Pourquoi Michel Aoun n’a-t-il pas signé l’amendement du décret 6433/2011 sur la frontière maritime méridionale avec Israël ? Alors qu’il en avait fait l’une de ses batailles, pour pouvoir notamment se positionner dans ce dossier hautement stratégique, le président de la République a renoncé au dernier moment à parapher le décret supposé accorder au Liban une superficie de 1 430 km2 supplémentaires en mer. Baabda a justifié sa décision par le fait qu’« il appartient au gouvernement, même d’expédition des affaires courantes, de l’approuver en raison de son importance et des conséquences qu’il pourrait avoir ». Michel Aoun s’est toutefois réservé le droit de déterminer « la procédure la plus favorable pour protéger la nation ». Selon des sources proches du palais présidentiel, par cette phrase, le président sous-entend qu’« en l’absence de consensus et si les intérêts du Liban sont menacés », il passerait à l’action et accorderait son « approbation exceptionnelle » au décret. En cause ? Des calculs de politique interne qui se mêlent à des paris diplomatiques. « Aoun se sert de ce dossier comme d’un moyen de pression et veut dire aux Américains qu’il est le seul à pouvoir se présenter comme un interlocuteur sur cette question », affirme un homme politique de premier plan qui a souhaité garder l’anonymat et qui ne mâche pas ses critiques contre le locataire de Baabda.
Dans ce contexte, la tournée du sous-secrétaire d’État américain David Hale au Liban, qui visait avant tout à marteler la position américaine sur l’urgence de former un gouvernement et de procéder à des réformes, a placé ce dossier au centre des discussions. Alors qu’il a rencontré le diplomate américain hier à Baabda, Michel Aoun avait voulu tâter le terrain en amont en dépêchant ses émissaires auprès du diplomate américain mardi soir. D’après les informations obtenues par L’Orient-Le Jour, Élias Bou Saab (ancien ministre aouniste), Salim Jreissati (conseiller du président) et Alain Aoun (député CPL) ont rencontré l’émissaire américain et lui ont posé des questions sur la position de Washington concernant la signature du décret. Celui-ci remet en question la partialité de la ligne Hof, du nom du diplomate américain Frédéric Hof, qui servait jusqu’ici de base pour les négociations. Les États-Unis y sont donc opposés, sans pour autant en faire un casus belli. L’un des trois émissaires du président aurait ensuite fait comprendre à David Hale que le palais pouvait garder ce dossier en suspens en attendant une évolution de la position américaine concernant les sanctions prises à l’encontre du gendre du président Gebran Bassil. Le diplomate américain n’aurait toutefois pas donné suite à cette suggestion. Recevant hier l’émissaire américain, Michel Aoun lui a assuré qu’il prendrait son temps avant de signer le décret, selon des sources concordantes, souhaitant jouer la carte de la modération et laissant la porte ouverte aux négociations sous médiation américaine. Il lui a toutefois demandé un appui des États-Unis au Liban dans sa volonté d’obtenir une délimitation plus équitable. Selon le communiqué de Baabda, M. Aoun a insisté sur le « droit » du Liban de « faire évoluer sa position en fonction de ses intérêts et conformément au droit international et aux principes constitutionnels ». Il a également demandé à ce que des experts internationaux soient accrédités pour définir le tracé de la frontière.
Silence du Hezbollah
« Si Michel Aoun accepte d’avoir recours à des experts internationaux, cela portera un coup dur à l’armée libanaise et à la délégation aux négociations qui détient toutes les cartes », estime un proche du président du Parlement, Nabih Berry, qui voit d’un très mauvais œil le fait que son principal adversaire politique s’investisse de plus en plus dans ce dossier qui était jusqu’à ces derniers mois sa chasse gardée. Les détracteurs du président de la République l’accusent également de vouloir restreindre le champ d’action de l’armée sur ce dossier, et plus particulièrement de son chef, le général Joseph Aoun, avec qui ses relations n’ont cessé de se dégrader au cours de ces derniers mois. Du côté du palais, on se défend de vouloir politiser l’affaire. Les proches du président affirment que c’est au Conseil des ministres d’approuver le décret. « Tous les décrets sont pourtant émis de cette façon », rétorque une source politique proche du Premier ministre sortant Hassane Diab qui considère que le chef de l’État cherche juste à gagner du temps et à se dédouaner de toute responsabilité.
Cette attitude a provoqué la colère de Nabih Berry qui considère que le président met en péril le consensus national sur cette question et l’avenir des pourparlers. « Le Liban aurait pu faire valoir son droit durant les négociations », estime un proche de Berry qui précise que l’accord-cadre signé entre les deux pays ne parlait pas de superficie. Face à ces conflits internes, c’est le silence du Hezbollah qui est remarquable. Le parti avait précédemment déclaré qu’il appuyait la décision de l’État libanais, mais en l’absence d’une telle décision, il pourrait être le premier bénéficiaire. Selon des sources proches du parti, si le décret n’est pas approuvé, la porte aux négociations reste ouverte, mais s’il est approuvé, le Hezbollah y verrait alors une nouvelle source de légitimité pour son projet de résistance à Israël.
commentaires (13)
Tout ça a l'odeur d'une transaction d'un échange quelconque entre Israël et le sounaiii à travers leur agent: notre soi-disant toit d'acier...
Wlek Sanferlou
18 h 46, le 16 avril 2021