Rechercher
Rechercher

Liban - Solidarité sociale

Don d’organes : 200 patients ont renoué avec la vie depuis 2010

Bien que l’opinion publique soit mieux sensibilisée, le programme national peine à prendre son rythme de croisière. Les raisons en sont multiples.

Ghassan Ayoub le jour de sa fête de promotion scolaire. Photo d’archives OLJ

Ghassan Ayoub était en compagnie d’un ami lorsque l’accident de route s’est produit, il y a plus de sept ans. À l’aube, ses parents reçoivent un appel de l’hôpital. Ghassan, alors âgé de 19 ans, se trouvait dans un état critique. « Son cœur continuait à battre, mais les médecins ont diagnostiqué la mort cérébrale », se souvient sa maman, Gilberte.

Calme, le regard vide, elle poursuit d’une voix tremblottante : « Les parents pensent toujours qu’ils s’en iront avant leurs enfants. Ce n’était malheureusement pas mon cas. Je ne pouvais pas imaginer que c’était moi qui allais faire don des organes de mon fils, alors que quelques jours plus tôt, je lui demandais de faire, le moment venu, don des miens. »

Elle n’a pas hésité un instant à le faire. « J’ai ressenti une immense force qui m’a permis de défier la mort par la joie, en donnant la vie à des personnes qui avaient encore la vie devant elles. C’était la mission de Ghassan sur terre. »

« Au cours des neuf dernières années, nous avons réussi à établir la structure nécessaire pour avoir un système de don d’organes à la page, comparable à celui des meilleurs pays européens », affirme le Dr Antoine Stéphan, vice-président du Comité national pour le don et la greffe des organes et des tissus (NOD Liban). Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour à la veille de la Journée mondiale du don d’organes, célébrée le 17 octobre, il souligne que grâce à ce programme, 200 patients ont pu renouer avec la vie depuis 2010.

« Le public est de plus en plus sensibilisé à cette cause, se félicite-il. Dans certains cas en effet, c’étaient les familles qui avaient demandé à faire don des organes de leurs enfants qui se trouvaient dans un état critique. »

Et pourtant le programme du don d’organes au Liban boite. Les causes sont multiples. « Les hôpitaux et le corps hospitalier ne sont pas très impliqués dans ce programme, déplore le Dr Stéphan. Nous espérons qu’avec l’introduction d’une clause relative au don d’organes dans l’accréditation des hôpitaux, la situation s’améliorera. » Il insiste : « La sensibilisation de l’opinion publique à elle seule est insuffisante pour avoir un système de don d’organes réussi. Celui-ci repose beaucoup sur les corps hospitaliers qui doivent coopérer davantage avec le programme. »

Un autre obstacle reste le manque de financement, le budget du programme, d’une valeur de 500 millions de livres libanaises, relevant de celui du ministère de la Santé. Son versement à NOD Liban est donc tributaire de la loi sur le budget, qui a tardé cette année à être approuvée. Il n’en reste pas moins que ce budget est insuffisant pour que le programme du don d’organes puisse fonctionner à plein régime.



(Lire aussi : Don d'organes : Au Liban, le programme national est « en réanimation »)


Un processus délicat

À ces problèmes s’ajoute celui des ONG qui fleurissent un peu partout dans les régions. « La sensibilisation de l’opinion publique n’est qu’une étape du processus du don d’organes », insiste le Dr Stéphan, qui explique que celui-ci englobe plusieurs étapes allant de la notification d’un donneur potentiel à la greffe, en passant par le diagnostic de la mort cérébrale qui doit être confirmée, conformément à la loi, par trois médecins, la réanimation adéquate des organes du patient pour qu’ils puissent être greffés et la réalisation des tests cliniques nécessaires pour s’assurer que les organes sont en bon état.

« Une fois ces étapes franchies, il faudrait aborder les parents, précise le Dr Stéphan. Là aussi, ce sont des coordinateurs entraînés par NOD Liban qui le font. Ensuite, vient la distribution des organes aux personnes inscrites sur la liste d’attente. » Celle-ci se fait selon le groupe sanguin, la tranche d’âge, la masse corporelle et la compatibilité tissulaire entre le donneur et le receveur, ainsi que selon l’urgence des cas et la période d’attente. La priorité est donnée aux enfants si le donneur a moins de 30 ans, sachant que NOD Liban est, conformément à la loi, l’organisation officielle responsable de superviser toute donation et transplantation d’organes et de tissus.

« Une fois les receveurs sélectionnés, il faudrait s’assurer qu’ils sont en bon état, souligne le Dr Stéphan. Si, à titre d’exemple, un patient est grippé, il ne peut pas recevoir la transplantation. Il faudrait par la suite notifier les hôpitaux où la transplantation sera effectuée, prélever les organes selon des horaires qui arrangent les différents établissements impliqués dans le cas, distribuer les organes et s’assurer, par la suite, que la greffe a réussi. »

Le Dr Stéphan insiste en outre sur la nécessité de préserver l’anonymat. « Cela n’est toutefois pas respecté au Liban, parce que tout le monde veut faire des scoops, que ce soit les médias ou les hôpitaux », déplore-t-il.


(Lire aussi : La mort cérébrale, un état encore difficile à accepter par les familles)



Autosuffisance

Le don d’organes est un acte gratuit « dont décide la famille, même si on a sa carte de donneur, d’où l’importance d’en parler à son entourage si on est favorable à cette idée », insiste de son côté Farida Younan, coordinatrice nationale de NOD Liban. Quant aux patients inscrits sur la liste d’attente, ils doivent mettre à jour leur dossier tous les six ou douze mois, selon le cas.

Jusqu’en décembre 2018, ils étaient près de 700 à être inscrits sur la liste d’attente. 111 attendent de recevoir un cœur, 123 un foie, 460 un rein et 7 un poumon. « Malheureusement, nous n’avons pas plus de douze donneurs par an, note Mme Younan. Pour atteindre l’autosuffisance, il nous faut cinquante donneurs par an. Cela n’est pas difficile. »

Mme Younan explique ainsi que « cent hôpitaux au Liban dotés de services de réanimation peuvent intégrer le programme de don d’organes. Or ils ne sont que quinze à l’avoir fait. Si tous ces hôpitaux s’y mettent, le don d’organes s’améliorera sûrement au Liban ».


Lire aussi

Don d’organes : L’évaluation psychologique, pour mieux protéger le donneur et le receveur

Le comité d’éthique du don du rein veut couper court à un éventuel commerce

Donner de son vivant

Charbel Ziadé : Donner une seconde vie à ceux qui en ont besoin

Un acte réparateur dans le processus du deuil

Don d'organes : L'anonymat, un principe éthique

Ghassan Ayoub était en compagnie d’un ami lorsque l’accident de route s’est produit, il y a plus de sept ans. À l’aube, ses parents reçoivent un appel de l’hôpital. Ghassan, alors âgé de 19 ans, se trouvait dans un état critique. « Son cœur continuait à battre, mais les médecins ont diagnostiqué la mort cérébrale », se souvient sa maman, Gilberte.Calme, le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut