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Nos Lecteurs ont la Parole

Je cherche un homme

Il est étrange que le citoyen libanais – sans droit de cité désormais – ait encore autant de certitude et de vanité pour dénoncer les uns et défendre les autres.

Il est étrange qu’il s’exalte toujours pour des noms, des titres et des slogans qui l’ont humilié et conduit à la dérive.

Il est étrange que notre mémoire soit si courte pour que nous portions encore, dans notre honte, les couleurs des partis et des têtes veules et vides qui nous gouvernent.

Alors quoi ? S’abstenir ? Certainement pas. Courir aux urnes parce que seule l’action responsable peut lutter contre la peste.

S’il est une part d’artiste chez un candidat, la moindre part, un écrivain, un musicien, un peintre, un cinéaste, ce sera celui-là. L’art est notre antidestin, il empêche notre mort dans le pays.

S’il est une part de bonté chez un candidat, la vraie qui se réalise sans témoins, la petite bonté sans idéologie, une âme charitable, un cœur d’or et d’amour, ce sera celui-là.

S’il est une part de Dieu chez un candidat, non pas celui au nom de qui on se scandalise et l’on tue, non pas celui avec qui on rivalise, mais celui à qui l’on se remet en toute confiance, dans la résignation infinie, ce sera celui-là.

Plus les humbles que les vedettes à l’écran ou des journaux.

Plus les oubliés de l’histoire que ceux qui la font. Mensongère.

Plus la parole de vie que la parole du monde et des imposteurs.

Au penseur, à l’artiste, au poète, à l’amoureux, je dirai oui.

Et ils ne gagneront pas. Tant pis.

Ce qui compte, explique Kant, ce n’est pas le résultat, ce n’est même pas le bonheur, mais l’impératif catégorique, qui est bonne volonté, accomplissement du devoir, dignité. Qui est surtout bonne conscience.

Je l’aurai, cette conscience, de ne choisir aucun de ceux qui siègent à la Chambre, au palais ou au ministère. Ni le banquier ni le parvenu. Ni le calife ni le vizir, ou le faux dévot et le pauvre diable. Je l’aurai, cette conscience, d’écrire le nom du soldat inconnu, de la figure non entamée, du postulant nouveau. Je m’efforcerai de le trouver, celui-là, comme Diogène de Sinope cherche un homme en plein jour, brandissant sa lanterne sur le visage de ses frères.

Et il ne l’emportera pas, mon candidat.

Tant pis.

Si mon bulletin insoumis, indépendant et libre n’y est pas, il y manquera.

J’éprouve plus de sympathie pour le néophyte que pour le héros et « je me sens plus de solidarité avec les vaincus qu’avec les saints ». Je préfère les passeurs aux détenteurs de pouvoir, l’ouvrier au capital, le labeur à la présidence. Je n’ai pas le goût du triomphe ni celui de la gloire. Ce qui m’intéresse, c’est l’homme. S’il en est encore un dans notre pays.

Tâchons d’entrer dans les bureaux de vote les yeux ouverts.

Gérard BEJJANI

Directeur de l’Université Pour Tous, USJ

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il est étrange que le citoyen libanais – sans droit de cité désormais – ait encore autant de certitude et de vanité pour dénoncer les uns et défendre les autres.Il est étrange qu’il s’exalte toujours pour des noms, des titres et des slogans qui l’ont humilié et conduit à la dérive.Il est étrange que notre mémoire soit si courte pour que nous portions encore, dans notre...
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