Le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil est revenu samedi dans un discours télévisé sur la querelle judiciaire qui oppose la procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, au procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate. Il a accusé le camp soutenant ce dernier de chercher à "empêcher" la juge Aoun de découvrir la vérité sur les transferts de fonds illégaux à l'étranger durant les dernières années et sur l'implication de la Banque du Liban (BDL) et des établissements bancaires dans cette affaire.
M. Bassil a par ailleurs accusé le Premier ministre désigné, Saad Hariri, de chercher à obtenir au sein du futur cabinet la "moitié des portefeuilles plus un", et de cacher ces velléités en accusant le camp aouniste de réclamer le tiers de blocage, ce dont il s'est défendu. Ce nouvel épisode dans la guerre des discours et communiqués entre le CPL et le Premier ministre désigné et sa formation politique, le Courant du Futur, a lieu alors que cela fait plus de six mois que Saad Hariri a été désigné pour former le nouveau cabinet, sans succès jusqu'à présent.
"Le Liban ne peut pas se relever si la corruption se poursuit comme c'est le cas actuellement", a lancé le chef du CPL à l'ouverture de son discours. Il a ajouté que "sans réformes, il n'y aura pas de fonds (qui entreront dans le pays, ndlr) ni de relance", estimant que ces réformes doivent permettre de "récupérer les fonds des gens, au moins en partie". Il a dans ce cadre estimé que, pour cela, il fallait assurer une justice "indépendante et efficace". "Mais il est clair qu'au Liban, il y a des juges justes, qui assurent le suivi des affaires de corruption peu importe les personnes concernées, et des juges corrompus et incapables, qui travaillent pour les responsables politiques et ouvrent des dossiers fictifs ou cachent des dossiers sérieux", a-t-il ajouté. Et de dénoncer une "tentative d'empêcher une juge de découvrir la vérité" sur "les montants de fonds qui ont été transférés à l'étranger et les propriétaires de ces fonds". "L'État et la majorité de ses institutions sécuritaires, les juges et les médias ont essayé d'empêcher la juge Ghada Aoun de poursuivre ses enquêtes ! Qu'est-ce qui est donc caché dans cette affaire ?", a-t-il poursuivi.
Tentative d'isoler Ghada Aoun
Et l'ancien ministre d'affirmer que le CPL soutient "le suivi de cette affaire" plus que la juge elle-même. "Nous sommes pour la récupération des fonds des Libanais qui ont été envoyés à l'étranger de manière clientéliste et immorale". Soulignant que certains pourraient "avoir des remarques" concernant les pratiques de la procureure, il a estimé que ses actes sont dus au "courage" qu'elle a déployé pour parvenir à la vérité. "Ces considérations sont uniquement des questions de forme, pas de fond", a-t-il ajouté, faisant remarquer que la juge Aoun n'est "pas corrompue, ne monte pas ses dossiers et ne répond d'aucune formation politique". Il a ainsi accusé les détracteurs de Mme Aoun de vouloir empêcher les réformes et la lutte contre la corruption. "Ils voient que la juge Ghada Aoun se rebelle contre la justice, mais ils ne voient pas que la Banque du Liban se rebelle contre l'audit juricomptable ?", s'est-il offusqué. Il a estimé dans ce contexte que la décision du procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, d'imposer une nouvelle répartition des tâches au parquet, qui dessaisissait de facto la juge Aoun des grands dossiers financiers est "contraire à la loi" et visait uniquement à s'assurer que des juges "qui travaillent sous ses ordres" s'occupaient de ce dossier. Et d'accuser le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d'avoir voulu "isoler" la procureure.
Les tensions judiciaires, étalées dans les médias depuis deux semaines, sont sous-tendues par la querelle politique entre le CPL et le courant haririen, dont sont proches respectivement les juges Aoun et Oueidate. Les tensions entre Ghada Aoun et Ghassan Oueidate ont éclaté au grand jour il y a deux semaines, lorsque Mme Aoun a voulu perquisitionner, à plusieurs reprises, la société de convoyage de fonds Mecattaf à Aoukar, malgré qu'elle était dessaisie des dossiers financiers. Les perquisitions menées s'inscrivent dans le cadre d’une enquête basée sur une plainte pour blanchiment d’argent contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, et le PDG de la Société générale de banque au Liban (SGBL) Antoun Sehnaoui.
