Face à la tournure dangereuse qu’a pris le bras de fer judiciaire entre le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, et la procureure générale près la cour d’appel Ghada Aoun, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a tenu hier une réunion d’urgence au cours de laquelle il a convoqué Mme Aoun aujourd’hui à 10h, tout en décidant de rester en session ouverte.
C’est un hallucinant spectacle, ultramédiatisé qui plus est, qu’a offert, durant le week-end dernier, Ghada Aoun en perquisitionnant à deux reprises et dans une mise en scène sensationnelle les locaux de la société de change Mecattaf. La magistrate a ainsi eu recours vendredi à ses gardes de corps pour défoncer la porte de l’établissement, avant de recourir samedi à des serruriers pour accéder aux équipements informatiques renfermant des données. Étalé sur plusieurs heures, le spectacle était suivi dans la liesse et les encouragements d’une foule de partisans du Courant patriotique libre (CPL) dont Mme Aoun est proche.
Les descentes successives de la procureure sont l’expression de son refus de se conformer à la nouvelle répartition des tâches au sein du cour d’appel du Mont-Liban, décidée par Ghassan Oueidate qui l’avait dessaisie jeudi des dossiers liés aux crimes financiers pour les confier à l’avocat général Samer Lichaa. Parmi ces dossiers, une enquête pour blanchiment d’argent contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et le PDG de la banque SGBL, Antoun Sehnaoui. Mme Aoun s’était rendue dans ce cadre au siège de la société Mecattaf pour tenter d’y établir un audit financier.
Au-delà des perquisitions menées avec tambour et trompette par Mme Aoun, en dépit de l’interdiction qui lui avait été faite, certains posent la question de savoir si Ghassan Oueidate avait les prérogatives pour décider de dessaisir la procureure générale. Sur ce point, les avis sont partagés.
Pour le Dr Paul Morcos, président de la Fondation Justicia, en procédant à une nouvelle répartition des tâches au sein du cour d’appel, M. Oueidate a outrepassé ses prérogatives. « Selon le Code de procédure pénale, le procureur général près la Cour de cassation a une autorité sur tous les magistrats du ministère public et peut leur donner des orientations liées à la conduite de l’action publique. Toutefois, il n’a pas une autorité de subrogation et ne peut donc se substituer à eux dans leurs fonctions », soutient-il. « Chaque procureur préside le parquet dont il a la charge, et il distribue donc seul les tâches aux avocats généraux collaborant avec lui », indique-t-il, notant que « M. Oueidate a pris des mesures qui ont pour effet d’arrêter le travail de Mme Aoun, outrepassant ainsi ses prérogatives ». Un avis que ne partage toutefois pas l’ancien procureur général près la Cour de cassation, Hatem Madi. « La loi donne au procureur général près la Cour de cassation la charge d’attribuer aux procureurs des cours d’appel la prérogative de distribuer les tâches au sein de leur instance. Lorsqu’il juge que cette distribution devient inadéquate, il peut la modifier », affirme le magistrat. Mais pour le Dr Morcos, « le procureur près la Cour de cassation peut recourir à d’autres moyens, comme “des instructions orales ou écrites” ». Il peut ainsi adresser des avertissements au magistrat pour un manquement à ses obligations professionnelles. Hatem Madi suppose, quant à lui, que « M. Oueidate a adressé verbalement et à plusieurs reprises ses reproches à Mme Aoun », soulignant que les remarques orales d’un procureur de cassation sont fréquentes. Ghada Aoun fait en effet régulièrement la une des informations en raison de déclarations ou de méthodes discutables.
Arrangement ?
Un autre moyen que Ghassan Oueidate pourrait encore utiliser est de déférer la procureure devant l’Inspection judiciaire, suggère Paul Morcos. On ne sait pas si cette solution a été envisagée hier lors de la réunion du CSM, ou si l’on se dirige plutôt vers un arrangement dans le cas où Mme Aoun accepterait de céder le dossier à son confrère, Samer Lichaa. Par ailleurs, M. Oueidate a demandé hier au procureur financier, Ali Ibrahim, d’engager des poursuites à l’encontre de la société Mecattaf qu’il soupçonne de « violer les lois régissant les sociétés de transport de fonds ». Selon Paul Morcos, cette démarche du procureur général près la Cour de cassation pourrait signifier que l’action publique enclenchée par Ghada Aoun dans l’affaire Salamé-Sehnaoui se poursuivra indépendamment du dessaisissement de la juge.
