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Société - Don d’organes

« Signez votre carte de donneur et avertissez-en vos familles ! »

Sept cents patients figurent sur la liste nationale d’attente de greffe au Liban. En mode pause depuis la pandémie de Covid-19 et la crise multiple, le programme national du don d’organes attend d’être relancé. Mais pour ce faire, il faut trouver des financements.

« Signez votre carte de donneur et avertissez-en vos familles ! »

À la Résidence des Pins, à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur, l’ambassadrice Anne Grillo, Farida Younan et le Dr Antoine Stéphan. Photo NOD-Lb

Sept cents malades sont en attente de greffe au Liban, de rein principalement, de cœur, de poumons, de foie, d’utérus, de cornée aussi. Si rien n’est fait pour relancer le programme national du don d’organes interrompu par le manque de fonds, la pandémie de Covid-19, la crise multiforme et l’absence de volonté politique, nombre d’entre eux risquent de ne pas survivre. Le constat sonne comme un SOS lancé par l’Organisation nationale pour le don et la transplantation d’organes et de tissus (NOD-Lb) aux autorités libanaises, mais aussi à l’Espagne et la France, principaux soutiens de la cause.

Il y a quelques jours, le monde célébrait la Journée internationale du don d’organes. L’occasion de prendre conscience du trop faible engagement du pays du Cèdre à sauver des vies. « Le Liban ne compte que 31 200 porteurs d’une carte de donneur d’organes. Et si en 2018, 30 % de personnes affirmaient consentir à donner leurs organes, ces données n’ont pas été réévaluées depuis la crise libanaise », déplore Farida Younan, coordinatrice de NOD-Lb, une organisation gouvernementale sous la tutelle du ministère de la Santé. Une chose est sûre : les chiffres sont encore trop bas. Bien loin du taux européen de 85 % de consentement de don d’organes. Car tous les inscrits ne pourront pas sauver des vies. « Seulement 4 % des donneurs enregistrés pourront effectivement donner leurs organes, pour nombre de considérations physiologiques, médicales ou autres », révèle Mme Younan.

« Il ne suffit pas de porter votre carte de donneur. Informez vos familles », dit la campagne nationale pour le don d’organes. Photo NOD-Lb

Une loi obsolète

La jeunesse pourrait inverser la donne. Elle exprime désormais ouvertement sa volonté de donner ses organes. Mais l’écart reste important entre cette volonté et le taux final de consentement des familles, en cas de mort par arrêt cérébral. « Dès qu’il s’agit de recevoir le consentement des familles en cas de décès, le taux peut chuter considérablement », regrette Farida Younan. C’est dire le travail qu’il reste à accomplir au Liban.

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« Signez votre carte de donneur ! Et avertissez-en vos familles ! » Le message de la coordinatrice à la population libanaise est clair, particulièrement à la jeunesse. Car la carte de donneur est certes importante, elle n’en demeure pas moins insuffisante. Elle doit impérativement être accompagnée du consentement de la famille du donneur potentiel, en cas de mort par critère neurologique. « Selon la loi 109/1983 et son décret d’application 1442/1984 qui régissent le don d’organes au Liban, c’est à la famille du potentiel donneur en état de mort par arrêt cérébral que revient la décision finale d’accepter ou de refuser le prélèvement d’organes », explique-t-elle. Imparfaite et incomplète, la législation doit être amendée pour être plus compatible avec la réalité et les normes mondiales. Mais pour une classe politique engoncée dans ses tiraillements, les priorités sont ailleurs. À titre d’exemple, la législation locale ne reconnaît pour l’instant que la greffe de rein.

Un dessin d’enfant illustrant le don d’organes. Photo NOD-Lb

191 malades sauvés en 12 ans

Entre 2010 et 2022, 191 patients en attente de greffe ont pourtant été sauvés au Liban grâce au don d’organes. « En 12 ans, le programme a permis la transplantation de 82 reins, 23 cœurs, 13 foies, 3 poumons et 350 cornées, tous de donneurs décédés », révèle le docteur Antoine Stéphan, néphrologue et directeur médical de NOD-Lb. « Nous avons de plus transplanté 100 reins par an de donneurs vivants. Et depuis quatre ans, une dizaine de transplantations de foie ont été réalisées chaque année, de donneurs vivants également », ajoute-t-il, évoquant « des pourcentages élevés de réussite, comparables aux taux internationaux ». « Le tout sur base d’un processus scientifique transparent, qui interdit aussi bien le trafic d’organes que le piston », renchérit Farida Younan.