Concernant les tensions ayant éclaté à Aoukar entre les supporters de la juge et les forces de l'ordre, Gebran Bassil a déploré un usage excessif de la force par la police. "Même contre les combattants de Daech (l'organisation État islamique) il n'y a pas eu un tel déploiement de force", a-t-il reproché.
Il a par ailleurs estimé que pour récupérer les fonds des déposants, il fallait adopter une loi sur le contrôle des capitaux, réclamée depuis 2019 mais qui n'a toujours pas vu le jour, des tergiversations dont il a accusé le Parlement. Il a encore appelé à ce que l'audit juricomptable de la BDL ait lieu et soit suivi, après la formation du nouveau gouvernement, d'un audit des comptes de toutes les administrations publiques. "Comment d'autres pays vont-ils venir aider le Liban et préparer un programme d'aide alors que nous ne savons pas quelle est l'ampleur des pertes ?". Commentant par ailleurs les discussions en cours à l'Union européenne, à la demande de la France, concernant des sanctions qui pourraient être lancées contre des responsables libanais, le député de Batroun a estimé que "les pressions de l'UE doivent être exercées contre les corrompus, sur base de preuves et non de manière à régler des comptes politiques". Il a d'ailleurs rappelé que les sanctions américaines à son encontre sont "uniquement politiques" et ne sont basées sur aucune preuve de corruption.
La nomination des ministres chrétiens
Abordant la crise gouvernementale, il a accusé ses rivaux politiques de "mentir" lorsqu'ils affirment vouloir un cabinet de technocrates non-partisans, arguant du fait que le Premier ministre désigné, Saad Hariri, "n'est pas un technocrate, mais le chef d'un courant politique".
Il a réitéré ses accusations contre ce dernier, affirmant qu'il cherche à "cacher qu'il veut la moitié des portefeuilles plus un en nous accusant de réclamer le tiers de blocage. Mais pas une seule fois nous n'avons réclamé ce tiers de blocage". Il a dans ce cadre reproché au Premier ministre désigné d'aller "raconter dans tous les pays que nous voulons le tiers de blocage". Soulignant que ce principe était consacré dans les accords de Taëf comme "garantie pour les chrétiens", permettant de "compenser la perte de prérogatives du chef de l'État", il a fait valoir que ce concept "n'avait pas de sens ni de place dans un cabinet de technocrates". "Tout ce que nous avons demandé, c'est qui va nommer les ministres chrétiens", a-t-il poursuivi, estimant que le Premier ministre désigné veut s'arroger ce droit afin d'avoir sous sa coupe plus de la moitié des ministères. "Nous, nous ne voulons pas participer au cabinet", a-t-il insisté, estimant que son Courant ne veut pas non plus nommer de ministres partisans.
Et de poursuivre ses critiques contre Saad Hariri qu'il a accusé de "voyager à travers le monde" au lieu de former le cabinet et de vouloir rester "Premier ministre désigné indéfiniment" afin de ne pas avoir à faire face aux "problèmes qui s'accumulent" dans le pays. "Si le Parlement ne veut pas retirer la désignation de M. Hariri parce que cela risque de créer une crise constitutionnelle et de régime, que nous reste-t-il à faire ? Regarder pendant que le pays s'effondre ?", s'est-il interrogé.
La délimitation des frontières
Revenant par ailleurs sur la question de la délimitation de la frontière maritime, le chef du CPL a estimé que le Liban "a le droit de modifier" le tracé actuel, "mais conformément à la Constitution, au moyen d'un décret promulgué par le gouvernement, et non via une lettre envoyée par la présidence à l'ONU". Il a estimé que les responsables qui voulaient qu'une telle procédure soit suivie "ont voulu faire tomber le chef de l'État dans un piège pour des raisons suspectes".
