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Politique - En toute liberté

Défendre le vivre-ensemble, c’est défendre le Liban

Défendre le vivre-ensemble, c’est défendre le Liban

Le cardinal Pietro Parolin en visite à Beyrouth après l'explosion du port, le 4 août 2020. Le numéro deux du Vatican est entouré du Nonce apostolique Joseph Spiteri et de l'archevêque maronite de Beyrouth , Boulos Abdel Sater (d à g). L'attachement au "Liban message" de fraternité humaine Jean-Paul II, s'est transmis, intact, aux papes Benoît XVI et François. Archives L'Orient-Le Jour.

Unies par un vouloir-vivre ensemble qui a donné naissance à l’État libanais, les différentes communautés libanaises qui ont chacune sa tradition et ses références politiques et culturelles – références qui vont pour certaines jusqu’à l’allégeance, cherchent aujourd’hui un nouveau partage du pouvoir au sein de l’État, jugeant que l’ancienne formule est désormais obsolète.

Mais cette recherche n’est pas franchement déclarée et, partant, n’est pas organisée. Les « conférences de dialogue national » ont tenté de lui donner une forme, mais aucune n’a encore été jusqu’au bout de sa finalité et l’on parle toujours d’une Constituante, dont on impute principalement la volonté à la communauté chiite, qui se considère défavorisée au niveau des institutions que se sont partagées les communautés maronite et sunnite. La recherche d’un nouvel équilibre s’est donc transformée en lutte tantôt sourde, tantôt ouverte, pour une part du pouvoir. Elle se manifeste clairement au moment de la formation des nouveaux gouvernements par la revendication d’une troisième signature exécutive par la communauté chiite, face aux deux signatures de la communauté maronite et de la communauté sunnite. Hélas, cette lutte en est venue à affecter le vouloir-vivre ensemble qui en est la base.

Dans un entretien avec Éric Plouvier (*), Paul Ricœur affirme que le vivre-ensemble est quelque chose de fragile qui « ne peut être l’objet d’une connaissance immédiate ; il ne se connaît pas lui-même ». Comme la marche, qui se prouve en marchant, le vouloir-vivre ensemble se décrit plus facilement qu’il ne se définit.

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Dans un entretien informel sur cette question accordé à L’OLJ, l’essayiste Mona Fayad s’est plue à en décrire certaines manifestations, affirmant que le vécu quotidien nous en donne tous les jours des signes. « Par exemple, précise-t-elle, il se manifeste dans les égards que l’on observe aux repas d’invitation, où un chrétien ne servirait pas d’alcool par respect pour un invité musulman (rigoriste), par respect pour cet interdit alimentaire prescrit par sa foi, et où un musulman insisterait pour que le chrétien en boive, pour ne pas le priver de ce à quoi il est habitué. »

« Ce renoncement réciproque est l’essence du vivre-ensemble, assure-t-elle. C’est en quelque sorte un don mutuel sous la forme d’un renoncement. » « Il en va ainsi dans la vie quotidienne, où nous acceptons des personnes différentes de nous comme elles sont, et non comme nous voulons qu’elles soient : le vivre-ensemble tient compte ainsi de l’identité composée de l’autre », ajoute Mme Fayad. « Au niveau du vécu et des habitudes sociales, ce vouloir-vivre ensemble se manifeste quand une famille musulmane donne un prénom “chrétien” à un nouveau-né – estimant que, ce faisant, elle trompe l’ange de la mort ; ou quand une musulmane visite pieds nus le couvent de Saint-Charbel, et une chrétienne parcourt pieds nus le sanctuaire de Sitt Zeinab (en Syrie). » « Notez, enchaîne-t-elle, combien de noms de famille se retrouvent dans toutes les communautés, les Fayad, les Husseini, les Chéhab, les Nasrallah; voyez comment il se manifeste aux fêtes, dans l’installation d’arbres de Noël, dans les invitations réciproques à consommer certaines pâtisseries à certaines fêtes ; dans le nombre grandissant de mariages mixtes qui, en général, s’avèrent durables. »

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Pour Mona Fayad, « le vivre-ensemble au Liban est le résultat d’un désir des chrétiens de vivre avec les musulmans, et vice-versa ». « Il y a même une impossibilité d’organiser leur vie indépendamment les uns des autres, insiste-t-elle, et souvent, la preuve de l’acceptation de l’autre se traduit par le soin le plus grand que l’on prend pour le lui montrer. René Girard a analysé cette crainte du même (qui fait naître la rivalité mimétique). Nous sommes parfois plus détendus en présence de l’autre, en raison même de notre différence. »

Aujourd’hui, la rivalité intercommunautaire pour le contrôle de la décision nationale, la méfiance qui s’est installée entre les communautés en raison du manque d’équité et de transparence, chacune soupçonnant l’autre d’accaparer les biens (médicaments, aides, vaccins, hôpitaux de campagne), ou les postes pour elle toute seule, le vouloir-vivre ensemble, qui est essentiellement à l’origine de ce pouvoir, selon Ricœur, paraît affaibli. Pourtant, c’est là le trésor que Jean-Paul II tient pour « un message » qu’il nous rend responsables de préserver coûte que coûte. Mais que faire pour le préserver ?

