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Économie - Focus

Subventions sur le carburant : le nouveau décret est signé, des zones d’ombre subsistent

Une seule chose est certaine : l’ensemble des prix sur le territoire libanais connaîtra une hausse en raison de l’impact sur les prix des transports, d’une part, et sur les coûts liés aux générateurs qui pallient le rationnement d’Électricité du Liban, d’autre part.

Subventions sur le carburant : le nouveau décret est signé, des zones d’ombre subsistent

Les autorités ont affirmé que les montants prêtés devaient permettre de résoudre temporairement la crise du carburant afin ne pas faire fuir les expatriés qui ont décidé de venir au Liban cet été. Photo João Sousa.

Dans le sillage de l’accord « exceptionnel » annoncé jeudi notamment par le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a signé hier le décret autorisant la Banque du Liban (BDL) à financer pendant encore trois mois le mécanisme de subventions dont bénéficient les importateurs de carburant depuis octobre 2019, période à laquelle la crise que connaît le pays a commencé à prendre forme.

De nombreux détails sur sa mise en œuvre étaient encore inconnus hier soir.

Les modifications apportées au mécanisme

La prolongation de ce mécanisme pour trois mois signifie que les importateurs d’essence, de mazout et de gaz domestique pourront continuer d’ici à la fin de l’été à échanger leurs livres avec la BDL afin d’obtenir une partie des devises nécessaires pour régler leurs fournisseurs étrangers à un taux bien inférieur à celui du marché parallèle – qui avait atteint environ 16 400 livres pour un dollar hier. La différence, c’est que le taux applicable pour cette opération sera désormais de 3 900 livres pour un dollar, contre la parité officielle de 1 507,5 livres jusqu’à présent en vigueur.

Editorial

Scènes de crime

Le doute plane encore concernant le taux de couverture des factures qui sera appliqué. Jusqu’ici, la BDL fournissait 90 % des devises demandées pour chaque facture, à charge pour l’importateur d’avancer lui-même les 10 % restants en « dollars frais » (des dollars qui ne sont pas bloqués par les restrictions des banques libanaises en vigueur depuis le début de la crise). Si plusieurs sources au sein des filières de distribution d’essence et de gaz pensent savoir que cette répartition sera maintenue, la possibilité que la BDL finisse par vendre des dollars à 3 900 livres pour couvrir 100 % des montants des factures qui lui sont soumises a également été évoquée.

Selon ce qui sera décidé et qui devrait être clarifié d’ici à lundi, le prix des 20 litres d’essence ordinaire (95 octanes, le 98, plus cher, n’étant presque plus vendu depuis des mois), que le ministère de l’Énergie met chaque semaine à jour, pourrait passer d’un peu plus de 45 000 livres à plus de 60 000 à un taux de couverture des factures de 100 % – à prix du baril de brut constant. Le prix des 20 litres augmentera logiquement si le taux de couverture n›est que de 90 %. Les 20 litres de mazout se négocieront, eux, à plus de 40 000 livres, au lieu de 33 300 (selon nos calculs), tandis que la bonbonne de gaz d’une dizaine de kilogrammes passera, elle, de 28 500 à 55 000 livres, selon le syndicat des distributeurs de bonbonnes que nous avons contacté – qui pense que le taux de couverture restera à 90 %.

Les nouvelles modalités de financement

C’est la seconde grande nouveauté de la décision de cette semaine. Jusqu’à maintenant, la BDL puisait directement dans ses réserves de devises disponibles les dollars qu’elle vendait à perte aux importateurs – ce que l’institution a toujours présenté comme une mesure de contrôle de l’inflation en livres en plein contexte de dépréciation de la monnaie nationale. Ces réserves, qui ont littéralement fondu depuis le début de la crise, ne sont presque plus constituées que des 15 milliards de dollars de réserves obligatoires déposées par les banques (selon les chiffres distillés par les autorités).

