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Politique - Décryptage

Le « déballage » de Hariri au Vatican confirme le blocage gouvernemental

La visite du président du Conseil désigné au Vatican aurait dû déclencher une dynamique de rapprochement des points de vue en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Sauf qu’elle a accentué les clivages internes et donné à Saad Hariri une occasion d’attaquer ouvertement le chef de l’État et son camp, ainsi que le Hezbollah, mais de façon plus nuancée. Indépendamment des communiqués publiés à l’issue des discussions par le Saint-Siège, pour réaffirmer que le pape ne prend pas position en faveur d’une partie libanaise contre l’autre, les déclarations de Saad Hariri ont donné une image assez lamentable de la situation libanaise, avec un étalage de dissensions et des accusations personnelles lancées à partir d’une tribune internationale, qui plus est celle du Vatican. Cette visite a donc été l’occasion d’un véritable déballage d’accusations, sous un ciel béni qui aurait pourtant pu être propice à l’entente et au pardon...

S’il est vrai que Saad Hariri s’est exprimé à l’intention des médias libanais, les échos de ses déclarations ont retenti bien au-delà des frontières libanaises, montrant à ceux qui avaient encore des doutes que la formation d’un nouveau gouvernement est plus éloignée que jamais. Selon des sources diplomatiques européennes, il est clair, d’après les déclarations faites à l’issue de la rencontre avec le pape François, que l’objectif de Saad Hariri à travers cette visite n’était pas de demander l’aide du Vatican pour une médiation avec le chef de l’État et son camp, mais plutôt d’exposer son propre point de vue et de démentir les accusations lancées contre lui par le Courant patriotique libre de vouloir s’en prendre aux droits des chrétiens. Autrement dit, il s’agissait pour le Premier ministre désigné de se justifier auprès de la plus haute autorité chrétienne dans le monde et de rejeter par la même occasion la responsabilité du blocage gouvernemental sur le chef de l’État et son camp. M. Hariri a même eu des propos désobligeants à l’égard du président Aoun en l’accusant de « faire du tourisme à Baabda », en réponse, il est vrai, au commentaire rapporté par certains visiteurs du chef de l’État. Ce dernier aurait répondu à ceux qui lui demandaient ce qu’il pensait des visites à l’étranger du Premier ministre désigné : il prend l’air et fait du tourisme...

Même si dans le cadre des échanges aigres-doux politiques habituels, des remarques de ce genre sont fréquentes au Liban, il est rare qu’elles soient formulées à partir de tribunes étrangères. Ce qui est sûr, c’est qu’en agissant de la sorte, Saad Hariri a rendu encore plus difficile la naissance rapide d’un nouveau gouvernement, en ajoutant aux multiples conflits qui l’opposent au chef de l’État une dimension personnelle.

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Mais ce qui a retenu l’attention des sources diplomatiques précitées dans la déclaration de M. Hariri à partir du Vatican, c’est son allusion aux « alliés de Gebran » (visiblement le Hezbollah, qui est l’allié du chef du CPL), pour la première fois à partir d’une tribune internationale. Plus même, le Premier ministre désigné a élaboré son point de vue en ajoutant que ce qui entrave en grande partie la formation du gouvernement, c’est le conflit entre d’une part ceux qui veulent une économie libre et d’autre part ceux qui veulent mettre la main sur tout, selon le modèle d’une économie dirigée. Il a ainsi précisé que lui et ses alliés veulent une économie libre qui puisse traiter avec l’Occident et avec l’Est, alors que les autres ne veulent traiter qu’avec une seule partie et tout contrôler. Cette déclaration est d’autant plus étonnante que pour l’instant, nul au Liban n’a exprimé sa volonté de mettre la main sur l’économie et de l’orienter vers un sens unique. Certes, des appels sont lancés pour que le Liban se dirige vers l’Est, mais il n’a jamais été question de rompre ses liens avec l’Occident. Dans deux de ses discours récents, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a ainsi insisté sur la nécessité de se diriger vers les pays dits de l’Est pour renforcer l’économie du pays, mais sans jamais exiger que ce soit la seule direction possible pour le Liban. De son côté, le chef du CPL a à plusieurs reprises déclaré, dans le cadre de ses allocutions télévisées, qu’il ne souhaite absolument pas rompre les relations du Liban avec l’Ouest et l’Occident en particulier, considérant que le rôle du Liban, et des chrétiens surtout, est d’être un pont entre les différentes religions et cultures, d’abord entre l’Occident et l’Orient, et désormais entre l’Est et l’Ouest. Pourquoi, dans ce cas, Saad Hariri a-t-il lancé de telles accusations à partir du Vatican, sachant qu’elles ne sont pas justifiées et qu’elles ne font que compliquer encore plus le processus de formation du gouvernement ? Pour les milieux de Baabda, c’est une preuve de plus que le Premier ministre désigné ne veut pas former un gouvernement. Il lance des accusations pour se trouver des excuses et jeter sur les autres la responsabilité du blocage, alors qu’il sait parfaitement qu’il attend encore un feu vert extérieur pour former son équipe. Il a même voulu utiliser sa visite au Vatican pour se présenter au monde et aux Libanais comme le véritable protecteur des chrétiens avec l’aval du Saint-Siège, mais le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, l’a devancé en recevant à Bkerké le chef du CPL, la veille même de sa rencontre avec le pape. Quelles que soient les explications et les justifications avancées par les uns et les autres, une seule conclusion s’impose : le blocage gouvernemental est total et, au point où en sont les choses, aucune perspective positive ne pointe à l’horizon.

