Le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a lancé officiellement lundi la campagne électorale de son parti, baptisée "Nous voulons et nous pouvons", et affirmé avec force que la "bataille est existentielle" pour changer la trajectoire de l'effondrement du Liban. "Vous êtes appelés à faire du 15 mai 2022 un 14 Mars et un 17 Octobre électoraux", a-t-il lancé aux électeurs deux mois avant le scrutin prévu le 15 mai prochain, avertissant que "si les Libanais ne se mobilisent pas dans la bonne direction, le pays risque de sombrer pendant longtemps dans un tunnel infernal".
M. Geagea s'exprimait lors d'une cérémonie au Quartier général des FL à Meerab, dans le Kesrouan, en présence des candidats du parti et de plusieurs de ses responsables. "Quand le pays est en danger, les institutions de l’Etat sont hypothéquées ; quand la capitale explose et qu'on entrave les efforts visant à identifier les auteurs de ce crime, les législatives deviennent une bataille existentielle, et non plus une simple bataille politique", a lancé le chef des FL. "Soit on recouvre ce qui reste de la souveraineté, soit on devient une province d'une République qui ne nous ressemble en rien", a-t-il ajouté dans une critique du projet du Hezbollah pro-iranien au Liban.
"Nous voulons et nous pouvons"
Dans une volonté d'expliquer le slogan électoral de son parti", M. Geagea a déclaré : "Il y a ceux qui peuvent édifier un Etat, et qui en ont les moyens, mais qui ne veulent pas le faire parce que l’Etat est aux antipodes de leur projet, de leurs armes et de leur corruption. Il y a aussi ceux qui veulent édifier un Etat mais qui ne peuvent pas, faute de moyens, d'organisation et d’expérience. Entre les deux, il y a nous, les Forces libanaises. Nous voulons et nous pouvons".
Critiques du CPL
M. Geagea a ensuite décoché ses flèches en direction de son principal adversaire sur la scène chrétienne, le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) de Gebran Bassil. "Il y a une catégorie de gens que je n'ai pas mentionnée plus haut, mais qui a été mise à nu, et qui a été jugée dans la rue. Il s'agit de ceux qui ne veulent pas, qui ne peuvent pas, mais qui ont toujours menti. Ce sont ceux qui, pendant 30 ans, ont prétendu incarner le changement et la réforme", du nom du groupe parlementaire aouniste entre 2005 et 2018, a-t-il dit. Et de poursuivre: "ce sont ceux qui, dès leur arrivée au pouvoir, nous ont fait comprendre qu'il ne peuvent et ne veulent certainement" rien faire. "Tout ce qu'ils veulent, et ce qu'ils ont fait, c'est de limoger ceux qui ne sont pas des leurs et de remplir leurs poches", a-t-il déploré.
Commentant le timing du lancement de la campagne électorale le jour de l'anniversaire de l'"Intifada de l'indépendance", le 14 mars 2005, M. Geagea s'est montré clair : "Ce n'est pas une coïncidence de lancer la campagne le 14 mars, cette journée qui a prouvé que le printemps des peuples est plus fort que les périodes sombres, et que rien n'est impossible. Si les Libanais avaient eu peur, à la suite de la manifestation du 8 mars 2005 (organisée par le Hezbollah pour "remercier la Syrie", ndlr), et l'étalage de muscles du Hezbollah, et s'ils n'avaient pas décidé de briser la peur, l'occupation syrienne aurait pu rester au Liban probablement jusqu'à maintenant". "Aujourd'hui, si les Libanais ne se mobilisent pas dans la bonne direction le 15 mai, le pays risque de sombrer pendant longtemps dans un tunnel infernal", a-t-il prévenu, avertissant que "pendant cette longue attente, le pays risque de tout perdre".
Pour Samir Geagea, l'édition 2022 du 14 mars ressemble à celle de 2005. Mais cette fois la réponse des Libanais à la famine et aux files d'attente de la honte (aux stations-service) ne sera pas dans la rue, mais dans les urnes. "Le vent du changement a soufflé", a estimé le chef des FL, critiquant implicitement les démarches du CPL visant à retarder, voire torpiller le scrutin, selon les observateurs. Il a critiqué, dans ce cadre, la demande de mettre en place des mégacentres, c'est-à-dire des bureaux de vote géants permettant aux électeurs de voter dans leur lieu de résidence et non dans leur circonscription d'origine, et dont le tandem présidence-CPL a fait son cheval de bataille ces dernières semaines.
Pour M. Geagea, ce changement, reporté par le gouvernement au scrutin de 2026, visait à "empêcher la tenue des élections". "Ils mettent sur le tapis la question du vote des émigrés, non pour les rapprocher du pays, mais pour les en éloigner", a-t-il regretté. Il a, dans ce contexte, reproché à Gebran Bassil, de "chercher des prétextes non pour reporter les élections de deux ou trois mois, mais pour les annuler et conduire le pays vers l'inconnu, tant au niveau économique que politique et constitutionnel". "Nous aurons recours à tous les moyens légitimes, dont la rue, pour empêcher le report ou l'annulation des élections", a-t-il affirmé.
Le chef des FL s'est ensuite adressé aux électeurs en ces termes: "Le 15 mai, vous êtes invités à vous venger dans les urnes, et à venger le sang" de tous les martyrs tombés pour la cause du Liban". "Vous êtes invités à faire du 15 mai un 14 Mars électoral, dans le sens de la liberté, la souveraineté et l'indépendance du Liban (...) Faites du 15 mai un 17 Octobre électoral dans le sens de la révolte contre la corruption et la mauvaise gestion de l’Etat", a-t-il encore dit.
Concernant les rapports des FL avec la communauté sunnite après le retrait du leader du courant Futur Saad Hariri de la vie politique, et au moment où plusieurs ténors de la communauté sont impliqués dans le chantier électoral, le chef des FL a rejeté les accusations selon lesquelles les FL tentent de s'imposer dans la rue sunnite où elles ont gagné du terrain après les affrontements d'octobre dernier entre des éléments du parti et des miliciens affiliés au tandem chiite Amal-Hezbollah. Il a enfin appelé tout le monde à prendre part au scrutin parce que "le boycottage va laisser un vide que rempliront ceux qui portent un projet qui ne ressemble pas au Liban".
Existentielle ? Pour qui donc ? La majorité du peuple n'ira pas voter !
16 h 16, le 15 mars 2022