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Politique - Crise politique

Raï se réapproprie les thèses souverainistes du 14 Mars

Le prélat maronite promet de poursuivre ses efforts pour accélérer la formation du gouvernement.

Raï se réapproprie les thèses souverainistes du 14 Mars

Le patriarche Raï présidant la messe à Bkerké, hier. Photo ANI

Le patriarche maronite Béchara Raï n’en démord pas. Après avoir décidé de partir ouvertement en guerre contre la classe dirigeante, plus question pour lui de faire marche arrière. Loin de là, sa diatribe contre le pouvoir en place ne cesse de prendre de nouvelles dimensions.

De par la position de Bkerké sur l’échiquier politique et national, le chef de l’Église maronite a longtemps veillé à ne pas franchir certaines lignes rouges, dans une volonté manifeste de rester à l’écart de toutes les querelles relevant de la politique politicienne, et de se maintenir à égale distance de tous les camps politiques.

Sauf qu’avec le nouvel échec, survenu juste avant Noël, à former une nouvelle équipe ministérielle, Mgr Raï semble résolu à adopter un discours à dominante souverainiste et nommer les choses par leur nom. Une façon pour lui de mettre les responsables de l’impasse actuelle au pied du mur, notamment le Hezbollah, mais aussi le président de la République Michel Aoun et son camp. Ce dernier avait d’ailleurs été la cible privilégiée du patriarche lors de ses messages de Noël, même si, dans la forme, il tançait tous les protagonistes.

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C’est donc une homélie particulièrement incendiaire que Béchara Raï a prononcée hier, exprimant à nouveau son ras-le-bol face à l’impasse actuelle. Le dignitaire maronite n’a pas hésité à comparer la classe politique au roi Hérode qui régnait au temps du Christ et qui était connu pour sa cruauté. Il a ouvertement accusé les responsables de « fermer les yeux sur la misère de notre peuple ». « Ils ont peur pour leurs postes et appauvrissent notre jeunesse, la forçant à émigrer, et poussent à l’échec ceux qui restent dans le pays, tout en maintenant leur emprise sur le pouvoir », a-t-il déploré. Le patriarche maronite convergeait ainsi une nouvelle fois avec le mouvement de contestation, qui accuse la classe dirigeante de se noyer dans les futiles querelles aux dépens du peuple et de son bien-être. Il plaide donc pour un changement devenu nécessaire au niveau de la caste politique. Une demande que le patriarche maronite avait ouvertement soutenue, lors de ses messages de Noël.

Mais c’est naturellement au niveau de la formation du futur cabinet que la colère de Mgr Raï se fait surtout sentir. D’autant qu’il était personnellement intervenu pour accélérer le processus et s’attendait à ce que les protagonistes concernés tiennent leurs promesses selon lesquelles une « formule » gouvernementale pourrait voir le jour avant Noël. Des espoirs sur lesquels le Premier ministre désigné, Saad Hariri, avait lui aussi parié à l’issue de son entretien mardi dernier avec le président Aoun. Mais 24 heures plus tard, ces espoirs ont été complètement douchés, avec le déclenchement d’un nouveau round de la traditionnelle querelle entre Baabda et la Maison du Centre, autour de la répartition des portefeuilles, doublée d’un bras de fer portant sur les ministères de l’Intérieur et de la Justice. « Lors de leur dernier entretien mercredi, MM. Aoun et Hariri avaient divergé sur le partage des portefeuilles entre les communautés religieuses. Le Premier ministre désigné a promis d’examiner le problème et de s’entretenir avec le président de la République après les fêtes de fin d’année », explique un proche de Baabda à L’Orient-Le Jour.

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Quoi qu’il en soit, le patriarche maronite s’en est pris hier à tous ceux qu’il estime responsables de ce blocage, quels que soient les motifs de leur démarche. « J’avertis tous ceux qui font obstacle de près ou de loin à la formation du gouvernement, qu’ils portent la responsabilité du blocage de toutes les institutions constitutionnelles, les unes après les autres », a-t-il affirmé. Allant encore plus loin, Béchara Raï a déclaré sans ambages : « Quant à ceux qui parient sur la chute de l’État, faites-leur savoir que cette chute ne leur profitera pas et ne leur donnera pas la possibilité d’arracher le pouvoir, parce que la victoire les uns sur les autres est impossible à tous les égards, et parce que le peuple libanais n’accepte pas l’édification d’un État qui ne lui ressemble pas et ne ressemble pas à son identité, son histoire et sa société. »

Le chef de l’Église maronite lançait ainsi une pique en direction du Hezbollah, accusé de bloquer le bon fonctionnement des institutions officielles, pour des motifs liés à l’agenda iranien dans la région, et qui irait, selon les détracteurs du parti chiite, à l’encontre des intérêts du Liban. Cette prise de position du patriarche rappelle de loin le discours souverainiste de l’ex-14 Mars, principalement axé sur la défense des intérêts des Libanais, face aux tentatives de noyer le pays dans les conflits des axes régionaux. Perçue sous cet angle, cette diatribe de Mgr Raï contre le parti chiite s’inscrit dans la continuité de la bataille qu’il mène sans relâche pour consacrer la neutralité du Liban, une notion à laquelle ni le chef de l’État ni le Hezbollah n’adhèrent, du moins pour le moment.