Si rien n’interdit techniquement à l’institution de les utiliser (même si ce point fait débat dans les cercles d›experts), la BDL a décidé jeudi qu’elle ne prendrait toutefois pas seule cette responsabilité et a demandé aux autorités de lui accorder une autorisation expresse, incarnée donc par l’accord annoncé et le décret signé – avec réticence au départ – par Hassane Diab. Invoquant plusieurs articles du code de la monnaie et du crédit, la BDL a ainsi imposé aux autorités d’emprunter les montants nécessaires pour prolonger le mécanisme de subventions sur le carburant pendant trois mois aux nouvelles conditions fixées. Les modalités d’emprunt n’ont pas été précisées (taux appliqué, début et durée de la période de remboursement, etc.), pas plus que le montant emprunté. Sous les anciennes modalités, pas moins de 225,5 millions de dollar étaient ponctionnés chaque mois des réserves contre des livres au taux officiel – 96 millions pour l’essence, 118,5 millions pour le mazout et 11 millions pour le gaz.

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La banque centrale prêtera à l’État de quoi subventionner les importations de carburant

Enfin, la grande question qui reste en suspens est : comment l’État, qui a fait défaut sur ses obligations en devises en mars 2020, qui fonctionne sans budget et dont les recettes fiscales se sont effondrées à cause de l’effondrement de l’activité économique et de la dépréciation de la livre, va-t-il rembourser les montants engagés cet été, dans une période maximale de 10 ans comme le prévoit le CMC ? Si c’est normalement le contribuable qui devrait payer cette nouvelle facture via ses impôts, l’hypothèse que l’État cherche à se renflouer au moins en partie en sollicitant une aide externe – nouveau prêt ou réallocation d’un prêt existant – est aussi sur la table. Enfin, les autorités ont affirmé que les montants prêtés devaient permettre de résoudre temporairement la crise du carburant afin ne pas faire fuir les expatriés qui ont décidé de venir au Liban cet été, ce qui laisse supposer que l’État comme la BDL comptent probablement sur les capitaux de ces derniers pour tenter de se renflouer partiellement.

L’impact à venir sur les prix

La plus grande question soulevée par la décision des autorités concernant la prolongation du mécanisme de subventions et ses nouvelles conditions est sans aucun doute l’impact qu’elle aura sur l’ensemble des prix sur le territoire libanais, à un moment où l’inflation en livres, à + 119,83 % en rythme annuel à fin mai, bat déjà tous les records. Un phénomène d’autant plus difficile à mesurer dans la mesure où d’autres mécanismes de subvention devraient être prochainement levés ou rationalisés – médicaments, blé, matériel médical et certaines denrées alimentaires de base – en amont de la mise en œuvre de la carte d’approvisionnement pour laquelle la proposition de loi a passé le stade des commissions parlementaires mixtes jeudi.S’agissant des prix fixés par les autorités – médicaments et pain notamment –, les ministères concernés ainsi que le syndicat des boulangeries sont restés muets hier, tandis que le président du syndicat des importateurs de médicaments, Karim Gebara, a précisé à L›Orient-Le Jour que « la rationalisation des subventions sur les médicaments annoncée par le gouvernement est totalement distincte des frais opérationnels des pharmaciens et des distributeurs, qui ont augmenté en raison de la crise ». Se voulant rassurant, le syndicaliste a indiqué que « ces frais seront discutés avec le ministère de la Santé, mais n›auront pas d›impact considérable sur le malade ». La tarification de ces produits reste complexe car elle doit tenir compte de plusieurs facteurs : le prix du ou des matières premières servant à leur fabrication quand ils sont confectionnés au Liban, le prix de l’énergie, la valeur de la livre, etc.

