Indigné par l’insubordination dont Ghada Aoun, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, a fait preuve à l’égard des directives du procureur général de la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, le vice-président du Parlement, Élie Ferzli, n’a pas mâché ses mots hier, lors d’une conférence de presse organisée à l’Assemblée. Le député a invité le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui la convoque aujourd’hui, à « prendre les mesures qui s’imposent », sinon, a-t-il menacé, la Chambre des députés « formera une commission spéciale, dotée de pouvoirs judiciaires, et se chargera de le faire ». Le député redoute que « l’acte d’insubordination » de Mme Aoun soit le fer de lance d’une forme de « coup d’État » ou d’une « opération de dissolution délibérée du corps judiciaire, tout à fait comme ce qui se passe au niveau de toutes les institutions ». Si le mouvement apparu dans le corps judiciaire n’est pas jugulé, a insisté M. Ferzli, « la destruction des institutions va commencer et ne plus finir, et le pays se diviser en communautés et tribus ». Le vice-président du Parlement a, dans ce contexte, dénoncé « un acte sans précédent, même durant la période de la guerre civile ».
« Je répète que si le pouvoir judiciaire prend la décision qu’il faut à ce sujet, je me considérerai satisfait », a ajouté Élie Ferzli, tout en affirmant que ce « pouvoir indépendant » ne pourra véritablement jouir d’une indépendance qu’après le vote de la loi sur l’indépendance de la magistrature, attendu durant la seconde moitié du mois de juin.
La veille, dans une autre déclaration pour le moins étonnante, M. Ferzli avait estimé que « la solution idéale, c’est que l’armée prenne le pouvoir pour une période transitoire », afin de « préparer le pays à l’organisation d’élections parlementaires, en vue de reconstituer le pouvoir sur de nouvelles bases ». Un appel auquel le conseiller du président Michel Aoun Salim Jreissati n’a pas tardé à répliquer. « Notre armée n’est pas l’armée d’un régime, mais celle d’une légalité constitutionnelle, et notre Constitution ne sera pas suspendue à chaque virage dangereux de notre vie publique, a-t-il martelé. Le président de la République restera en fonction jusqu’à la fin de son mandat, chef de l’État et symbole de l’unité de la patrie. Et nous n’exagérerons pas en affirmant qu’il restera à nos yeux la colonne sur laquelle nous nous appuyons, même si d’autres colonnes cèdent (…). Notre attachement à la constitutionnalité des institutions interdira tout chaos. »
M. Ferzli a par ailleurs affirmé hier qu’il soupçonne « une partie », qu’il n’a pas nommée, de « pousser à la guerre civile ». « Mais nous l’avons à l’œil », a-t-il ajouté. « L’heure vient, a-t-il promis, où je me tiendrai publiquement devant l’opinion pour lui parler des causes de cette dissolution (du corps judiciaire), de ses objectifs, de ses motivations cachées et de ce que cherche celui qui la provoque. » « Ce qui me retient de le faire tout de suite, a-t-il ajouté, c’est la volonté de découvrir tous les mobiles de ce coup porté à l’État et aux institutions. »
Geagea : « On veut détruire la justice »
Quant au leader des Forces libanaises, Samir Geagea, il a pour sa part accusé le pouvoir en place de vouloir détruire la justice au Liban. « Ce pouvoir enregistre des succès quotidiens dans la généralisation des échecs et des catastrophes. Son dernier succès en date est la destruction du pouvoir judiciaire au Liban », a estimé M. Geagea dans un communiqué, accusant le chef de l’État, Michel Aoun, d’essayer de « se poser en champion de la lutte contre la corruption, alors qu’il fait partie des personnes les plus accusées d’être corrompues, comme le prouvent les sanctions américaines » contre son gendre Gebran Bassil. « Comment un citoyen libanais ou un pays étranger peut-il avoir confiance dans le Liban après tout ce qui s’est passé ces derniers jours ? » s’est-il encore interrogé. « Ce pouvoir détruit, sciemment ou non, toutes les institutions publiques et même privées du pays. C’est ce à quoi nous assistons chaque jour avec des preuves décisives. Nous ne sortirons de cet enfer qu’en en finissant de ce pouvoir », a-t-il estimé. « La seule façon d’en finir réside dans des élections législatives anticipées », a affirmé le leader des FL, répétant sa proposition phare de sortie de crise.
Jreissati assure que Michel Aoun restera en fonction jusqu’à la fin de son mandat. SI Aoun nous refait le même coup que sa première fuite de Baada, alors nous avons toutes les raisons d’espérer une deuxième et salutaire fuite. Que l’ambassadrice de France prépare la voiture diplomatique pour le mettre dans le coffre. Et Ferzli pronostique ou espère un coup d’état pour déboulonner Aoun. Quand les rats quittent le navire c’est qu’il y naufrage en vue. A qui le tour maintenant ? Si Aoun a la bonne idée de dissoudre l’assemblée avant son départ il a peut-être une chance de rentrer dans l’histoire.
00 h 30, le 21 avril 2021