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Campus - ÉDUCATION

Au chevet de l’enseignement supérieur au Liban : réflexions et pistes de réformes

Le système universitaire libanais va mal, affaibli par de multiples défis. Si le besoin d’entamer des réformes est là, reste à en connaître les modalités. Ces problématiques ont été débattues lors d’une journée organisée par l’AUF et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

Au chevet de l’enseignement supérieur au Liban : réflexions et pistes de réformes

Les intervenants ont proposé, chacun à partir de son domaine d’expertise, des éléments de réponse aux difficultés rencontrées par le système d’enseignement supérieur. Photo AUF

Quatrième et dernier volet des consultations nationales consacrées au système éducatif libanais, les « États généraux de l’enseignement supérieur au Liban » se sont déroulés le 2 mars au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Cette journée a réuni des responsables d’établissements universitaires, des experts du secteur industriel, des représentants d’organismes internationaux, ainsi que le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et l’Agence universitaire de la francophonie (AUF).

Comme point de départ, les failles qui menacent la qualité de l’enseignement ainsi que leur impact sur les jeunes ont été évoquées. À commencer par les crises budgétaires qui se répercutent sur le personnel éducatif. Avec près de 50 universités au Liban, la quantité de l’enseignement s’est faite au détriment de la qualité, sans que celle-ci ne se soit accompagnée de la diversification de l’offre de formations, négligeant les formations techniques et les besoins du marché. Résultat : des diplômés qui se retrouvent au chômage, alors que des secteurs accusent un manque d’employés.

« Cela devrait être alarmant pour tout le monde. Quelque chose doit être fait pour, structurellement, fondamentalement, inverser cela », prévient Saroj Kumar Jha, directeur régional de la Banque mondiale, en expliquant qu’un système éducatif défaillant affecte l’économie d’un pays.

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Pour Abbas Halabi, ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, il s’agit de savoir « comment stabiliser le système éducatif pour éviter son effondrement généralisé à court terme, comment, à moyen terme, ancrer les fondations d’un rétablissement durable, mais aussi comment assurer la viabilité, l’excellence et le rayonnement dans le long terme ».

Les intervenants ont proposé, chacun à partir de son domaine d’expertise, des éléments de réponse aux difficultés rencontrées par le système d’enseignement supérieur. « Il n’y a pas de solution toute faite ou facile. À une situation complexe, il y a une multitude de réponses complexes, relève Slim Khalbous, le recteur de l’AUF. Le plus important, dit-il, c’est la mise en action sur le terrain de ce qui sera dit aujourd’hui. » Avec un objectif, celui de « transformer le visage du système éducatif et universitaire libanais ».

Création d’une agence nationale indépendante d’assurance qualité

Lors de cette journée, des orientations stratégiques qui permettraient de garantir la qualité des formations universitaires, ont été dégagées. Ellen Hazelkorn, consultante principale de l’Unesco chargée de l’élaboration d’un plan quinquennal pour l’enseignement supérieur au Liban, a exposé les premiers résultats de la stratégie Consultation pour le projet d’enseignement supérieur au Liban, élaborée par un groupe d’experts, à la demande du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et de l’Unesco. Devant être ratifiée et adoptée avant fin avril, cette stratégie propose diverses pistes que devraient prendre en considération les acteurs concernés par le secteur éducatif, en vue de réussir la réforme du système d’enseignement supérieur.

La première piste est de mettre en place une agence nationale indépendante d’assurance qualité qui réorganisera le système d’assurance qualité et d’accréditations des formations. Sa mission « ne se résumera pas au contrôle et à la diffusion d’une culture de la qualité, mais englobera aussi l’appui et l’aide à l’accréditation internationale », observe Slim Khalbous. D’ailleurs, Mazen el-Khatib, professeur à l’UL et ancien doyen, explique que l’objectif du projet de loi d’assurance qualité « est d’assurer l’éducation supérieure dans le cadre des meilleures pratiques adoptées internationalement, respectant les mécanismes et les normes internationaux, tout en s’adaptant à la réalité académique libanaise ».

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Toujours dans l’optique de garantir la qualité de l’éducation, l’enseignement supérieur doit également reposer sur un système de gouvernance solide. La vision, la mission et les valeurs fondamentales que l’établissement veut implémenter sont des principes au nom desquels il s’agit « d’instaurer la gouvernance académique et administrative de l’université », estime Salim Daccache, recteur de l’USJ et président de l’Association des universités du Liban.

La réforme est désormais une condition incontournable. « Nous ne pouvons plus fonctionner en termes d’enseignement supérieur comme nous l’avions fait dans le passé, nous devons sortir des sentiers battus », assure Hana el-Ghali, spécialiste senior de l’éducation à la Banque mondiale. De ce fait, la réforme doit être opérée sur plusieurs niveaux. À commencer par la création de formations qui répondent aux besoins actuels, ou par l’innovation dans les curriculums. Talal Hachem, recteur de l’USEK, estime que « les universités sont appelées à délaisser le modèle d’enseignement passif au profit d’un modèle proactif ». Il s’agit ainsi de se concentrer sur les formations par compétences, au lieu des formations par connaissances, et de renforcer les liens entre l’éducation et le marché du travail.

Un environnement socioéconomique durable

La politique éducative doit d’ailleurs s’articuler autour de l’insertion professionnelle. Elle intégrerait ainsi un « nouveau système qui doit s’appuyer sur la filière vocationnelle », un système d’enseignement hybride, comme le propose Paul Abi Nasr, représentant de l’Association des industriels libanais. En d’autres termes, il s’agit d’insérer les étudiants en milieu professionnel, parallèlement à leurs études.

Quant à Nicolas Boukather, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprises libanais (RDCL), il appelle à réformer le système d’une façon à s’adapter à la 4e révolution industrielle. « Les nouveaux talents recherchés par les entreprises sont inexistants ou très rares au Liban », affirme-t-il. Dans la même perspective, Mohammad Rabah, PDG du Beirut Digital District, évoque l’opportunité « de transformer le Liban en un premium outsourcing hub (pôle de sous-traitance haut de gamme), une sorte de cuisine de production qui servirait la région, l’Europe et les États-Unis », notamment suite à l’énorme augmentation de la demande dans le domaine. Les universités prodigueraient ainsi des formations courtes, créées avec le secteur privé pour faciliter l’embauche.

Par ailleurs, le secteur de l’industrie a tout à gagner en encourageant la recherche et l’innovation universitaires. « Ces industries ont besoin du savoir, des connaissances et des innovations produites par les établissements », remarque Ellen Hazelkorn, ajoutant que « sans activités de recherche, la qualité continuera à souffrir ».

Afin de mener à bien leur réforme, les universités ont besoin du soutien d’organismes internationaux, mais non sans conditions. « Il sera temporaire pour limiter la dégradation du système et par conséquent du capital humain », assure Jean-Noël Baléo. L’environnement socioéconomique et financier doit en effet être durable et compétitif. En parallèle, d’autres mesures locales pourraient être adoptées pour contribuer au financement des établissements. Fadlo Khuri, président de l’AUB, suggère ainsi que l’État demande à la banque centrale de permettre aux étudiants de retirer leur argent pour leurs études au Liban, ou que les partenaires internationaux se mobilisent pour soutenir la recherche et pour alléger le fardeau des frais de scolarité sur les étudiants.

L’enjeu, selon Henri de Rohan-Csermak, représentant de l’ambassade de France, est de maintenir à son rang historique l’enseignement supérieur. « Il ne s’agit pas moins que d’instruire une génération de citoyens libres et émancipés. Car la liberté de l’enseignement est au cœur de toute démocratie », conclut-il.


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