La vidéo circule largement sur les réseaux sociaux : trois hommes exhibent fièrement une centaine de perdrix tuées, placées sur les capots de deux voitures poussiéreuses. Les hommes ne cachent ni leur nom ni les plaques de leurs voitures. L’un d’eux s’amuse même à compter les oiseaux morts, étalés en parfaite symétrie sur les deux 4x4. Le lieu n’est pas précisé, mais il s’agit de toute évidence d’un jurd, un site en très haute altitude, où la végétation est particulièrement rare. C’est dans ces endroits reculés que l’on trouve généralement les perdrix, ce sont aussi ceux qui restent passablement inaccessibles à des forces de l’ordre débordées par bien d’autres problèmes dans le pays. Dans tous les cas, cette vidéo met en scène trois individus qui ne semblent pas craindre les agents de loi, et qui s’expriment d’une manière provocatrice.
La saison de chasse est ouverte depuis septembre, et elle s’annonce déjà meurtrière, malgré les multiples préoccupations du peuple libanais qui, on l’aurait cru, auraient dû reléguer de telles activités au second plan. « Nous constatons une multiplication de pareils carnages à l’encontre des oiseaux, domestiques ou migrateurs », déplore Roger Saad, chargé de communication de l’Association libanaise de conservation des oiseaux (ABCL).
Commentant la vidéo proprement dite, l’activiste note l’insouciance des trois individus. « Ils semblent ne craindre rien ni personne, souligne-t-il. D’une part, ils déclinent leur identité sans complexe, et fournissent des informations précises sur leurs véhicules. D’autre part, ils exhibent les oiseaux morts sur leurs voitures comme sur les réseaux sociaux. Ce faisant, ils enfreignent doublement la loi sur la chasse, et même triplement, puisque l’espèce d’oiseau qu’ils ont chassée, la perdrix, est protégée par la loi libanaise et internationale. De plus, le nombre – effrayant – de spécimens tués est dans tous les cas inacceptable et illégal (étant donné que la loi précise les espèces à chasser et le nombre de spécimens autorisé). Seul le lieu n’est pas précisé, mais il pourrait s’agir du jurd du Qaa ou de Boudaï, dans la Békaa. »
Roger Saad rappelle que la perdrix est un bel oiseau très caractéristique du Liban, souvent chanté par les poètes, le célèbre « hajal ». Comme beaucoup de volatiles, il se nourrit d’insectes, et la réduction de sa population a un impact sur l’ensemble de la biodiversité. Si cette chasse sans frein se poursuit, cette espèce pourrait bien se retrouver un jour sur la liste des espèces menacées, craint-il.
Des massacres à répétition
Et ce massacre est loin d’être le seul constaté cette année par l’association. L’activiste parle de deux cas de chasse abondante de bondrées apivores dans la région du Akkar, d’un pélican blessé qui a fini par succomber, de cigognes atteintes en plein vol, et même d’un carnage d’oiseaux migrateurs au lance-roquettes à Ouyoune el-Samak, à Denniyé…
« En tant qu’association, nous documentons ces cas et les transmettons aux Forces de sécurité intérieure, affirme Roger Saad. Dans la plupart des cas, les contrevenants sont arrêtés, ils doivent signer des engagements et ils sont déférés devant les juges. Mais dans le cas de cette dernière vidéo, il n’y a pas encore eu d’arrestations. »
L’activiste fait part de sa désapprobation face à l’action des autorités, même s’il reconnaît en revanche les efforts fournis par les forces de l’ordre. « J’aurais personnellement préféré que la saison de chasse ne soit pas ouverte cette année, dit-il. Il s’agit d’une année exceptionnelle sur tous les plans, les forces de l’ordre sont trop sollicitées partout et elles ne peuvent suivre de près les chasseurs contrevenants. Voilà pourquoi nous menons notre propre enquête pour les assister. »
Rappelons que plusieurs associations écologiques, dont le collectif du Mouvement écologique libanais, avaient suggéré que la chasse ne soit pas ouverte cette année, mais leur requête n’a pas été prise en considération par le Haut Comité de la chasse, présidé par le ministre de l’Environnement (voir L’OLJ du 3 octobre).
commentaires (9)
On ne sait plus dur qui cracher tellement les candidats dont nombreux!!! Ils peuvent être fiers de massacrer la nature et de réduire ce qui était un paradis en un dépôt d'ordures...humaines
Wlek Sanferlou
01 h 24, le 23 octobre 2020