Le patriarche maronite, Béchara Raï, qui mène une médiation entre le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, pour obtenir la formation d'un gouvernement qui se fait attendre depuis août, a appelé mercredi les deux dirigeants à une "rencontre pour une réconciliation personnelle", alors que leurs contacts sont gelés depuis plusieurs semaines.
"Gouffre"
"A l'occasion de cette fête, je lance trois appels : le premier, au président de la République et au Premier ministre désigné, leur demandant de tenir une rencontre (...) pour une réconciliation personnelle. Une rencontre qui a pour but de sortir le pays du gouffre de l'effondrement, de former un gouvernement de sauvetage loin des tractations politiques et partisanes et du partage des parts", a plaidé le chef de l'Eglise maronite à l'occasion de la messe de l'Epiphanie célébrée au siège patriarcal de Bkerké. "Je demande à toutes les forces politiques concernées de faciliter cette formation", a ajouté Mgr Raï.
Dans ce contexte, le président du Parlement, Nabih Berry, s'est entretenu à Aïn el-Tiné avec l'ex-Premier ministre Fouad Siniora, haut cadre du Courant du Futur de M. Hariri. M. Siniora a appelé "tout le monde à dépasser les divergences et commencer par contribuer réellement à la formation d'un gouvernement de sauvetage (...)". "Le chef de l'Etat et le Premier ministre désigné ont deux choix : soit former un gouvernement qui satisfasse les politiques, et cela veut dire un gouvernement mort-né et stérile. Soit former un gouvernement répondant aux aspirations des jeunes Libanais qui réclament une nouvelle approche des problèmes", a estimé l'ancien Premier ministre, qui dénonce "tout jour de retard dans la formation du cabinet". Selon lui, ceux qui sont responsables de ce retard sont "en premier le chef de l'Etat car il est chargé de sauvegarder la Constitution". "Il doit se comporter comme président de la République et non comme président du Courant patriotique libre", la formation fondée par Michel Aoun et dirigée actuellement par son gendre Gebran Bassil.
Le Premier ministre Hassane Diab avait démissionné le 10 août 2020, six jours après la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth. Moustapha Adib avait été désigné pour lui succéder, mais il avait finalement jeté l'éponge faute d'avoir pu mettre sur pied une équipe. Saad Hariri a été nommé le 22 octobre dernier afin de constituer un gouvernement de "mission" formé d'"experts", dans l'esprit de la feuille de route annoncée le 1er septembre à Beyrouth par le président français, Emmanuel Macron. Mais les tiraillements politiques entre le président Aoun et son camp d'un côté, et Saad Hariri de l'autre, autour de la répartition des postes ministériels, bloquent toujours cette formation. Certains observateurs évoquent également les circonstances régionales, voire internationales, pour expliquer ce retard.
En attendant le retour au Liban de Saad Hariri, actuellement à l'étranger dans le cadre d'une visite familiale, la querelle entre sa formation, le Courant du Futur, et celle de Gebran Bassil, le Courant patriotique libre fondé par le président Aoun, a repris de plus belle mardi. Les députés aounistes ont appelé M. Hariri à "rentrer de voyage afin de faire ce que l’on attend de lui", à savoir composer son équipe ministérielle, et à ne pas "inventer des obstacles internes pour cacher les vraies raisons du retard dans le processus". La réponse de Saad Hariri aux accusations aounistes ne s’est pas fait attendre, celui-ci accusant le CPL de faire assumer aux autres le blocage dont il est, selon lui, responsable. Hier également, le directeur de la Sûreté générale, qui joue lui aussi les médiateurs pour faciliter la formation du gouvernement, a assuré que les efforts du patriarche Raï n'ont pas échoué, et que celui-ci allait reprendre les contacts avec les parties concernées dans les prochains jours.
Appels aux hôpitaux privés et aux banques
Sur un autre plan, le patriarche Raï a appelé les hôpitaux privés à accueillir les patients atteints de coronavirus, alors que nombre de ces établissements se refusent encore à le faire, invoquant notamment les retards de paiements de la part de l'Etat. "Mon deuxième appel va aux hôpitaux privés, pour qu'ils mettent en place assez de chambres et d'ailes afin d'accueillir nos frères et soeurs atteints du coronavirus. C'est de la sorte que l'on limite la propagation de ce virus mortel et que l'on protège la société", a estimé le prélat. "Je comprends les souffrances financières de ces hôpitaux et le retard de l'Etat à les payer, mais je compte sur la providence divine qui sait comment régler cela", a-t-il ajouté. Alors que le pays s'apprête à débuter jeudi un quatrième confinement, de 25 jours cette fois, Mgr Raï a appelé les citoyens à "respecter les consignes et à protéger leurs proches". Le nombre de contaminations quotidiennes ne cesse d'atteindre de nouveaux records après la période des fêtes qui a vu un grand relâchement de la population combiné au laxisme des autorités, alors que le secteur hospitalier est à saturation.
Le patriarche maronite a enfin lancé un "troisième appel" aux banques afin qu'elles appliquent la loi sur le dollar étudiant, un texte censé autoriser les proches des jeunes effectuant leurs études à l'étranger à leur envoyer un maximum de 10.000 dollars au taux officiel de 1.515 livres libanaises pour un dollar, alors que la monnaie nationale est en chute libre et que le billet vert s'échange autour de 8.500 LL sur le marché noir. La Banque du Liban rechigne encore à faire appliquer ce texte, au grand dam des parents, et malgré une loi votée récemment en ce sens par le Parlement.
commentaires (7)
Hariri bloque pour s'acheter une virginité auprès des saoudiens qui ne veulent pas de gouvernement au Liban. Hariri doit partir. Une faute macronienne fait qu'il a été repêché. La preuve par 1000 qu'il n'y a rien à attendre de ce Monsieur aux échecs retentissants depuis son arrivée au Liban.
Guy de Saint-Cyr
18 h 42, le 07 janvier 2021