« Extrêmement rafraîchissant » ; « Merci de nous rappeler que l’on peut » ; « Oui ! enfin quelque chose à espérer » ; « Véritable représentante de la jeunesse »... L’annonce de la candidature de Verena el-Amil, 25 ans, aux prochaines législatives libanaises a été accueillie par des salves d’encouragements sur les réseaux sociaux.
L’une des plus jeunes participantes au scrutin a décidé, quelques minutes avant la clôture des inscriptions le 15 mars à minuit, de briguer le siège maronite du Metn (Mont-Liban II). Elle fait partie des 155 femmes qui se présentent sur les 1 043 candidatures déposées. « J’ai 25 ans et je suis encore dans ce pays parce que je crois au changement et parce qu’il y a de l’espoir », affirme à L’Orient-Le Jour Verena el-Amil. Derrière la voix douce et la remarquable humilité de la jeune femme, se cache une militante féroce. Elle fait partie de cette jeunesse qui a battu le pavé lors de la révolution du 17 octobre 2019 et en est même devenue une figure incontournable. Maintes fois invitée sur les plateaux des chaînes locales et internationales, elle est devenue une porte-parole emblématique de cette génération qui désire farouchement le renouvellement de l’establishment politique, accusé d’avoir plongé les Libanais dans la pire crise économique de leur histoire.
Une fervente indignée « à l’esprit rebelle »
Mais pourquoi elle ? Au dire de son entourage, cette quadrilingue diplômée d’un master de droit (droit des affaires à l’Université Saint-Joseph et droit comparé à Paris 1 Panthéon-Sorbonne) est une brillante oratrice. Elle se démarque par sa combativité, la constance de ses convictions et surtout son éloquence. « Pour une jeunesse qui a besoin de mettre des mots politiques sur ce qu’elle veut et sent, Verena sait très bien le faire. Elle a un raisonnement construit et elle sait faire des liens. On se reconnaît en elle », affirme à L’OLJ le journaliste Arthur Sarradin, auteur du documentaire La révolution naît des entrailles du chagrin dont la jeune candidate est une des protagonistes. Il faut dire que la conscience politique et l’intérêt pour l’histoire de la militante n’ont pas éclos avec la thaoura. En 2018, elle était déjà responsable du volet politique de la campagne de Gilbert Doumit, candidat aux dernières législatives à Beyrouth I sur la liste de la société civile « Li Baladi ».
« Je ne sais pas, j’avais les connaissances, j’étais claire dans les idées… » se contente-t-elle de répondre timidement lorsqu’on lui demande comment elle a pu s’être vu confier une telle mission à seulement 21 ans. Tout comme elle se passe de commentaires lorsqu’on lui parle de sa rencontre avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, lors de la visite de ce dernier au Liban en décembre dernier. Sans l’ombre d’un doute, Verena el-Amil n’aime pas les projecteurs. Mais elle est fière d’affirmer avoir toujours été une fervente indignée « à l’esprit rebelle ». Enfant, cette ancienne élève des sœurs ne supportait déjà pas les injustices et savait qu’elle les dénoncerait quand elle serait grande. « J’ai organisé ma première manifestation à l’école à 8 ans. Toute la classe était derrière moi. J’étais une fautrice de troubles », raconte-t-elle, amusée, tandis que ses yeux verts se plissent, lui donnant un air de bouddha rieur. Sa famille, originaire de Rmeich au Liban-Sud, l’a pourtant élevée dans un environnement désintéressé de la politique, raconte-t-elle.
L’université comme première arène politique
Un tournant s’opère pour la jeune femme au moment où elle intègre la faculté de droit de l’USJ à la rue Huvelin. C’est là qu’elle fonde, en 2017, le mouvement « Taleb » (signifiant à la fois étudiant et réclamant) qui s’impose comme une alternative politique au sein d’une université fortement polarisée. « On avait le choix entre 14 Mars ou 8 Mars. Pour moi, c’était inadmissible. L’université est devenue alors une vraie opportunité de faire du travail politique et d’appliquer tout ce que je pense. Comme pour Mai 68 en France, j’étais convaincue que le mouvement estudiantin pouvait changer les choses. » Verena el-Amil a vu juste. Son mouvement, qui combat le confessionnalisme politique, prône la justice sociale, la laïcité, l’égalité des droits hommes/femmes, défend la cause LGBT et dénonce le système de la kafala, connaît un retentissement inouï au moment de la révolution. En 2020, alors qu’elle est présidente du club laïc de l’USJ, Taleb remporte 8 sièges sur 13 aux élections étudiantes de la faculté de droit. Aujourd’hui, le mouvement s’est propagé à toutes les facultés de l’université jésuite et dispose de 98 sièges. « Au départ, répandre des idées progressistes dans une université comme l’USJ, où les partis traditionnels sont très établis, paraissait sans espoir. Mais j’y ai cru et nous avons travaillé sans relâche. Aujourd’hui, défendre la laïcité et les droits de l’homme à l’USJ est devenu presque banal ! » se réjouit celle qui sait que la bataille sera plus dure maintenant qu’elle s’est déplacée dans l’arène des législatives.
Inciter la jeunesse à s’impliquer en politique
Lorsqu’on lui demande pourquoi son choix s’est porté sur le Metn-Nord, Verena el-Amil montre un certain embarras. Elle était annoncée comme la candidate du mouvement Madinati pour Beyrouth I, elle qui a été très active dans la campagne électorale pour la circonscription lors du précédent scrutin et qui est très connue des mouvements estudiantins de la capitale. « Je ne voulais pas que ma candidature soit une cause de discorde. Pour faciliter la formation d’une liste unifiée à Beyrouth I, j’ai décidé de mener ma bataille dans le Metn où je suis née et je vis », dit-elle.
La discorde en question fait référence à la bataille entre les deux groupes d’opposition Madinati et Watani sur le choix des candidats à proposer pour cette circonscription cruciale. Sur les réseaux sociaux, des personnalités comme la journaliste Dima Sadek accusent la députée Paula Yacoubian du mouvement Watani d’être à l’origine de pressions sur Verena el-Amil pour qu’elle se désiste au profit de son candidat favori pour le siège maronite, l’ingénieur et écologiste Ziad Abi Chaker. Contactée par L’Orient-Le Jour, l’élue indépendante Paula Yacoubian dément fermement ces accusations.
À l’abri des polémiques, Verena el-Amil se concentre à présent sur son objectif principal : rassembler la jeunesse et l’inciter à s’impliquer en masse pour la construction d’un nouveau Liban. « Elle est jeune, elle est femme et elle tranche avec cette façon tribale de faire de la politique », affirme à L’OLJ Aya Abou Saleh, étudiante en droit public à l’USJ. Verena el-Amil se réjouit d’avoir déjà obtenu une victoire. « Quand j’ai annoncé ma candidature, plein de jeunes qui avaient juré de s’abstenir m’ont dit qu’ils se sentent maintenant concernés et me demandent comment ils peuvent aider. »
Bravo et bonne chance Ce sang nouveau est indispensable pour le pays ?? Vs etes , vs, la nouvelle generation le seul espoir pour ce pays en lambeaux
11 h 44, le 25 mars 2022