L’un des moyens les plus sûrs de le faire, c’est d’emboîter le pas au pape François et de se joindre à son effort pour semer de nouvelles semences de paix à l’horizon islamo-chrétien. Accompagnant la mondialisation économique et les liens planétaires que tissent les moyens de communication, le pape François tente de l’accompagner sur le plan spirituel, moral et social d’une pensée à la mesure des bouleversements qui se produisent. Dans sa récente encyclique « Frères de tous », il poursuit, sur le plan interreligieux, l’effort de rapprochement avec le monde sunnite entamé avec sa visite au Caire, puis la signature avec l’imam d’al-Azhar du document sur la Fraternité humaine signé à Abou Dhabi en 2019. Et pourquoi ces efforts de rapprochement interreligieux ne toucheraient pas la sphère chiite ? C’est vrai, il y a une dérive du Hezbollah, mais… Il faut parler au Hezbollah en esprit de douceur, et lui montrer ce dont il se prive – la liberté –, en poursuivant aveuglément une politique expansionniste destructrice pour le Liban pluraliste. C’est dans le prolongement de l’effort du chef de l’Église catholique pour dissocier le religieux de son instrumentalisation politique que les Églises au Liban pourraient faire avancer les choses, dans un effort parallèle pour devenir l’Église des Arabes dont rêvait en visionnaire le père Jean Corbon, au-delà du nombre de fidèles que compte chaque Église particulière, en cette époque de malheurs qui a réduit de moitié, au moins, le nombre des chrétiens d’Irak et de Syrie.Et comme le roi Salomon a fait venir le maître-artisan Hiram de Tyr pour lui couler en bronze les ornements du Temple de Jérusalem et lambrisser de madriers de cèdre ses murs et ses voûtes, ainsi pourrait-on emprunter à d’autres cultures religieuses ce en quoi elles excellent, nous les approprier et... vivre ensemble.

(*) in Philosophie, éthique et politique (Seuil)

Unies par un vouloir-vivre ensemble qui a donné naissance à l’État libanais, les différentes communautés libanaises qui ont chacune sa tradition et ses références politiques et culturelles – références qui vont pour certaines jusqu’à l’allégeance, cherchent aujourd’hui un nouveau partage du pouvoir au sein de l’État, jugeant que l’ancienne formule est désormais...
commentaires (10)

vivre ensemble il y a qu un moyen durable qui respecte la citoyentée de chacun ! c est déclaré le liban un pays laic civil , que des libanais , meme droite pour tous , que chacun garde sa religion pour lui , ca va etre difficile car depuis 100 ans que le liban existe on a essayer de formater les gents de la sorte pour servir l interret des gouvernants et des religieux de tout bord

youssef barada

20 h 20, le 27 décembre 2020

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Commentaires (10)

  • vivre ensemble il y a qu un moyen durable qui respecte la citoyentée de chacun ! c est déclaré le liban un pays laic civil , que des libanais , meme droite pour tous , que chacun garde sa religion pour lui , ca va etre difficile car depuis 100 ans que le liban existe on a essayer de formater les gents de la sorte pour servir l interret des gouvernants et des religieux de tout bord

    youssef barada

    20 h 20, le 27 décembre 2020

  • Le vivre ensemble semble bien fonctionner à la résidence, pardon, prison de roumieh...alors pourquoi pas plus grand!?

    Wlek Sanferlou

    21 h 46, le 25 décembre 2020

  • "C’est vrai, il y a une dérive du Hezbollah, mais… Il faut parler au Hezbollah en esprit de douceur, et lui montrer ce dont il se prive – la liberté –, en poursuivant aveuglément une politique expansionniste destructrice pour le Liban pluraliste" Mais c'est une blague qui suinte la mauvaise foi, cette phrase, dans un article par ailleurs de bonne facture. Ce n'est un secret pour personne que le chiisme actuel est infiniment plus porté sur le "vivre-ensemble" avec les chrétiens qu'une grande partie du monde sunnite (comparez la place des chrétiens en Iran vs l'AS); et que le Hezbollah a depuis les années 1990 fait plus d'effort pour se réconcilier avec la communauté chrétienne que tout autre groupe. C'est, parmi tous les musulmans, l'allié le plus fidèle des chrétiens. Ils ont sauvé le Liban du Daech, qui, eux, ne voulaient pas du "vivre-ensemble". Ce sont les ange-gardiens du christianisme moyen-oriental en général et libanais en particulier.