Les négociations sur la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, entamées il y a six mois, sont suspendues depuis décembre 2020, alors qu'elles sont particulièrement cruciales pour un Liban en plein effondrement économique et qui veut lever tous les obstacles à la prospection d'hydrocarbures en Méditerranée. Lors de ces négociations, les négociateurs et experts libanais avaient soulevé l'importance pour le Liban de promulguer un amendement du décret 6433/2011 qui donne au Liban un droit supplémentaire sur 1.430 km2 dans le tracé de la frontière maritime avec Israël. Le chef de l'État, Michel Aoun, avait par la suite fait de ce texte son cheval de bataille pendant plusieurs semaines. Pourtant, après paraphe du document par les ministres concernés, il a refusé d'y apporter son approbation exceptionnelle, conditionnant toute signature par un consensus en Conseil des ministres. Le cabinet sortant de Hassane Diab est pourtant uniquement chargé de la gestion des affaires courantes et ne peut pas donc se réunir normalement.
Et Gebran Bassil d'indiquer que toute modification des frontières doit se baser sur trois conditions : le respect de la Constitution, un consensus interne et le droit international. Il a dès lors suggéré la formation d'une "délégation", présidée par un représentant du chef de l'État, et qui serait chargée de négocier avec Israël et de reprendre les négociations avec Chypre et la Syrie, "sur la base de critères unifiés" pour redéfinir les frontières de la zone économique exclusive libanaise. Cette délégation comprendrait également des représentants du chef du gouvernement, de l'armée et des ministères des Affaires étrangères, des Travaux publics et de l'Énergie.
Enfin concernant la frontière-sud, il a demandé qu'une reprise des pourparlers avec Israël soit conditionnée par l'arrêt des travaux d'exploration et d'exploitation israéliens dans la zone controversée, la délimitation d'une "nouvelle ligne" intermédiaire entre les différents tracés pris en compte dans les négociations, qui serait "délimitée par des experts internationaux".
Le Courant du Futur n'a pas tardé, comme cela est désormais coutume, à réagir aux accusations lancées par Gebran Bassil. Selon le parti haririen, M. Bassil a réussi "avec brio, à saboter le mandat de son beau-père, Michel Aoun". "Chaque fois qu'il s'exprime, il plante un nouveau clou dans le cercueil du mandat", souligne le courant dans un communiqué, dans lequel il souligne que "la seule préoccupation du chef du CPL est de conserver sa place dans l'équation politique même si cela équivaut à sacrifier le mandat présidentiel et sa réputation et à sacrifier la stabilité politique, sécuritaire et sociale du pays". Le Futur a démenti les velléités de Saad Hariri d'obtenir la majorité absolue au sein du futur gouvernement, soulignant que le Premier ministre désigné "sera le président de tout le Cabinet et de tous les ministères et ne se contentera pas de présider la moitié du cabinet".
commentaires (22)
reprenons un peu la propagande aouniste capable a reunir des partisans a la pelle: Liberation du territoire, mise au pas des rebelles FL,guerre aux corrompus- et c'est a partir de ca que ca devient pernicieusement intelligent: recouvrement des droits des chretiens=COUP DE MAITRE qui a su meme obnubiler un comparse inattendu mais necessaire-je dis le sieur geagea-( s'il faut le croire quoi ), depuis lors-silence on tourne- RIEN ... puis le 17 oct,sauvetage ca reprend de + belle avec comme appui maximale l'effritement de livre libanaise... donc guerre contre les banquiers etc.. ensuite c'est le gaz et le petrole. QUE FAIT LA PROPAGANDE anti ? diantrement rien de cansistant, pti gendre leur vole tous les sujets croustillants, ne leur reste que l'attaquer en se defendant.... faites gaffe les amis, rappelez vs 1990(guerre contre saddam), ns risquons une repetition des consequences d'un accord biden khamenai, avec juste q seule diff: ce sera l'iran qui remplacera la syrie comme maitre absolu du liban.
Gaby SIOUFI
11 h 41, le 25 avril 2021