Au Liban, Paris et Washington ont besoin de Riyad. En tant que traditionnel donateur et parrain politique des sunnites, l’Arabie saoudite peut jouer un rôle important à un moment où le pays s’enfonce dans la crise à une vitesse vertigineuse. Le royaume a fait le choix, depuis 2017, de se distancier de Beyrouth, considérant que le pays est sous la coupe du Hezbollah, et conditionnant son retour dans les affaires libanaises à une sérieuse évolution de la scène politique. Mais alors que des institutions fondamentales – les écoles, les hôpitaux, l’armée – risquent l’effondrement, le Hezbollah, lui, semble pouvoir tenir la distance, ce qui devrait amener Riyad à revoir ses calculs. C’est en tout cas ce qu’espèrent la France et les États-Unis, sur la même longueur d’onde sur le dossier libanais depuis l’arrivée de l’administration Biden. L’ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo, se rendra aujourd’hui en Arabie saoudite aux côtés de sa consœur américaine, Dorothy Shea, afin de rencontrer des officiels saoudiens, ont annoncé les deux missions diplomatiques dans des communiqués publiés presque simultanément. Cette visite doit assurer le suivi de la rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères américain, français et saoudien, Antony Blinken, Jean-Yves Le Drian et Fayçal ben Farhane, le 29 juin en Italie, en marge du sommet du G20, autour du dossier libanais. Les trois responsables avaient alors appelé les responsables libanais à « agir », en mettant en œuvre des « réformes urgentes pour stabiliser l’économie et soulager le peuple libanais ». Les trois ministres avaient auparavant constaté ensemble à Paris, le 25 juin, l’incapacité des dirigeants politiques libanais à faire primer l’intérêt national du pays sur leurs intérêts personnels. Ils avaient convenu de la nécessité pour la France et les États-Unis d’agir de concert pour aider le pays du Cèdre à sortir de sa crise.
Sanctions ?
La morphogenèse de ce partenariat Paris-Riyad-Washington vise à remplir deux objectifs. Un : la coordination de l’aide humanitaire, une absolue nécessité pour éviter que le pays ne sombre dans le chaos total. « Pour cela, il faut d’abord convaincre Riyad de s’investir à nouveau au Liban », résume un diplomate français. Selon un communiqué publié par l’ambassade de France, Anne Grillo soulignera l’importance de l’aide humanitaire offerte par la France aux Libanais, ainsi qu’aux forces armées libanaises et aux Forces de sécurité intérieure, « que la France et les États-Unis continueront de soutenir ». De son côté, l’ambassade des États-Unis au Liban a précisé dans un communiqué que Dorothy Shea discutera « de la gravité de la situation au Liban, en mettant l’accent sur l’importance de l’assistance humanitaire au peuple libanais, ainsi que sur le soutien renforcé aux forces armées et aux forces de sécurité libanaises ». Paris a organisé le 17 juin dernier une conférence visant à apporter à l’armée libanaise une aide humanitaire, réservée généralement aux pays en guerre ou en proie à des catastrophes naturelles. La troupe libanaise avait, dans ce cadre, formulé des « besoins très précis », alimentaires (lait, farine...), en médicaments, en pièces détachées pour la maintenance des matériels, qui s’élèvent à « quelques dizaines de millions d’euros », selon une source au ministère français de la Défense cité par l’AFP. Mais Riyad s’était abstenu de participer au financement de l’aide.
Deux : la coordination politique afin d’exercer une pression commune sur la classe dirigeante. Le Liban est sans gouvernement effectif depuis la démission de l’équipe de Hassane Diab dans la foulée de l’explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Nommé en octobre de la même année pour former le nouveau cabinet, le leader du courant du Futur, Saad Hariri, n’arrive toujours pas à accomplir sa mission, en raison notamment d’un conflit politico-personnel l’opposant au chef de l’État et son gendre, le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Les trois pays devraient rappeler que l’aide structurelle, la seule susceptible de sortir le pays de la crise, reste conditionnée à des réformes et marteler l’urgence de les mettre en œuvre. Objectif plus ambitieux, mais également sur la table : ils pourraient mettre en place une politique de sanctions communes contre les dirigeants à l’origine du blocage. Paris et Washington attendraient également du royaume saoudien qu’il clarifie sa position par rapport à Saad Hariri, son ex-protégé devenu persona non grata depuis sa démission forcée depuis Riyad en 2017.
Anne Grillo expliquera aux responsables saoudiens la nécessité de former, dans l’urgence, un « gouvernement crédible et efficace qui travaille à la réalisation des réformes nécessaires, dans l’intérêt du Liban et conformément aux aspirations du peuple libanais ». La diplomate française et son homologue américaine feront part « de la volonté de la France et des États-Unis d’agir ensemble avec leurs partenaires régionaux et internationaux pour faire pression sur les responsables du blocage », indique le communiqué français. « En partenariat avec la France et l’Arabie, l’ambassadrice (américaine, NDLR) continuera à développer notre stratégie diplomatique trilatérale basée sur la formation d’un nouveau gouvernement et la nécessité de mettre en place les réformes urgentes et essentielles dont le Liban a désespérément besoin », souligne pour sa part le communiqué américain.
Mardi, Hassane Diab s’était plaint, dans un discours prononcé devant plusieurs ambassadeurs dont Dorothy Shea et Anne Grillo, d’un « blocus imposé (au Liban par la communauté internationale) et qui n’a aucune incidence sur les corrompus ». La réponse de l’ambassadrice française était cinglante. La diplomate a rappelé au Premier ministre sortant « que l’appauvrissement du pays était une responsabilité qui lui incombait ainsi qu’aux dirigeants », et que l’effondrement était « le résultat délibéré d’une mauvaise gestion depuis des années ».
commentaires (7)
IL Y A DES NOUVELLES COMME QUOI PARIS ET WASHINGTON PARLENT DE FORCES INTERNATIONALES ONUSIENNES POUR LE LIBAN. INCHALLAH. ET CE SERA LA FIN DES MERCENAIRES ET DE CEUX QUI LEUR SERVENT DE COUVERTURE SI HAUT SOIENT-ILS PLACES.
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 24, le 08 juillet 2021