Le chef du Courant patriotique libre (CPL, fondé par le chef de l'État Michel Aoun), Gebran Bassil, a déclaré vendredi soir qu'il pourra devenir "soit président, soit faiseur de président", à un peu plus d'un mois du début du délai constitutionnel pour l'élection d'un nouveau chef de l'État, affirmant attendre avant de se prononcer sur sa propre candidature. Dans un entretien sur la chaîne al-Manar, média du Hezbollah, allié politique du parti aouniste, M. Bassil a par ailleurs estimé qu'une résolution du litige frontalier avec Israël était possible "avant septembre".
"Il ne faut pas que l'on arrive à un vide présidentiel", a mis en garde M. Bassil, qui est le gendre du président Aoun, soulignant que le gouvernement actuellement chargé de l'expédition des affaires courantes "n'est pas qualifié pour assumer les prérogatives du chef de l'État en cas de vacance". Il a accusé M. Mikati de "ne même pas essayer de former un cabinet", parce qu'il ne veut pas traiter des dossiers spécifiques comme le limogeage du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé, l'enquête sur les explosions du 4 août 2020 au port de Beyrouth, "la question de la ligne 29" pour la démarcation de la frontière maritime avec Israël et le dossier des réfugiés syriens.
"Celui qui ne veut pas former de cabinet est la personne qui se rend à Baabda et présente une mouture en disant +voici les noms des ministres, j'ai remplacé trois de tes ministres et un autre nom, en accord avec le président de la Chambre Nabih Berry+", en allusion au projet de remaniement de cabinet suggéré par M. Mikati à M. Aoun. Cette proposition remplaçait notamment le ministre de l'Énergie Walid Fayad (personnalité grecque-orthodoxe proche des aounistes) par un sunnite, et nommait l'ancien député Yassine Jaber aux Finances. M. Bassil a toutefois démenti vouloir garder la main sur le ministère de l'Énergie, que des aounistes dirigent depuis 2008, dans la nouvelle équipe.
Concernant les tensions ayant éclaté entre le Sérail et Baabda suite à la présentation de cette formule ministérielle, M. Bassil a dit "blâmer (ses) alliés qui ont nommé Nagib Mikati" comme Premier ministre désigné et, entre autres, le Hezbollah. "Nous avions averti qu'il ne formerait pas de gouvernement", a-t-il ajouté.
Revenant sur les dossiers judiciaires visant le gouverneur de la Banque du Liban, dont le CPL et Michel Aoun souhaitent le départ, le député de Batroun a laissé entendre "qu'un nouveau dossier allait apparaître contre Riad Salamé dans un autre pays". Répondant à des accusations comme quoi le CPL avait approuvé sa reconduction en 2017, il a justifié "ne pas avoir eu le choix", face à une majorité au sein du gouvernement de Saad Hariri qui approuvait la reconduction de M. Salamé pour un mandat de six ans. Il s'est, dans ce cadre, placé une nouvelle fois dans le rôle d'une opposition à la "classe dirigeante", conspuée par de nombreux Libanais mais dont il fait partie, affirmant que son "courant orange" faisait partie des gouvernements précédents "parce que l'organisation dans le pays l'oblige à y être représenté".
La présidence
Sur le plan de sa candidature à la présidence, alors que le mandat de M. Aoun prend fin le 31 octobre et que le délai constitutionnel pour l'élection de son successeur commence le 31 août, le parlementaire a déclaré qu'il "peut soit être président soit faiseur de président, en fonction des circonstances". "Aujourd'hui, il est à la mode de parler de +candidat naturel+ lorsque l'on est maronite et chef du plus grand groupe parlementaire" chrétien, a-t-il ajouté, dans une pique à son adversaire Samir Geagea, qui s'est arrogé cette expression dans la course à la présidence.
M. Bassil a toutefois indiqué qu'il ne serait candidat "qu'une fois qu'il l'aurait annoncé ou qu'il agirait pour cela". "S'ils n'ont pas laissé travailler Michel Aoun, ils ne me laisseront pas travailler", a-t-il poursuivi, reprenant l'expression souvent utilisée par les aounistes pour tenter de justifier le fait que de nombreux dossiers qu'ils ont gérés ou que Michel Aoun a souhaités, sont restés en suspens, comme notamment l'approvisionnement en électricité ou la lutte contre la corruption. "Je veux donc d'abord savoir à qui ils permettront de travailler", a-t-il lancé.
Il a toutefois dit qu'il ne "voit pas de raison pour laquelle il pourrait soutenir une candidature" du leader chrétien du Liban-Nord Sleimane Frangié, avec qui "il a des divergences au niveau de la politique interne". "Je sais qu'il ne faut écarter aucune possibilité, et il est possible que nous nous entendions sur quelqu'un avec M. Frangié et ceux qui lui sont proches politiquement, ou bien avec les Forces libanaises...", a déclaré M. Bassil. Il a toutefois souligné qu'il refuserait qu'un candidat "qui n'est pas représentatif" accède à Baabda.
"Ligne 29 avec des drones"
En ce qui concerne le litige frontalier avec Israël, Gebran Bassil a entrevu la possibilité d'un accord "avant septembre, sinon nous resterons en position d'observateurs pendant qu'Israël travaille (à exploiter ses ressources en hydrocarbures, ndlr), ce qui serait du suicide pour nous". "Ce qu'a fait le Hezbollah, c'est une ligne 29 avec des drones", a-t-il encore fait valoir, en allusion au lancement par le parti chiite de trois engins en direction de la plateforme gazière au large d'Israël. Cette plateforme se trouverait en zone contestée si Beyrouth revendiquait la partie de la zone économique délimitée par cette ligne 29, une revendication considérée comme maximaliste qui n'a toujours pas été officialisée par les autorités, malgré les demandes en ce sens d'experts. Le Hezbollah n'a jamais expressément donné son point de vue sur la zone que devrait revendiquer le Liban.
M. Bassil a également estimé qu'une "solution existait dans la question de la délimitation et qu'elle devait être trouvée maintenant, sinon ce sera la guerre, la solution n'étant pas uniquement la détermination de la 'ligne', mais aussi des garanties sur l'extraction (gazière) fournies par le médiateur américain, par la France et les Nations unies, ainsi que d'autres composantes d'un règlement comme l'échange d'informations".
Le chef du CPL a, en outre, réclamé au Hezbollah et au ministère de l'Énergie d'assurer des approvisionnements en "fuel iranien gratuit" pour permettre "dès demain de fournir 10 heures de courant" aux Libanais, accusant Washington d'empêcher une résolution de la crise énergétique au Liban. L'administration américaine parraine actuellement plusieurs initiatives pour l'approvisionnement en électricité, notamment d'importations de gaz égyptien et de courant jordanien via la Syrie, malgré les sanctions à l'encontre du régime Assad. Ces projets avaient été annoncés l'été dernier, parallèlement à des importations d'essence et de diesel iranien par le Hezbollah.
commentaires (37)
Les vrais faiseurs de présidents aujourd’hui c’est le Hezbollah. Ce sont eux qui sont décisionnaires de tout ce qui se passe au Liban . Bassil lui il est faiseur de rien du tout il est juste un petit pion dans une equation beaucoup plus grande que lui et qui le dépasse.
JPF
23 h 54, le 24 juillet 2022