
Membre du bloc parlementaire du CPL, le député Ibrahim Kanaan fait partie des personnalités engagées dans les tractations autour de la composition du cabinet. Photo ANI
Interprété comme un feu vert implicite à la formation d’un gouvernement, le discours mercredi du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, reste l’un des rouages d’une machine politique qui tourne à plein régime depuis quelques jours pour dégager une formule gouvernementale pouvant servir de base à une reprise des pourparlers entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri.
« Le pays est à bout de souffle et n’a plus le luxe du temps. Il est grand temps de mettre de côté les attentes et les divergences et de se lancer dans une sérieuse tentative de sortir le pays de l’impasse actuelle (…). Les efforts collectifs et sérieux déployés récemment se poursuivront dans les jours à venir en vue de surmonter les obstacles qui continuent d’entraver la formation du gouvernement », avait déclaré le leader chiite, moins de quinze jours seulement après un premier discours sur le même sujet, au ton plus dur et plus tranché cependant. Dans ce discours, Hassan Nasrallah avait pris le contre-pied de la politique suivie par son allié Amal, favorable à l’instar de Saad Hariri à un cabinet de technocrates sans tiers de blocage, et s’était résolument rangé du côté du camp présidentiel, en réclamant soit la mise en place d’un cabinet techno-politique, soit une réactivation du gouvernement démissionnaire de Hassane Diab.
Ce changement intervenu tant au niveau du ton que du contenu du discours du parti pro-iranien a ouvert la voie à diverses interprétations qui convergent toutes sur un hypothétique déblocage de la crise gouvernementale. Un changement qui s’explique, selon des sources concordantes, par deux facteurs principaux : des pressions occidentales, notamment françaises, accrues sur les dirigeants libanais et une stratégie iranienne nuancée à l’égard du pays, les deux pouvant représenter la partie apparente d’une dynamique internationale engagée en amont autour du dossier libanais.
Il y a quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait eu des entretiens téléphoniques avec les trois pôles du pouvoir qu’il avait pressés de mettre en place un gouvernement, en dénonçant par la suite « une obstruction délibérée », qu’il a attribuée implicitement au camp présidentiel. Parallèlement, des contacts étaient menés discrètement par Paris avec le Hezbollah, afin de l’encourager à s’associer aux efforts menés par Nabih Berry en prévision d’une sortie de crise. Si dans les milieux proches de la formation chiite, on n’a pas voulu donner de précisions à ce sujet, on a cependant reconnu que « les contacts avec les Français ne se sont jamais interrompus ».
Une autre explication, développée notamment dans les milieux hostiles au Hezbollah, veut que l’Iran, importuné par le forcing diplomatique franco-américano-saoudien au sujet du Liban, cherche à lui barrer la voie à travers son allié local, qu’il aurait encouragé à s’associer à la dynamique locale de règlement. Dans ces milieux, on se réfère pour étayer cette hypothèse au récent tweet d’un adjoint du président du Parlement iranien pour les Affaires internationales, Hussein Amir Abdel Lahyan, qui tout en critiquant l’action de Washington, Paris et Riyad en faveur du Liban, a mis en avant un nouveau triptyque, résistance-armée-gouvernement, à la place du traditionnel peuple-armée-résistance, répété régulièrement par le Hezbollah.
Un coup d’accélérateur
L’Iran, incapable de faire front à l’alliance arabo-occidentale en faveur du Liban, pour des considérations qui lui sont propres et qui seraient notamment en lien avec des négociations futures sur le nucléaire, faciliterait la mise en place d’un cabinet du moment que le camp qui lui est proche y détient la majorité, estime-t-on dans ces mêmes milieux, où l’on avance un troisième motif au changement de tactique du Hezbollah : le souci de ce parti de préserver la cohésion de la rue chiite, qui avait donné des signes de divisions à la faveur des derniers mouvements de protestations d’envergure, le public d’Amal ayant ouvertement manifesté son hostilité au camp politique du chef de l’État.
Quoi qu’il en soit, de sources proches du parti chiite, on fait état d’un « climat favorable » à la formation d’une nouvelle équipe ministérielle « pour peu que Baabda et la Maison du Centre parviennent à surmonter leurs divergences » et, plus particulièrement, leur méfiance l’un à l’égard de l’autre. Sans vouloir entrer dans les détails des tractations en cours, on indique que « le pays n’est plus en état de supporter le poids de querelles politiques qui n’ont rien à voir avec les soucis directs de la population ».
Tous ces facteurs ont permis à Nabih Berry de donner un coup d’accélérateur aux contacts politiques qu’il avait engagés avec la bénédiction de Bkerké et l’aide du chef druze Walid Joumblatt, pour parvenir à une formule de règlement qui tiendrait compte des exigences de Michel Aoun et de Saad Hariri. Il s’agit comme on le sait d’une formule qui s’articule autour d’une mouture de 24 ministres, 8 pour chaque camp politique, constituée de candidats non partisans. Saad Hariri, qui s’accrochait à une formule de 18, aurait fini par donner son accord à celle des 24 au sein de laquelle ni lui ni le président n’auront la majorité. Michel Aoun semble aussi avoir renoncé à la minorité de blocage qu’il essayait d’obtenir dans une formule de 18.
Selon diverses sources concordantes, Nabih Berry s’emploie à peaufiner avec la précision d’un horloger la mouture qui devrait être présentée au président et au Premier ministre désigné. Celle-ci doit principalement proposer une solution à l’attribution du portefeuille de l’Intérieur, un des points de litige, et non des moindres, entre Michel Aoun et Saad Hariri. De sources proches du Hezbollah, on précise que « plusieurs parties œuvrent ensemble sur ce dossier ».
Reste une inconnue : la réaction du chef du Courant patriotique libre à une solution de compromis. Gebran Bassil, dont l’empreinte est discernable dans les tractations passées autour de la formation du gouvernement, facilitera-t-il la mise en place d’un gouvernement qui échappera à son contrôle au moment où il se considère « victime d’une tentative de liquidation politique » ?
Macron et MBS insistent sur la formation d’un « cabinet crédible »
Le président français Emmanuel Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane (MBS), qui se sont entretenus hier, partagent « la même volonté de voir se former un gouvernement crédible » au Liban pour sortir ce pays de la crise, a indiqué la présidence française.
Les deux dirigeants, qui suivent de près la situation libanaise, jugent indispensable qu’un gouvernement « capable de mettre en œuvre la feuille de route de réformes nécessaires au relèvement du pays, sur laquelle se sont engagés les responsables politiques libanais », soit constitué, selon la présidence. Sa formation « reste la condition à la mobilisation d’une aide internationale à plus long terme », rappelle-t-elle.
Interprété comme un feu vert implicite à la formation d’un gouvernement, le discours mercredi du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, reste l’un des rouages d’une machine politique qui tourne à plein régime depuis quelques jours pour dégager une formule gouvernementale pouvant servir de base à une reprise des pourparlers entre le président Michel Aoun et le Premier...
commentaires (12)
Les partisans de Berri, très touchés par la crise, ne peuvent plus supporter le silence. Le risque est une division au niveau de la coalition chiite, si rien n'est fait pour résoudre la crise. Ceci oblige à prévenir à tout prix une quelconque division entre les 2 partis. Et par conséquent, ceci oblige à faire taire les récalcitrants à toute solution.
Esber
18 h 39, le 02 avril 2021