C’est également le « chaos total » concernant les importations de denrées alimentaires subventionnées ou pas, selon le président du syndicat de la filière, Hani Bohsali, qui n’a pas souhaité se prononcer, du moins avant que la situation du carburant ne soit plus claire (voir encadré).Pour rappel, plusieurs catégories d’importateurs bénéficiant des subventions ont reproché à la BDL d’avoir retardé le règlement de dossiers déjà validés, voire de ne plus en avoir accepté de nouveaux. Selon un commerçant anonyme bien au fait des dossiers, « tous les prix vont augmenter suite à la hausse de ceux du carburant », qui impacte autant les déplacements que la facture de l’énergie, vu que les générateurs privés fonctionnent à plein régime suite à la hausse du rationnement imposé par Électricité du Liban (EDL) qui a aussi des difficultés à acheter son fioul et à payer ses prestataires. « La hausse des prix pourrait être plus mesurée dans les commerces qui ne vendent ni denrées alimentaires ni médicaments dans la mesure où ceux-ci sont nombreux à simplement essayer d’écouler leurs stocks et ne cherchent pas en constituer de nouveaux », ajoute-t-il.

La dernière inconnue concerne l’impact de l’ensemble de ces facteurs sur le marché noir – le mazout se vendait déjà entre 60 000 et 75 000 livres dans la Békaa, selon une source anonyme qui connaît bien le marché – et sur la contrebande de produits subventionnés, notamment vers la Syrie. À ce propos, Raymond Ghajar a jugé que la hausse du taux de change applicable pour le mécanisme de subvention sur les importations de carburant allait sensiblement réduire la marge des contrebandiers. Selon les calculs de nos confrères de L’Orient Today, cette réduction de marge sur le taux de change ne serait toutefois pas si significative si le taux de couverture du mécanisme de subvention était relevé à 100 %.

La pénurie de mazout menace l’activité des supermarchés et boulangeries
Faute de mazout pour alimenter les groupes électrogènes tournant à plein régime suite au rationnement sévère du courant fourni par l’État, les supermarchés et les boulangeries pourraient être contraints de fermer leurs portes. C’est en tout cas l’avertissement lancé hier par les représentants des organisations syndicales de ces deux secteurs essentiels, dans un Liban en plein marasme socio-économique. Dans un communiqué, le syndicat des propriétaires de supermarché a ainsi déploré « la pénurie sévère de mazout et l’incapacité des supermarchés à en réceptionner des quantités suffisantes pour pouvoir continuer à opérer ». « Les autorités compétentes doivent assurer du mazout de manière régulière aux supermarchés pour éviter qu’ils ne ferment leurs portes », a ajouté le texte, soulignant que dans les circonstances actuelles, certains établissements risquent de devoir « réduire leurs heures de travail ». Plus tôt dans la journée, la Fédération des syndicats des boulangeries au Liban avait lancé un appel à l’aide similaire. « Les boulangeries de toutes les régions du Liban pourraient devoir se mettre à l’arrêt en raison de la grave pénurie de mazout, un produit devenu hors de portée », a mis en garde l’organisation syndicale dans un communiqué. « Les boulangeries et les fours à pain ont épuisé toutes leurs réserves de mazout. Les quantités disponibles ne sont pas suffisantes. Cela peut affecter la production des boulangeries, notamment des grands établissements qui distribuent leurs produits dans les différentes régions », a-t-elle ajouté, soulignant que les minoteries sont également touchées par cette crise.
Déplorant « l’absence de conscience des responsables » vis-à-vis de ces pénuries, les syndicats ont exprimé la crainte d’une « crise du pain » et plaidé pour que les responsables leur garantissent des stocks de mazout. Le prix du pain, essentiellement fixé sur la base des cours mondiaux du blé et du prix du carburant dans le pays, a fortement augmenté ces derniers mois. Les producteurs se sont en outre plaints à de nombreuses reprises d’une suppression des subventions sur certains produits entrant dans la fabrication du pain, comme la levure et le sucre, ainsi que de l’augmentation du prix du plastique utilisé pour l’emballage.
Les avertissements lancés par les supermarchés et les boulangeries sont les derniers en date, tandis que les Libanais vivent, depuis des semaines, au rythme des pénuries. De nombreux médicaments et le lait infantile ont disparu des rayons des pharmacies, le matériel médical se fait rare, obligeant les laboratoires à limiter le nombre d’examens réalisés, et de longues files d’attente se forment devant les stations-service du pays qui rationnent la distribution, ce qui crée régulièrement des tensions devant les pompes. Plusieurs voix se sont également élevées pour dénoncer les entreprises qui stockent des marchandises importées pour les revendre au prix fort lorsque les mécanismes de subvention seront tous levés, ou encore ceux qui alimentent la contrebande, notamment à destination de la Syrie, dont le régime est ciblé par des sanctions.
Dans le sillage de l’accord « exceptionnel » annoncé jeudi notamment par le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a signé hier le décret autorisant la Banque du Liban (BDL) à financer pendant encore trois mois le mécanisme de subventions dont bénéficient les importateurs de carburant depuis octobre 2019,...