La visite du président du Conseil désigné au Vatican aurait dû déclencher une dynamique de rapprochement des points de vue en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Sauf qu’elle a accentué les clivages internes et donné à Saad Hariri une occasion d’attaquer ouvertement le chef de l’État et son camp, ainsi que le Hezbollah, mais de façon plus nuancée. Indépendamment des...

commentaires (16)

"......ceux qui veulent une économie libre" de piller les fruits du travail des libanais et des émigrés.

NASSER Jamil

14 h 12, le 27 avril 2021

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • "......ceux qui veulent une économie libre" de piller les fruits du travail des libanais et des émigrés.

    NASSER Jamil

    14 h 12, le 27 avril 2021

  • #Déballage #mot vulgaire quand il n’est pas mis là où il doit être ! Les journalistes qui ont recours à cela sont vulgairement qualifiés de scribards.

    PROFIL BAS

    02 h 35, le 26 avril 2021

  • Chère Scarlett : Chrétiens, musulmans et tout les autres libanais n'ont besoin de personne pour les protéger individuellement! Ils ont tous besoin d'être protégés de ces politiciens et de tout ces chefs de partis, de courants et autres mouvements indécents, tous pourris et ont leurs places toutes prêtes dans la décharge de l'histoire. Kelloun Yaané kelloun,! Ceux qui ont besoin de vos arguments pour les défendre et les glorifier ne sont sûrement pas ceux que vous avez choisit...

    Wlek Sanferlou

    02 h 19, le 25 avril 2021

  • Je préfère que Hariri protège les chrétiens ,que Aoun et Bassil les toutous du Hezbollah ???

    Eleni Caridopoulou

    00 h 14, le 25 avril 2021

  • Il semblerait que retirer le prétexte de la défense des Chrétiens au président et son protégé en discutant directement avec la plus haute autorité chrétienne du monde vous ait particulièrement piqué Madame la journaliste.

    Michael

    17 h 13, le 24 avril 2021

  • Qu’importe ce que l’un ou l’autre dit. Tant que nous ne savons pas qui a volé cette énorme somme d’argent cela reste des blablas. Aucun de ces politiciens n’a eu le courage de mettre en disposition ses documents pour dévoiler ses vérités. En ce moment j’entends les sermons et visions du monde de Mr. Bassil qui promet que le système judiciaire aura accès partout même dans leurs ministères ou dans ce sens. Au moment opportun. Qu’est ce que cela veut dire au moment opportun ? Chacun veut d’abord que les autres se dévoilent parce que notre peuple a simplement choisi d’élire les mafias de la guerre comme gouverneurs. Les Al Capones et Corleone règnent sur nous. Grâce à Corona on les entend ainsi que leurs subordonnés mais on ne les écoute plus. Chacun de nous devine déjà les accusations, justifications des uns et des autres. Dans certains pays la mafia est une société parallèle, chez nous ce sont nos gouverneurs. Notre seul espoir c’est que l’étau se resserre sur eux. Ceux parmi eux qui se trouvent défavorisés deviennent bavards, rapporteurs, changent discrètement ou moins discrètement de camp. Tenez bon chers libanais. Ils vont chuter l’un après l’autre.

    Khazzaka May

    13 h 26, le 24 avril 2021

  • Nous n'en sortirons vraiment que lorsque les réfugiés palestiniens rentreront dans leur pays, que lorsque les réfugiés syriens rentreront en Syrie puisque le boucher de Damas clame haut et fort qu'il a gagné et qu'il contrôle son pays, et lorsque les mercenaires déguerpiront pour aller, au choix, en Iran, en Syrie, en Irak, au Yemen, etc., en emmenant avec eux les traitres oranges.

