’idée de pousser le Liban à exploiter ses ressources maritimes a commencé à se concrétiser à partir de 2017, avec l’adoption des décrets manquants pour permettre le lancement de l’appel d’offres sur l’attribution des licences d’exploitation des blocs maritimes. Cette adoption marque véritablement le début de l’aventure qui a été couronnée par l’accord sur l’exploitation des ressources maritimes, officialisé le 27 octobre.
Selon une des personnalités qui ont suivi ce dossier depuis ses débuts, un événement a donné une impulsion nouvelle à cette démarche. Il s’agit de la visite d’une délégation polonaise de haut niveau à Beyrouth en 2018. Le chef des services de renseignement polonais faisait partie de cette délégation et, en marge des entretiens avec les responsables libanais, il a déclaré que son pays souhaitait acheter du gaz au Liban. Les responsables libanais ont été surpris par cette proposition, affirmant que d’abord il n’est pas sûr que le Liban possède du gaz et qu’ensuite si cela devait se vérifier il lui faut au moins dix ans pour commencer à l’extraire et pouvoir le vendre. L’interlocuteur polonais avait alors répondu que selon ses informations, le Liban possède des ressources gazières considérables et que son pays serait prêt à payer à l’avance pour obtenir le gaz dans dix ans.
Pour le Liban, cette proposition a eu l’effet d’un double encouragement. D’abord, un État comme la Pologne n’aurait pas évoqué ce sujet s’il ne possédait pas des informations sérieuses. Ensuite, si la Pologne fait une telle proposition au Liban c’est que les États-Unis, son fervent allié, ont forcément encouragé cette démarche.
À partir de là, sur l’impulsion du chef de l’État Michel Aoun, le Liban a décidé de mener les négociations dans un esprit différent, avec la volonté d’aboutir à un accord le plus vite possible. Mais il a fallu compter avec les développements qui ont secoué le pays à partir de 2019. Il y a eu ainsi en octobre le déclenchement du mouvement de protestation populaire qui a marqué le début d’une période d’instabilité politique. Certaines parties soupçonnent d’ailleurs les États-Unis d’avoir encouragé ce soulèvement dans le but de faire pression sur les responsables libanais justement au sujet du dossier des négociations maritimes.
Jusque-là, ce sont de simples supputations. Ce qui est sûr, c’est que l’administration américaine a choisi de recevoir le directeur de la Sûreté générale à la Maison-Blanche en mai 2022 pour discuter avec lui de la frontière maritime, en plus des dossiers habituels, notamment le sort des otages américains en Syrie ou en Iran. Il était désormais clair que les États-Unis voulaient réellement aboutir à un accord le plus rapidement. Ils auraient même conseillé au général Ibrahim de chercher à unifier la position libanaise, car aucun accord ne pourrait être conclu sans l’approbation des principaux responsables du pays.
C’est finalement ce qui a été fait, et les Libanais ont pu voir la fameuse photo des trois présidents et de ceux qui ont suivi le dossier en compagnie de l’émissaire américain Amos Hochstein et de la délégation qui l’accompagne pour finaliser les négociations indirectes au sujet de l’exploitation des ressources maritimes.
Selon ceux qui ont suivi ce dossier, l’accord aurait été finalisé en septembre, mais les parties concernées ont préféré attendre un peu avant de l’annoncer vers la mi-octobre pour des raisons qui n’ont pas été précisées, mais qui seraient probablement liées aux élections législatives en Israël. Pour être conclu, l’accord aurait en tout cas exigé plusieurs réunions prolongées avec l’émissaire américain qui a tenu à écouter les divers sons de cloche libanais, posant à chacun de ses interlocuteurs des questions précises sur l’attitude du Hezbollah. La réponse donnée par Ibrahim a été confirmée par les autres, à savoir que le Hezbollah se tient derrière l’État, mais que ses drones seront prêts à intervenir si le Liban ne peut pas profiter de ses ressources. En principe, il s’agit donc d’un tournant radical dans l’histoire du Liban, mais il y a encore de nombreux obstacles à franchir avant de commencer à sentir les effets positifs de cet accord. En tête, l’élection d’un nouveau président de la République, devenue une des conditions pour rétablir la confiance de la communauté internationale.
C'est du blablabla qui frise le plagiat d'un des livrets dessinés de mon petit fils : Le loup et les trois petits cochons. Le loup finit par tomber dans la marmite et est dévoré par les petits cochons. Vous oubliez un détail essentiel : Nous avons des gros cochons qui n'ont même pas besoin de se déguiser en loups. Le retard pris par le Liban est uniquement dû au fait que l'ingénierie de l'encaissement des commissions et de leurs répartition n'était pas encore au point. Puis vint Novatek et les successeurs de Novatek.
11 h 49, le 11 novembre 2022