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Derrière chaque acte de corruption il y'a 1 peuple ki dort E dalcone neyméne

Derwiche Ghaleb

16 h 03, le 26 juin 2021

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Commentaires (5)

  • Derrière chaque acte de corruption il y'a 1 peuple ki dort E dalcone neyméne

    Derwiche Ghaleb

    16 h 03, le 26 juin 2021

  • en toute sincerite je suggere a l'OLJ de ne plus relater les details de tel ou tel autre decision, decret, projet de loi et/ou loi en precisant que DU FLOU reste a eclaircir ! car FLOU reste le roi inconteste chez ces lascars. ainsi l' OLJ devrait se limiter a relater les qqs tout petits details CLAIRS & INDISCUTABLES ! PS. je sais bien, il resterait a peine quelques petites lignes a ecrire.......

    Gaby SIOUFI

    12 h 09, le 26 juin 2021

  • Ils continuent de piocher dans les réserves des déposants pour engraisser le mammouth qui est la clique corrompue et les mercenaires vendus de ce pays sous prétexte d’aider la population à survivre. Après leur premier hold-up du trésor public ils s’en prennent aux économies des déposants pour ensuite leur fournir le peu de produits essentiels avec leur argent volé et avec des prix mirobolants pour que ses derniers sortent leurs derniers pécules cachés sous le matelas ou provenant des aides financières reçues par leur par enfants et proches de l’étranger. Ils bouffent à tous les râteliers et n’ont pas dit leur dernier mot sur la façon de dépouiller encore et toujours ces citoyens qui croulent sous les manques et les dettes pendant que ces voleurs mènent grand train et en redemandent, jamais rassasiés jusqu’à agenouiller le peuple et lui imposer sa seule solution, la perte totale du pays et l’identité de ses citoyens. Il est où ce président à la noix? Il continue de se réunir avec la même mafia pour écouter ses conseils et prendre des décisions qui vont dans son seul intérêt négligeant le peuple et faisant mine de ne savoir ce qu’il en dure. Il faut le destituer de force avec son parlement et toute la clique et reprendre le pays en main. Combien valent ces gens? Des milliards? Nous avons déjà grassement payé la rançon alors il faut passer au Karsher maintenant y en plus que marre.

    Sissi zayyat

    11 h 40, le 26 juin 2021

  • LA MAFIOSITE A L,OEUVRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 13, le 26 juin 2021

  • On voit la toute l’incompétence et la cupidité des dirigeants libanais. On subventionne le carburant à hauteur de 3900 le dollar en puisant dans ce qui reste de l’épargne des libanais. Résultat, les prix s’envolent et les salaires deviennent de plus en plus dérisoires. Mesure pour 3 mois pour attirer les expatrier et leurs dollars pour que ces dirigeants puissent à nouveau voler cet argent frais. Sachez messieurs les dirigeants que le salaire d’un soldat est de l’ordre de 60$ et celui d’un gradé 200$, vous pensez vraiment que vos gardes de corps vont pouvoir vous protéger d’un débordement populaire si l’armée reste a l’écart

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 06, le 26 juin 2021

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