
Le poste-frontière syrien de Qaa, dans le nord de la Békaa. Photo Stringer/AFP
Nagib Mikati (re)prendra-t-il prochainement le chemin de Damas ? Les conditions ne sont pas encore réunies pour le moment. Mais la tentation existe et les pressions pour y céder viennent à la fois des formations politiques autrefois réunies sous l’appellation du 8 Mars et de l’axe Le Caire-Amman qui œuvre pour le retour de la Syrie dans le giron arabe. Le 4 septembre dernier, pour la première fois depuis le début de la guerre en Syrie, une délégation ministérielle libanaise s’est rendue à Damas pour discuter de l’approvisionnement en gaz égyptien et en électricité jordanienne. Une démarche que les partis pro-Damas ont célébrée comme un prélude à la normalisation. Le gouvernement Mikati a vu le jour une semaine après, héritant de toute cette dynamique, qui dépasse le cadre libanais.
Le fait que les États-Unis aient officieusement évoqué une possible exception à la loi César, qui sanctionne toutes entités qui commercent avec la Syrie, en permettant au Liban de s’approvisionner en gaz et en électricité via ce pays voisin, a été interprété par certains acteurs comme un feu vert, ou au moins un feu orange, à la normalisation avec Damas. La politique de l’administration Biden par rapport au conflit syrien reste pour le moment assez floue et l’axe Le Caire-Amman a bien l’intention d’en profiter avant que les lignes rouges ne se précisent. Amman a repris langue avec Damas au plus haut niveau au début du mois, pour la première fois depuis 2011, et les regards se tournent aujourd’hui vers le Liban. Nagib Mikati a déclaré à plusieurs reprises qu’il souhaitait rétablir les relations avec tous les pays arabes sans exception. Mais il ne peut le faire qu’avec un feu vert américain et arabe. « Je n’effectuerai pas de visite officielle en Syrie sans l’approbation de la communauté internationale », a dit le chef du gouvernement le 27 septembre dernier. Lors de la dernière session gouvernementale, les ministres de l’Agriculture, Abbas Hajj Hassan (Amal), et de l’Industrie, Georges Bouchikian (Tachnag), ont demandé une autorisation officielle du gouvernement pour discuter de l’écoulement des produits agricoles et industriels libanais en coordination avec leurs homologues syriens. Le Premier ministre a alors donné son accord verbal. Face à l’insistance des deux ministres en question, l’autorisation officielle a finalement été inclue dans le procès-verbal de la séance. Et dimanche, le ministre des Travaux publics et des Transports, Ali Hamiyé (Hezbollah), a annoncé avoir été chargé par le gouvernement de discuter avec la Syrie des frais de transit imposés par Damas aux camions libanais qui traversent la frontière syrienne pour transporter des marchandises vers la Turquie ou l’Irak. De son côté, le Haut Conseil libano-syrien, un organe servant à l’époque d’instrument au service de la tutelle syrienne (1990-2005), milite également pour le rapprochement. Son président, Nasri Khoury, a récemment rencontré le président Michel Aoun, et Nagib Mikati a demandé à son vice-Premier ministre Saadé Chami de communiquer constamment avec lui, d’après les informations obtenues par L’Orient-Le Jour.
« La voie est ouverte après le deal sur l’énergie avec l’Égypte et la Jordanie. Mais il faut que le reste des Arabes soutiennent l’initiative », confie un proche du Premier ministre. Ce dernier mise sur ses relations avec les responsables jordaniens, en particulier avec le roi Abdallah II, chez qui il s’est rendu dimanche, pour arrondir les angles avec les pétromonarchies du Golfe. Mais d’après un diplomate arabe de haut rang, « l’Arabie saoudite refuse encore toute ouverture sans un projet clair et des conditions imposant au régime syrien de réduire l’influence iranienne ».
Pression du Hezbollah
Côté américain, on précise que l’exception qui pourrait être faite à la loi César reste un feu vert de principe qui devrait être accompagné d’engagements politiques pris par Damas en retour, insistant sur le fait que l’heure n’est pas à la normalisation. « Nous avons demandé à la Jordanie de geler son rapprochement avec Damas », dit un diplomate américain, sous le couvert de l’anonymat. Washington a fermé les yeux sur la réouverture de la frontière entre les deux pays et sur l’échange entre Bachar el-Assad et Abdallah II de Jordanie, mais ne souhaite pas que les choses aillent plus loin pour le moment.
Ce rappel à l’ordre a bousculé la stratégie de Amman et du Caire qui craignent d’être ciblés par les sanctions américaines. L’OLJ a appris que des avocats égyptiens, jordaniens et américains ont été chargés de mener une étude juridique sur les moyens de contourner la loi César, afin d’éviter d’en payer le prix en cas de conclusion d’accord avec le régime syrien. Résultat des courses : les failles sont très limitées, liées à de très faibles sommes d’argent et soumises à de nombreux contrôles, ce qui pourrait dissuader l’Égypte et la Jordanie de renforcer leurs liens avec le régime syrien.
De l’autre côté de l’échiquier, le Hezbollah et son parrain iranien intensifient leurs efforts pour accélérer le processus de normalisation et l’imposer comme un fait accompli. Le parti chiite fait pression pour envoyer une délégation ministérielle composée des ministres de la Santé, des Travaux, de l’Énergie, de l’Agriculture et de l’Industrie à Damas. Michel Aoun et le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, poussent également dans ce sens, mais Nagib Mikati reste pour l’instant prudent. Pas pour des questions idéologiques, l’homme étant plutôt favorable à un rapprochement avec le régime, mais parce qu’il attend que les conditions soient réunies. Pour lui, l’objectif est économique plus que politique. « Mikati pense que le Liban a besoin de la Syrie dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie ou de l’exportation de ses produits », dit un de ses conseillers, sous le couvert de l’anonymat. Pour l’instant, le plus probable est que la coordination se poursuive à petit pas, et que les ministres se rendent à titre individuel à Damas, comme c’était le cas ces dernières années.
IL EST UN HABITUE DU CHEMIN DE DAMAS QUI N,A JAMAIS ETE FERME POUR LUI. D,AILLEURS IL AVAIT ANNONCE UN GOUVERNEMENT D,INDEPENDANTS ET COMME QUOI IL N,ACCEPTERAIT RIEN DE CE QUE HARIRI N,AVAIT PAS ACCEPTE. IL S,EST DECULOTTE MAGNANIMEMENT !
16 h 32, le 12 octobre 2021