Le sang des victimes de la tragédie du Akkar n’avait pas encore séché que la polémique faisait déjà rage entre les deux partis adversaires, le courant du Futur et le Courant patriotique libre (CPL). À l’origine de cet énième épisode d’une guerre devenue récurrente, l’urgence pour les deux partis de s’affranchir des accusations, relayées notamment sur les réseaux sociaux dès les premières heures qui ont suivi l’explosion meurtrière, dimanche à l’aube, d’un réservoir de mazout dans le village de Tleil. Selon celles-ci, les deux principaux accusés du stockage du carburant seraient proches pour l’un de députés du parti de Gebran Bassil et pour l’autre de celui de Saad Hariri. Sur cette urgence est venu cependant se greffer un autre enjeu, autrement plus stratégique, celui du sort d’un sexennat poussif, qui a démontré son incapacité à apporter des solutions à un pays en crise.
L’échange venimeux entre le courant du Futur et le CPL a commencé tôt le matin à la suite d’un tweet assassin du chef du Futur, Saad Hariri, qui a comparé l’explosion de Tleil à celle du port de Beyrouth le 4 août 2020 et jugé que les responsables du pays, « à commencer par le président de la République jusqu’à la dernière personne responsable de cette négligence, devraient démissionner ». Un peu plus tard, il devait poster, toujours sur Twitter, une photo combinant les deux tragédies, avec, pour légende : « 4 août + 15 août = le mandat de l’enfer », en allusion à des propos que le chef de l’État avait tenus il y a plusieurs mois et selon lesquels c’est l’enfer qui attend les Libanais si un gouvernement n’est pas formé rapidement.
La réponse est intervenue non pas de la présidence de la République qui était directement attaquée par Saad Hariri mais du parti fondé par Michel Aoun. Dans un communiqué, le CPL a accusé le courant du Futur d’« exploiter le sang des victimes à des fins politiques, pour régler des comptes avec le président et le CPL qui n’ont rien à voir dans cette affaire ». Il s’est empressé d’indiquer que le propriétaire du terrain où l’explosion s’était produite, « un proche du Futur, avait voté pour (le député) Tarek Merhebi » et que l’exploitant des réservoirs est proche (des députés) Walid Baarini et Mohammad Sleiman. « Plusieurs députés haririens possèdent ou parrainent des réseaux de stockage et de contrebande de carburant », a accusé le CPL, contre qui les mêmes charges étaient lancées par les députés haririens, alors que la population de Tleil, ironiquement, pointait du doigt les deux partis dans la couverture du trafic du carburant.
Dans cette guerre des partis qui cachait mal dans ses manches des velléités de règlements de comptes, de part et d’autre, toutes les armes semblaient autorisées, même celles, extrêmement dangereuses, des susceptibilités communautaires qu’on aiguise, au risque de laisser des séquelles sur le long terme.
Le CPL en a ainsi profité pour poursuivre sa campagne contre le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, qu’il rend responsable du chaos dans lequel le pays est plongé. « Celui qui doit démissionner est celui qui a provoqué la crise des carburants à cause de sa politique de subventions, c’est-à-dire le gouverneur de la Banque du Liban », a-t-il insisté dans son communiqué.
« Le Akkar n’est pas Kandahar »
Mais ce qui devait surtout mettre le feu aux poudres, c’est un tweet de Gebran Bassil sur l’État hors-la-loi, selon lui, du Akkar dont l’idée maîtresse devait être reprise plus tard par le président au cours du Conseil supérieur de défense qui s’était tenu dimanche à Baabda. Si Gebran Bassil a fait état de « gangs des carburants qui coupent les routes et ferment les stations et qui interceptent des camions-citernes dans un Akkar qui semble échapper au contrôle de l’État », et proposé que le caza soit « déclaré zone militaire dans l’intérêt de ses habitants », le chef de l’État est allé encore plus loin, en faisant état d’un retour de groupes fondamentalistes « qui veulent semer le chaos » au Akkar et mis en garde contre une politisation de cette affaire.
Des accusations maladroites qui ont fait monter d’un cran la tension dans une région à majorité sunnite, et alimenté les échanges d’accusations à caractère confessionnel sur les réseaux sociaux, d’autant que le propriétaire du terrain où l’explosion s’est produite est chrétien et que les victimes seraient essentiellement sunnites. « Comment le chef de l’État se permet-il de passer outre la faim des Akkariotes pour évoquer en Conseil de défense des “actions de groupes radicaux ”? », s’est indigné Saad Hariri sur son compte Twitter. « Le Akkar n’est pas Kandahar et n’est pas hors-la-loi. C’est vous, M. le Président, qui êtes hors de l’État et uniquement président de la République du courant aouniste », a-t-il lancé. « Le Akkar est lésé par le président et son mandat et les flammes ont envahi le cœur de ses habitants bien avant qu’elles ne fassent exploser des citernes de carburant de contrebande. (…) Vous percevez la douleur des gens comme de la sédition tandis que nous y voyons un cri lancé à votre encontre : “Démissionnez” », a-t-il conclu.