    Jean abou Fayez

    15 h 04, le 25 décembre 2020

  • """Les « conférences de dialogue national » ont tenté de lui donner une forme, mais aucune n’a encore été jusqu’au bout de sa finalité et l’on parle toujours d’une Constituante, dont on impute principalement la volonté à la communauté chiite, qui se considère défavorisée au niveau des institutions que se sont partagées les communautés maronite et sunnite.""" ''Vivre-ensemble'', c’est la plus grande escroquerie intellectuelle des temps anciens et modernes. Au Liban, nous sommes en guerre sans nom depuis 50 ans, et on ne trouve mieux pour nous mettre ensemble (il s’agit de combien de communautés confessionnelles) que d’un mariage non pas forcé, mais morganatique. Il s’agit d’une dhimitude, la mal nommée mais qui se porte bien, entre classe de seigneurs de guerre arabo-persans régnants et leur mainmise sur tous les rouages de l’Etat, et le reste des habitants qui tentent d’y survivre. Quand les "acquis de la guerre" se cristalliseront, et prenez donc acte, c’est cette caste politico-militaire qui va plaider le "vivre-ensemble", et parole d’un lecteur visionnaire. En attendant on parle d'u n certain "vivre- ensemble" le temps des alliances électorales. Tiens, tiens j’entends parfois les mêmes échos du vivre-ensemble chez nos voisins outre Nakoura. Selon eux, on peut "vivre-ensemble", oui mais, à la seule condition d’être majoritaire surtout en nombre. Bien entendu on est toujours en otage, et le jour où on sera libre, c’est qu’il est trop tard.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 14, le 24 décembre 2020

  • Je vis à Montréal depuis 1968 c’était la période dorée au Liban et à l’université les différentes religions se côtoyaient dans le respect et la tolérance Qu’est il donc arrivé ? Un modèle de tolérance qui a perdu son âme . À Montréal le clanisme est inexistant tous les libanais sont fiers de leur mère patrie Faut-il émigrer pour retourner aux sources et s’approprier sa fierté d’être libanais? À tous mes frères et sœurs libanais je vous souhaite des fêtes dans la paix la sérénité Et que la raison triomphe de l’obscurité.

    Paul SIDANI

    15 h 06, le 24 décembre 2020

  • À Montréal comme exemple de tolérance , Les libanais d’origine s’identifient comme libanais La référence religieuse ne s’applique pas C’est dommage que ce ne soit pas le cas dans la mère patrie Comme c’est étrange: faut il émigrer pour vivre sa libanité ? Les clanité cède le pas devant la nationalité d’origine Je vous souhaite un Noël paisible et serein dans un Liban qui retrouvera la raison et sa fierté Paul Sidani

    Paul SIDANI

    14 h 47, le 24 décembre 2020

  • Le vivre ensemble commence par la tolérance de l’autre et de ses croyances sans pour autant que cela empiète sur les droits de celui qui les tolère. L’exemple  le plus édifiant est celui de la diaspora libanaise qui vie en parfaite harmonie en dehors de ses frontières loin des représentants qui parasitent le vivre ensemble en s’accordant le rôle de protecteurs de leurs religions qu’elles qu’elles soient, dans le but de les diviser pour rester maîtres de leurs pensées et de leurs façons de pratiquer leur culte pour des intérêts personnels. Le jour où tous les libanais arriveront à se détacher de toutes ces vermines il n’y aura plus de menaces de guerre civile ni de divisions au sein du pays. Cela est valable aussi dans les autres pays où la situation n’est plus celle que les dirigeants politiques espéraient en naturalisant des étrangers sans discriminations religieuses en espérant que ces immigrés se fondent dans la masse en ayant comme croyance première leur nouvelle patrie qui leur a ouvert les portes de la liberté et des droits en leur inculquant le savoir pour les prémunir contre l’obscurantisme et le racisme primaire. C’est un travail de longue haleine et l’espoir reste le seul moteur de la vie. Alors espérons que cela arrive le plus tôt possible.

    Sissi zayyat

    13 h 11, le 24 décembre 2020

  • AOUN, LE GENDRE, LE BARBU ET LE BERRIOTE LES QUATRE PLAIES DU LIBAN.

    ECLAIR

    09 h 20, le 24 décembre 2020

  • Le Vatican: Too little., Too late my dear Francois

    Robert Moumdjian

    06 h 49, le 24 décembre 2020

  • Le vivre ensemble est la plus grande hypocrisie sur terre Il n a jamais fonctionné ,faut arrêter de se leurrer. . Le pluralisme est une erreur de la nature . Il n a jamais fonctionné nulle part que ça soit au liban en yougoslavie La Russie ou l Irlande .

    Robert Moumdjian

    06 h 47, le 24 décembre 2020

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