Le gouvernement est réuni mardi depuis 9h30 au Grand sérail afin de plancher pour la première fois sur l'avant-projet de budget 2022 dans un Liban en pleine crise. Un document préparé par le ministre des Finances, Youssef Khalil, déjà sous le feu des critiques car accusé de se doter de pouvoir exceptionnels et de vouloir imposer de nouvelles taxes à une population dont les trois quarts vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
Le ministre de la Justice, Henri Khoury, qui se trouve en Irak dans le cadre d'une visite officielle, s'est absenté pour le deuxième jour consécutif de la séance gouvernementale, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Fayad "pas convaincu"
Quant au ministre de l'Energie, Walid Fayad, qui a dû quitter la réunion peu après midi pour accueillir ses homologues jordanien et syrien qui arrivent à Beyrouth, il s'est dit "pas convaincu" par l'approche adoptée dans l'avant-projet du budget. "Ce qui compte, c'est le résultat final", a-t-il lancé aux journalistes sur place.
Le cabinet de Nagib Mikati, qui est sorti lundi d'une léthargie de plus de trois mois en raison d'une profonde crise politique, prévoit de se réunir tous les jours jusqu'à l'approbation de l'avant-projet de budget, en parallèle des négociations officielles avec le Fonds monétaire international (FMI), qui ont commencé hier en vue d'obtenir une assistance financière.
Débats "suspendus"
A l'issue de la fin de la réunion matinale à 14h, qui a repris à 15h, le ministre de l’Information p.i. et de l’Education, Abbas Halabi, a indiqué que le cabinet a discuté de "nombreux points liés à la stimulation et au développement de l'économie" dans une atmosphère de "coopération" et dans le cadre d'un "dialogue scientifique et objectif", de sorte à "préserver les finances publiques et stimuler l’économie". Il a toutefois reconnu que les débats autour de certains points de l'avant-projet du budget ont été suspendus "afin d'être davantage étudiés".
Interrogé au sujet des nouvelles taxes qui pourraient être imposées dans le cadre de ce budget, le ministre a esquivé la question, préférant "attendre que les discussions s'achèvent pour parler des résultats". Concernant les prérogatives exceptionnelles qui pourraient être octroyées au ministre des Finances, comme la modification de la loi sur l’impôt sur le revenu, il a affirmé que le cabinet n'a "pas encore abordé ce sujet".
"Les réunions du Conseil des ministres resteront ouvertes jusqu'à ce que le texte du budget soit approuvé", a indiqué M. Halabi.
La réunion gouvernementale s'est achevée dans l'après-midi. Les ministres, qui ont poursuivi l'examen de l'avant-projet de budget, sont parvenus à son 80ème point, selon l'Ani.
Dollar "douanier"
Lundi, et malgré l'urgence, le Conseil des ministres n'avait pas commencé l'étude de l'avant-projet de budget de l'année en cours. Mais le ministre des Finances, proche du président du Parlement, Nabih Berry, s'était défendu contre les critiques visant le texte qu'il a préparé, affirmant que celui-ci ne "contient pas de nouvelles taxes comme cela a été dit". Il a en outre affirmé que le taux du dollar adopté au niveau des douanes (le "dollar douanier") "sera calculé sur la base du taux de la plateforme Sayrafa" que le gouvernement met à jour au quotidien. Ce taux est actuellement fixé à 22.700 LL contre le dollar. "Jusqu'à présent, il n' y a pas d'accord concernant la modification du taux officiel de la livre", a enfin souligné le ministre. Ce taux, toujours amarré à 1507.5 LL contre le dollar, est largement inférieur au taux du marché parallèle, qui oscille mardi matin autour de 23.600 LL.
Commentant le "dollar douanier", le ministre Halabi a précisé mardi qu'"il est encore tôt de l'évoquer en détails". "Nous devons terminer d'étudier cet avant-projet, et lorsque ce sera fait nous publierons un communiqué", a-t-il noté.
L'avant-projet de budget, qui pourrait être amené à évoluer au gré des discussions, devrait servir de base pour obtenir une aide financière cruciale du FMI en échange des réformes nécessaires pour sortir le pays de la crise qu’il traverse depuis plus de deux ans.
Plusieurs voix se sont élevées durant le week-end écoulé contre des mesures contenues dans l’avant-projet. Samedi, le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) a estimé qu'il ne contenait pas de clauses réformatrices, dénonçant un "développement dangereux" et critiquant certaines prérogatives accordées au ministre des Finances. De son côté, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad a accusé les responsables de vouloir faire porter le fardeau des déficits à la population, en augmentant taxes et impôts, notant toutefois que son groupe restait "favorable à l’approbation du budget". Son allié chiite, Amal, s'est dit lundi ouvert aux discussions, affirmant lui aussi être contre de nouvelles taxes. Une position similaire exprimée dimanche par le patriarche maronite, Béchara Raï.
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16 h 43, le 25 janvier 2022