Plus que vingt-quatre heures avant la date des consultations parlementaires contraignantes qui en principe doivent se tenir jeudi comme prévu à Baabda. Tout porte à croire que le chef du courant du Futur, Saad Hariri, sera désigné avec un premier décompte qui prévoit au moins une soixantaine de voix en sa faveur en attendant que les partis qui ne se sont pas encore prononcés dévoilent leur position. C’est ce qui fait dire à nombre d’analystes que la désignation de M. Hariri est déjà garantie. En soirée, on apprenait que le chef de l’État, Michel Aoun, doit délivrer aujourd’hui à 12h00 un message à l’intention des Libanais. Selon notre correspondante Hoda Chédid, ce sera une intervention inhabituelle et franche qui ne devrait pas torpiller la désignation (du Premier ministre) mais plutôt la conforter. Il n’y aura pas de report, assure notre correspondante. En attendant, les yeux sont déjà rivés sur la formation du gouvernement en tant que telle, une échéance qui constitue le nœud gordien par excellence, les formations politiques ayant repris du poil de la bête, exigeant de mettre la main à la pâte en réinstituant la pratique de la distribution des quotes-parts, à l’exception peut-être des Forces libanaises qui, d’emblée, se sont déclarées hors jeu.
Après avoir fait la promotion d’un gouvernement de spécialistes sous l’égide de l’initiative française, M. Hariri se retrouve ainsi acculé à revoir ses calculs à la baisse selon toute logique, notamment pour ce qui est de la représentation des partis politiques. Il devra donc marchander la marge de manœuvre qu’il sera prêt à consentir aux différents protagonistes au sein de l’équipe qu’il compte constituer.
Le chef du courant du Futur, qui continue d’entretenir le flou sur la nature du cabinet qu’il compte mettre en place, a fini par pousser Gebran Bassil à sortir de ses gonds. M. Bassil a ainsi fait savoir que son bloc ne nommera pas M. Hariri et qu’il ne modifiera en aucun cas sa position même après cette semaine supplémentaire que le président a décidé pour tenter d’améliorer la position du chef du CPL.
C’est ce qui fera dire à Ghassan Jawad, un analyste proche à la fois du CPL et du Hezbollah, que M. Bassil a placé la barre trop haut dans sa guerre déclarée contre M. Hariri. « Il lui sera très difficile de faire marche arrière », commente l’analyste. C’est pour tenter de le convaincre non pas de faire demi-tour, mais simplement de faire preuve d’un peu plus de flexibilité, que le Hezbollah multiplie les efforts de communication avec son partenaire chrétien. Par la même occasion, le parti chiite, dont la relation avec le CPL est en dents de scie depuis quelque temps, voudrait également tenter de combler les failles qui entachent leurs rapports, notamment depuis l’épisode houleux du tracé des frontières maritimes avec Israël et la tentative du CPL d’imposer, via la présidence de la République, un diplomate proche de sa formation pour les négociations à Naqoura.
Hier, l’information sur une rencontre qui aurait eu lieu entre le secrétaire général du Hezb Hassan Nasrallah et M. Bassil a fait le tour des salles de rédaction. Dans les milieux du parti chiite, on ne confirme pas l’information, mais on ne la dément pas non plus. Une source proche du parti affirme toutefois à L’OLJ que les contacts entre le CPL et la banlieue sud n’ont jamais été interrompus. Le Hezbollah, qui souhaite que le processus de désignation du Premier ministre puisse être finalisé demain jeudi, fait de son mieux par ailleurs pour ne pas en arriver à un point de non-retour dans sa relation avec M. Bassil, ajoute cette la source.
Les options du CPL
C’est demain, en tout cas, que le CPL tranchera pour ce qui est de l’attitude à adopter le jour des consultations. Pointés du doigt comme étant les nouveaux obstructionnistes, les aounistes se défendent en accusant M. Hariri d’avoir bluffé et de dire une chose en signifiant son contraire. Ils lui reprochent entre autres de faire planer des zones d’ombre sur la nature du cabinet. « Notre déduction est que M. Hariri se dirige vers la formation d’un gouvernement techno-politique sans l’avouer. Il a tout simplement usurpé la formule de Nagib Mikati (un gouvernement formé de spécialistes et de six figures politiques) pour noyer le poisson et tromper l’opinion », commente le député Eddy Maalouf (Metn) pour L’Orient-Le Jour.
À la veille des consultations, différentes options s’offrent donc aux députés du courant aouniste, dont celle de mettre leur voix à la disposition du chef de l’État pour qu’il fasse son choix en leur nom, une éventualité dont le bloc du « Liban fort » avait discuté la semaine dernière lors de sa réunion hebdomadaire.
Ce scénario rappelle celui de 1998 lorsque les députés prosyriens avaient « endossé » leurs voix au président Émile Lahoud pour qu’il en dispose comme il l’entend lors des consultations parlementaires. Une entourloupe que l’ex-Premier ministre de l’époque, Rafic Hariri, qui était candidat, avait refusée du fait qu’elle était anticonstitutionnelle, se désistant ainsi en faveur de son concurrent, Salim Hoss. En toute logique, Saad Hariri devrait rejeter un tel transfert.
« Saad Hariri, dont la légitimité au sein de sa communauté est déjà écornée, ne peut accepter ce que son père avait refusé », commente M. Jawad qui se dit convaincu que cette formule, si elle devait être adoptée par le CPL, constitue un « problème en puissance » qui envenimera un climat assez électrifié. Sauf que, à l’inverse de la situation dans laquelle se trouvait son père, Saad Hariri pourra refuser les voix des aounistes confiées au président, parce qu’il n’en a pas réellement besoin, parce qu’il dispose déjà d’un paquet de voix substantiel et une vingtaine de voix chrétiennes.
Le Tachnag, qui a tenu hier sa réunion pour décider lui aussi de l’attitude à prendre jeudi prochain, serait fortement enclin, selon les premières informations, à soutenir la candidature du chef du courant du Futur. Si elle devait se confirmer, cette position viendrait ébranler un peu plus, dira un observateur, la solidité du bloc aouniste dont plusieurs personnalités indépendantes se sont déjà retirées.
Pour Eddy Maalouf, le fait que le Tachnag opte pour le soutien à M. Hariri ne changera en rien sa relation avec le CPL. « Ce ne sera pas la première fois que le parti arménien se distingue du CPL dans son vote », précise le parlementaire.
commentaires (11)
Mr. Hariri n'acceptez pas d'être premier ministre car ce n'est pas vous qui gouverne , sortez de cette niche de vipères
Eleni Caridopoulou
17 h 33, le 21 octobre 2020