    Robert Malek

    12 h 56, le 24 avril 2021

  • Les déclarations de Saad Hariri ont donné une image assez lamentable de la situation libanaise, avec un étalage de dissensions et des accusations personnelles lancées à partir d’une tribune internationale, qui plus est celle du Vatican. Cette visite a donc été l’occasion d’un véritable déballage d’accusations, sous un ciel béni qui aurait pourtant pu être propice à l’entente et au pardon...Après l’apparition d’un nouveau Jesus voilà que madame se transforme en un de ses apôtres. Elle prêche mais toujours des convaincus qui n’en ont mais alors rien à cirer de ce que Aoun ou son gendron veulent faire transparaître de leurs prêches, pour cause? Leur alliance avec les destructeurs du pays. Rien ne peut les disculper de cette accusation qui va toujours en se confirmant que ces deux pions ne sont placés là que pour détruire le pays. C’EST AUSSI SIMPLE QUE ÇA. Le reste et surtout venant de quelqu’un de leur bord ne fait que confirmer leur complot. Ils se cachent derrière leur petit doigt en pensant que personne ne les voit à l’œuvre naïfs comme ils sont.

    Sissi zayyat

    12 h 36, le 24 avril 2021

  • Je trouve que M. Hariri a joué habilement et a gagné un point dans la joute politique qui l’oppose au président Aoun et à son gendre, M. Gibran Bassil, en leur coupant l’herbe sous le pied, notamment à ce dernier qui ne cesse de nous faire savoir qu’il veut protéger les droits des chrétiens libanais. Protéger les droits des Libanais chrétiens est une politique qui nous mène droit au mur et aux confrontations avec nos compatriotes musulmans et druzes. Je préfère un homme politique musulman (je ne pense pas à M. Hariri) qui a à cœur les intérêts des Libanais, de tous les Libanais, sans égard à leur appartenance religieuse, à un homme politique chrétien (je ne pense pas non plus à M. Bassil), qui fait savoir crie sur les toits qu’il veut être le défenseur des intérêts des Libanais chrétiens. Notre salut se trouve dans notre appartenance à l’entité libanaise et non dans notre appartenance religieuse.

    Hippolyte

    12 h 33, le 24 avril 2021

  • Je ne suis pas un défenseur de hariri mais, dire que Nassrallah et Bassil ne veulent pas mettre la main sur l’économie du pays et plus généralement sur le pays entier, est parti pris et dénué de toute objectivité, chère Madame. Nos hommes politiques ne sont pas à la hauteur, nos juges non plus. Tout ce petit monde baigne dans le clientélisme et l’étroitesse d’esprit.

    mokpo

    10 h 34, le 24 avril 2021

  • On apprend rien mais alors rien Mme Haddad !! A quoi sert cet article !!

    Elime 11

    09 h 47, le 24 avril 2021

  • La seule perspective offerte au Liban c'est le chaos... comment et quand cela explosera ?

    Zeidan

    09 h 30, le 24 avril 2021

  • Michel Aoun, appuye’ par la milice chiite, a empeche l’election presidentielle durant plus de deux ans pour imposer sa seule candidature a ce poste, et a bloque’ la mise en place d’un gouvernement six mois pour imposer son gendre et prince heritier…avec le resultat catastrophique que l’on connait ! alors se plaindre que seul Saad Hariri empeche la formation du gouvernement devient franchement ridicule. Pauvre Liban

    Goraieb Nada

    07 h 36, le 24 avril 2021

  • Il ne manquerait plus , pour restaurer l'équilibre manquant dans cette affaire , que Mohammed Ben Salman reçoive Gebran Bassil , et que l'Ayatollah Khameneí reçoive à Teheran Samir Geagea ! Encore une fois , ceux qui se font soutenir par l'étranger savent que le Liban est depuis des siècles , le centre de gravité des luttes entre Puissances étrangères .Nous n'en sortirons vraiment que lorsque les réfugiés palestiniens rentreront en Palestine occupée .

    Chucri Abboud

    04 h 11, le 24 avril 2021

  • Certes l'attitude de Hariri n'arrange pas les choses mais la situation libanaise n'a pas attendu les déclarations de ce dernier pour se donner une image lamentable aux yeux du monde entier. Nos gouvernants ont depuis bien longtemps bien œuvré, et en ce moment plus que jamais, pour se forger l'image la plus dégradante, la plus pitoyable et la plus minable qu'un pays peut offrir. Il est vrai que Aoun fait du tourisme à Baabda en recevant à la pelle des diplomates étrangers qui n'ont aucune capacité à changer les choses, mais Hariri fait du tourisme en voyageant ici et là pour rencontrer des dirigeants étrangers avec l'illusion d'obtenir leur appui. Une pure perte de temps qui ne mène à rien. Les accusations vont bon train dans les deux sens, mais les seules accusations légitimes et justifiées sont celles proférées par le peuple libanais contre l'Exécutif. Va-t-on supporter encore longtemps cette incroyable incompétence et cette incalculable nullité de cette classe politique dépassée composée de grabataires et de hors-la-loi ?

    Robert Malek

    03 h 33, le 24 avril 2021

  • Vous défendez l'indéfendable. Cela sent le sapin.

    paznavour

    00 h 51, le 24 avril 2021

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