« L’allié est celui qui fait le bien »

S’il a longtemps veillé à garder la personne du président Aoun à l’écart du bras de fer l’opposant à ceux qui entravent la formation du cabinet, le chef de l’Église maronite semble avoir rompu avec cette pratique, en décochant ses flèches en direction du chef de l’État, au même titre que ses alliés locaux. « Si seulement les hauts responsables pouvaient rappeler leur conscience, évaluer leurs positions et choix et en tirer les leçons et les décisions pour le sauvetage du pays. Ils récupéreraient ainsi la décision souveraine confisquée, mettant un terme à tous ceux qui lient le destin du Liban à celui d’autres pays », a-t-il lancé. Et d’ajouter : « L’allié est celui qui fait le bien et non celui qui entrave l’autre et perturbe les institutions, les autorités et les décisions. » Il s’agit là d’une claire critique adressée au chef de l’État.

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Allié de longue date au Hezbollah, Michel Aoun est accusé d’approuver implicitement la volonté du parti chiite de retarder la mise en place du cabinet, en attendant plusieurs événements mondiaux, notamment le début du mandat du démocrate américain Joe Biden à la Maison-Blanche, le 20 janvier prochain. Un obstacle qui s’ajoute à la lutte que mène le tandem Baabda-CPL aux côtés du parti chiite pour obtenir le tiers de blocage au sein de la future équipe, censée être formée exclusivement de spécialistes, comme le veut l’initiative française et Saad Hariri.

Face à cette impasse, et en dépit de l’échec de sa dernière tentative d’accélérer les négociations, le dignitaire maronite ne restera pas les bras croisés. Il compte poursuivre ses efforts. « Nous travaillerons à nouveau avec les responsables pour relancer le processus de formation du gouvernement », a promis Mgr Raï. « Sauver le Liban politiquement, économiquement et financièrement est encore possible si un gouvernement est formé, incluant des personnalités qui inspirent confiance en leurs compétences, leur réputation et leur indépendance, plutôt que des personnes qui provoqueraient l’opinion publique et choqueraient la communauté internationale », a-t-il affirmé. Encore une convergence avec la position de Saad Hariri, qui se dit déterminé à former une équipe conforme à l’esprit de l’initiative française en faveur du Liban.

Le patriarche maronite Béchara Raï n’en démord pas. Après avoir décidé de partir ouvertement en guerre contre la classe dirigeante, plus question pour lui de faire marche arrière. Loin de là, sa diatribe contre le pouvoir en place ne cesse de prendre de nouvelles dimensions. De par la position de Bkerké sur l’échiquier politique et national, le chef de l’Église maronite a...

commentaires (3)

Monseigneur Raï devrait faire pression sur Hariri pour qu’il revoit sa copie en matière de monture. Cette dernière devrait être vierge de toute participation partisane pour clore le sujet et débloquer la situation. Ainsi aucun des politichiens comme dirait l’autre n’aurait à redire et le sujet sera clos. On ne peut pas espérer un gouvernement boiteux qui, même formé et en place se verra empêché par les ministres vendus au sein du pouvoir pour accomplir la sale besogne qui consiste à bloquer ad aeternam pour achever le pays. Tant que HB aura ses ministères à la carte et choisira ses ministres rien ne se fera. Quant à Hariri, s’il ne l’a pas encore compris il n’arrivera pas à former un gouvernement et il vaudrait mieux qu’il rende son tablier et qu’il change de métier. Ça rendra le,plus grand service au pays et à ses citoyens.

Sissi zayyat

11 h 06, le 28 décembre 2020

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Commentaires (3)

  • Monseigneur Raï devrait faire pression sur Hariri pour qu’il revoit sa copie en matière de monture. Cette dernière devrait être vierge de toute participation partisane pour clore le sujet et débloquer la situation. Ainsi aucun des politichiens comme dirait l’autre n’aurait à redire et le sujet sera clos. On ne peut pas espérer un gouvernement boiteux qui, même formé et en place se verra empêché par les ministres vendus au sein du pouvoir pour accomplir la sale besogne qui consiste à bloquer ad aeternam pour achever le pays. Tant que HB aura ses ministères à la carte et choisira ses ministres rien ne se fera. Quant à Hariri, s’il ne l’a pas encore compris il n’arrivera pas à former un gouvernement et il vaudrait mieux qu’il rende son tablier et qu’il change de métier. Ça rendra le,plus grand service au pays et à ses citoyens.

    Sissi zayyat

    11 h 06, le 28 décembre 2020

  • Temeraire fut le fol espoir du patriarche Hoyek. quant a G Naccache,lui a omis conclure/alerter qu'il s'agissait non pas de 2 Negations mais de 5 ou 6 Negations,qui rendraient l'edification d'une nation d'autant plus impossible . ceci n'en rend la solution de notre probleme que plus difficile a trouver, essentiellement parce qu'il semblerait que nous devions vivre avec, vaille que vaille.

    Gaby SIOUFI

    09 h 40, le 28 décembre 2020

  • Quand vous constatez dans votre corbeille de fruits quelques pièces complètement pourries, mieux vaut les jeter rapidement avant qu'elles ne contaminent les autres fruits. Chez nous au Liban, ce ne sont pas les beaux fruits qui manquent ! - Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 07, le 28 décembre 2020

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