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Mais ces performances ont été stoppées net par la pandémie, vu la mobilisation des services de soins intensifs pour les patients atteints de Covid-19. La crise multiple du pays et l’effondrement de la monnaie nationale ont fait le reste, entraînant l’exode du personnel médical spécialisé (dont des greffeurs), la pénurie de médicaments, la cherté des équipements… « En trois ans, nous avons juste réussi à maintenir le programme, avoue la coordinatrice. Entre-temps, nous perdons des donneurs et les patients risquent de ne pas survivre. »Car l’argent manque. Pour mener à bien sa mission de coordination hospitalière du don d’organes, de collecte de données et de sensibilisation, NOD-Lb a besoin d’un budget annuel de 800 000 dollars. « Nous ne disposons que de 400 millions de LL par an, l’équivalent de 10 000 dollars avec un dollar à 40 000 LL », gronde-t-elle.

Actuellement, seuls quelques services hospitaliers privés continuent de pratiquer des transplantations. On en comptait pourtant 19 avant la crise et la pandémie, dont quelques structures publiques. « Les greffes de rein sont encore pratiquées à l’Hôtel-Dieu de France, à l’hôpital Bsalim, à l’hôpital Saint-Georges des grecs-orthodoxes et à l’hôpital al-Rassoul al-Aazam. Celles du cœur à l’hôpital Mont-Liban, à l’Hôpital américain de Beyrouth (AUBMC) et l’hôpital al-Rassoul al-Aazam. Celles du foie à l’hôpital al-Rassoul al-Aazam et, enfin, les greffes de poumons à l’AUBMC », souligne le Dr Antoine Stéphan. Et si l’hôpital al-Rassoul se distingue par ses trois services de greffe, c’est parce que « son personnel médical chargé des transplantations est formé en Iran dans le centre qui pratique le nombre le plus élevé de greffes de foie au monde ».

Tabous religieux

Les tabous religieux sont un autre frein au développement du don d’organes au Liban. En 2016 pourtant, lors d’un congrès très médiatisé sur la question, des chefs des différentes communautés religieuses avaient signé leurs cartes de donneur. Mais au sein de ces mêmes communautés, l’information n’a visiblement pas circulé. « Le personnel religieux n’est pas informé. Nous devons donc réactiver la communication auprès des 18 communautés, afin de leur rappeler que la religion n’interdit pas le don d’organes. Car leur rôle est essentiel pour sensibiliser la population, à l’instar des instances éducatives », estime Farida Younan. La preuve la plus flagrante que le don d’organes n’est pas incompatible avec la religion est l’exemple iranien. « L’Iran, pays qui figure parmi les plus religieux de la région, présente le plus gros taux de donneurs au Moyen-Orient, suivi par la Turquie », révèle-t-elle.

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Si le Liban est retourné à la case départ et que son programme pour le don d’organes est aujourd’hui en mode pause, pas question pour autant de baisser les bras. « Nous faisons l’impossible pour assurer de nouveaux financements, promet Farida Younan. Nous œuvrons dans ce cadre à développer de nouveaux partenariats avec l’Espagne et la France qui ont contribué à l’infrastructure du programme national de don d’organes. » La détermination de la coordinatrice n’a pas d’égale. C’est d’ailleurs pour son engagement au service de la société libanaise qu’elle a été décorée de la Légion d’honneur à la Résidence des Pins. Une distinction qu’elle tient à partager avec son collaborateur de toujours, le Dr Antoine Stephan, « le père du don d’organes au Liban ». Son objectif à court terme ? « Encourager au moins la moitié de la population à exprimer sa volonté de donner ses organes. Et à plus long terme, obtenir 75 % de oui de la part des familles. » Car la pénurie d’organes est la raison principale de la trop longue attente des patients placés sur la liste nationale. Et ce problème est mondial.

Pour contacter l’Organisation nationale pour le don et la transplantation d’organes et de tissus, se connecter sur le site https://www.nodlb.org

Sept cents malades sont en attente de greffe au Liban, de rein principalement, de cœur, de poumons, de foie, d’utérus, de cornée aussi. Si rien n’est fait pour relancer le programme national du don d’organes interrompu par le manque de fonds, la pandémie de Covid-19, la crise multiforme et l’absence de volonté politique, nombre d’entre eux risquent de ne pas survivre. Le constat...
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