Pour le courant de Saad Hariri, Michel Aoun et Gebran Bassil cherchent tous les deux à détourner l’attention des véritables causes du chaos sanglant dans lequel le Liban est plongé. Selon des sources proches de ce parti, ils veulent limiter le problème à la seule décision du gouverneur de la BDL et à la présence « fictive de groupes fondamentalistes anarchiques » au Akkar. Ce proche de Saad Hariri évoque ainsi le blocage de la formation du gouvernement pendant dix mois « parce que Gebran Bassil n’a pas réussi à avoir une équipe ministérielle qu’il peut contrôler, la contrebande de carburant vers la Syrie sur laquelle les autorités ont fermé les yeux pour des raisons connues de tous, et le développement du marché noir contre lequel rien n’a été fait alors qu’il sévit depuis plusieurs semaines ».
Il insiste sur le fait que Michel Aoun et son gendre « s’efforcent en vain de camoufler leur défaillance et leur échec, en distribuant les accusations à la ronde ». « Il faut comprendre une fois pour toutes que c’est l’alliance entre le CPL et le Hezbollah et la volonté du parti de Michel Aoun de garder le pouvoir qui est à l’origine de toute cette situation », souligne-t-on de même source, en expliquant que le CPL « ne fera rien qui puisse heurter stratégiquement le Hezbollah qui représente une garantie pour son maintien au pouvoir ».
Le Hezbollah s’oppose depuis la guerre de 2011 en Syrie à un contrôle strict des frontières libanaises Nord et Est, qui compliquerait la circulation des armes et des combattants. Avec le durcissement des sanctions économiques américaines contre Damas, à travers la loi César, les frontières-passoires libanaises sont devenues primordiales pour la survie du régime de Bachar el-Assad, au détriment des Libanais.
Un durcissement à prévoir
De même source, on fait état cependant d’un mouvement politique et populaire qui s’amplifie en faveur de la démission du chef de l’État et auquel le camp présidentiel réagirait avec davantage de durcissement. Sans nommer spécifiquement Michel Aoun, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, avait appelé dimanche à la démission de « tous les responsables (….) afin de permettre au peuple de restructurer le pouvoir », s’attirant une réplique virulente du CPL.
De cette façon, c’est un bloc sunnito-maronito-chiite si l’on tient compte de l’hostilité du président de la Chambre et d’Amal, Nabih Berry, au tandem Aoun-Bassil, qui se forme contre Baabda et qui entraînera, selon des sources politiques indépendantes, un plus grand durcissement du chef de l’État, au niveau du choix des ministres au sein du nouveau gouvernement.
De mêmes sources, on indique que l’Occident, notamment les États-Unis, sont convaincus que le sexennat a montré ses limites et qu’il est nécessaire pour le Liban de se doter d’un gouvernement capable de lancer les réformes dont le pays a besoin et de préparer la relève à travers les élections législatives puis présidentielle. Les préparatifs de cette étape transitoire se feront en coordination avec l’armée, selon les mêmes sources qui font état d’une visite-éclair du chef des renseignements américains, William Burns, vendredi à Beyrouth, où il aurait eu un entretien avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. Cette information n’a pas pu être confirmée de source américaine.
Au niveau libanais, la campagne pour la prochaine présidentielle est déjà ouverte, indique-t-on de mêmes sources, et le tandem Aoun-Bassil compte la mener à travers un gouvernement fort qui lui soit acquis. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, qui s’est rendue hier auprès du Premier ministre désigné, Nagib Mikati, et du chef de l’État a choisi de s’exprimer à partir de Baabda pour « demander à ceux qui continuent d’entraver la formation du gouvernement et la mise en œuvre des réformes, de mettre de côté leurs intérêts partisans », tout en rappelant les menaces de sanctions qui planent sur ces derniers. L’évolution des pourparlers entre Michel Aoun et Nagib Mikati devraient confirmer ou infirmer cette thèse.
commentaires (14)
Celui qui doit démissionner est celui qui a provoqué la crise des carburants à cause de sa politique de subventions, c’est-à-dire le gouverneur de la Banque du Liban », je veux relire la premiere phrase" Celui qui doit démissionner est celui qui a provoqué la crise des carburants " CAD GEBRAN BASSIL QUI A GARDE POUR LUI DURANT 11 ANS LE MINISTERE DE L'ENERGIE ET QUI A ACCUMULE DES DETTES DE 40 MILLIARDS DE DOLLARS SANS POUVOIR DONNER UNE HEURE D'ELECTRICITE AU PEUPLE cE QUE sALAME A DEMANDE C/EST UNE LOI L'AUTORISANT A PUISER DANS L'ARGENT DES lIBANAIS ..POURQUOI BASSIL NE LA PASSE PAS AVEC SES AMIS AU PARLEMENT CAR LE GOUVERNEUR A RAISON DE DIRE SANS LOI POUR LA SUBVENTION IL ENFREINT AUJOURDHUI LA LOI c'est probablement parceque Bassil sait tres bien qu'elle sera impopulaire et lui vaudra son trone meme de depute de Batroun ENFIN NOUS SERONS DEBARRASSE DE CE PERSONNAGE UNE FOIS POUR TOUTE APRES LES ELECTIONS DE 2022 si il permet qu'elles aient lieu
LA VERITE
16 h 51, le 17 août 2021