Dans le cas où le service d’Inspection judiciaire était saisi, il pourrait classer sans suite le dossier après enquête. S’il retient un grief contre la magistrate, il pourra lui adresser un avertissement ou, le cas échéant, la déférer devant le conseil de discipline. Dans ce cas, il peut proposer à la ministre de la Justice de suspendre le travail de la juge Aoun en attendant la décision du conseil de discipline. Dans un cas extrême, un magistrat ainsi mis en cause peut être démis de ses fonctions sans même recevoir d’indemnités.
L’Inspection judiciaire peut également proposer au CSM de prendre des mesures à l’encontre de Mme Aoun. La loi sur l’organisation judiciaire donne à cette instance le pouvoir exceptionnel de décréter qu’un juge n’est pas capable d’assurer sa mission et décider ainsi de le démettre. Une telle décision, qui doit être motivée, requiert une majorité de 8 sur les 10 membres que compte normalement le CSM. Une majorité difficile à obtenir, d’autant que le CSM ne se compose actuellement que de 8 membres, un juge ayant pris sa retraite et l’autre ayant été expulsé du corps de la magistrature. Paul Morcos estime qu’« il est très peu probable que le CSM prenne une telle option qui va à l’encontre du droit à la défense ». « Lors de son audition par le CSM, le juge n’a pas droit à un procès, et n’est pas accompagné d’un avocat. Il ne dispose que d’un recours devant le Conseil d’État pour contester la décision », poursuit-il.
En revanche, une autre option s’offre à M. Oueidate, selon le fondateur de Justicia. « Il peut intenter devant les tribunaux pénaux une action contre Mme Aoun pour infraction commise dans le cadre de ses fonctions, ou pour usurpation d’autorité ».
Des informations ont circulé hier selon lesquelles c’est Mme Aoun qui entendrait intenter une action contre M. Oueidate, jugeant sa décision de répartition des tâches illégale.
Un pas manquant
Lancée par la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, à l’issue de sa réunion d’urgence organisée samedi avec Bourkan Saad, président de l’Inspection judiciaire, et Souheil Abboud, président du CSM, et Ghassan Oueidate, sa proposition de déférer à l’Inspection judiciaire tout le dossier opposant les deux magistrats, laisse à penser qu’elle chercherait à savoir aussi si la décision du procureur général est légale ou pas. Elle aurait d’ailleurs provoqué un malaise chez MM. Oueidate et Abboud. Signe probable du malaise, ceux-ci ont boycotté hier une réunion à caractère sécuritaire avec Mme Najm, au cours de laquelle ils devaient discuter, avec la participation de responsables de la police judiciaire et des bâtonniers de Beyrouth et de Tripoli, des questions liées aux droits de l’homme dans les enquêtes préliminaires.Le boycott exercé par ces deux responsables en dit long sur leurs rapports avec la ministre.
Un ancien président du CSM déplore via L’OLJ « un manque d’harmonie et de coordination » entre eux, soulignant que « cette faille empêche la bonne marche de la justice et porte atteinte à son prestige ». « Une situation qui, observe-t-il, va à l’encontre des intérêts des justiciables et du pouvoir judiciaire ».L’ancien procureur Hatem Madi estime que Mme Najm « a eu une mauvaise approche en demandant le transfert du dossier à l’Inspection judiciaire », parce que, pointe-t-il, les magistrats concernés sont « un juge et son supérieur hiérarchique ». « Quoi qu’il en soit, il ne revient pas à l’Inspection judiciaire de statuer sur les décisions d’un procureur général près la Cour de cassation. Celui-ci a été nommé par le Conseil des ministres à qui revient le cas échéant le pouvoir de le démettre », ajoute-t-il.
Puisque la juge Aoun a juge d agir comme bon lui semble pour le bien du peuple .ca serait bien de lui suggerer d aller faire un tour a "kard el hassan " , cette institution financiere avec ses mulitples branches , ses atm qui delivrent des billets de banque americains (abat l imperialisme americain) ses deposants et ses prets personnels .cette institution est totalement independante et en dehors du circuit financier national. rien a redire tout est en regle je suppose.
21 h 00, le 20 avril 2021