
Le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, lors d'un point de presse à l'issue des consultations parlementaires non contraignantes, mercredi 2 septembre 2020, à Aïn el-Tiné. Photo Hassan Ibrahim / Parlement libanais
Le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, a affirmé mercredi qu'il allait entamer la formation d'"un gouvernement d'experts", au lendemain de la visite du président français, Emmanuel Macron, qui a obtenu l'engagement des forces politiques à une constitution rapide du cabinet. Il n'a toutefois pas précisé si les futurs ministres seraient soutenus par des partis politiques ou indépendants, comme le réclame notamment la rue.
Revenant lors d'un point de presse sur le déroulement de sa journée de consultations parlementaires non contraignantes à Aïn el-Tiné, M. Adib a souligné que ses discussions avec les différentes politiques avaient donné un "élan important permettant d'accélérer la formation du gouvernement". Il a relevé "plusieurs points de divergence" entre les avis et idées des différents blocs, ajoutant cependant que ces divergences pouvaient "se résoudre par le dialogue". "Il y a plus de points positifs que négatifs", a-t-il ajouté, mentionnant notamment, parmi les points de vue fédérant les différents blocs, l'importance de préserver la paix civile, de reconstruire Beyrouth (après la double explosion du port), de travailler sur les crises économique et sanitaire et d'accomplir les réformes des infrastructures. "Nous espérons pouvoir former rapidement une équipe homogène composée d'experts, qui parviendra à rétablir la confiance des Libanais, du monde arabe et de la communauté internationale dans l'Etat", a-t-il déclaré. Il a encore souhaité que ce cabinet puisse "coopérer de façon fructueuse avec le Parlement". Comme lors de sa désignation, M. Adib a refusé de répondre aux questions des journalistes, répétant la même phrase : "L'heure est à l'action et non aux paroles".
M. Adib, ancien ambassadeur du Liban à Berlin, avait été nommé lundi pour former le cabinet à une confortable majorité de 90 députés sur les 120 encore en exercice. Si le processus de formation des gouvernements peut durer parfois des mois en raison des blocages politiques, la situation s'annonce différente cette fois. La pression internationale, notamment française, ainsi que celle de la rue, amplifiées par la double explosion tragique au port de Beyrouth le 4 août, a rendu encore plus urgente la nécessité de réformes pour sortir le pays de la tourmente politique et de sa pire crise économique depuis des décennies. Mardi, Emmanuel Macron avait affirmé en clôture de sa visite à Beyrouth que toutes les forces politiques libanaises s'étaient engagées à faciliter la formation de ce "gouvernement de mission", afin qu'il soit mis sur pied d'ici deux semaines. Il a annoncé qu'il serait de retour au Liban en décembre pour suivre les progrès réalisés, et qu'il inviterait à Paris, en octobre, les responsables libanais à une réunion organisée parallèlement à une nouvelle conférence d'aide internationale. Il avait averti qu'il s'agissait de "la dernière chance pour le système" libanais.
Sous cette pression du président français, les blocs parlementaires ainsi que les députés indépendants ont majoritairement appelé lors de ces consultations non contraignantes qui ont eu lieu à Aïn el-Tiné, le Parlement ayant été sévèrement endommagé dans les explosions du 4 août, à la formation rapide d'un cabinet "homogène". Ils se sont dits prêts à "coopérer" avec toute équipe ministérielle formée, insistant sur l'importance que celle-ci soit capable de mener les réformes requises. Certaines formations, comme les députés joumblattistes et les Marada, ont affirmé qu'elles n'avaient aucune revendication concernant leur participation au gouvernement.
Tammam Salam, ancien Premier ministre et député a appelé à des actions "urgentes" et à la formation rapide d'un gouvernement qui servira "l'intérêt général". Il a dans ce cadre souhaité une équipe ministérielle "réduite", composée de "ministres indépendants et de spécialistes" capables de mener les "réformes essentielles" requises.
Photo tirée du compte Flickr du Parlement.
Elie Ferzli, vice-président de la Chambre : "Nous nous sommes concentrés sur la question des réformes, que nous soutenons totalement", a souligné M. Ferzli. Il a affirmé qu'il allait "pousser pour une transition fondamentale" vers un Liban laïc.
Anouar Khalil, député du bloc du mouvement Amal : "Nous avons demandé qu'un gouvernement cohérent et composé de personnes compétentes et expertes soit formé", a-t-il déclaré, affirmant que cette équipe devra donner la priorité de ses actions à la réforme de l'électricité. "Une des plus grandes missions de ce cabinet sera de rétablir la confiance des Libanais, du monde arabe et de la communauté internationale dans l'Etat". Répondant à une question concernant la volonté des partis chiites de conserver le ministère des Finances, M. Khalil a souligné que "Nabih Berry n'a pas annoncé qu'il tenait à quelque chose de spécifique".
Bahia Hariri, députée du bloc du Futur (de l'ancien Premier ministre Saad Hariri) : "Nous souhaitons la formation d'un gouvernement de technocrates parce que le pays ne peut plus se permettre de perdre du temps". Mme Hariri a souligné que la priorité du travail gouvernemental devra être accordée "à Beyrouth, surtout après les explosions dans le port".
Mohammad Raad, chef du bloc du Hezbollah : "Nous appelons à la formation d'un gouvernement efficace et productif". Il a souligné que les réformes requises "nécessitent de lutter contre la corruption", appelant au respect de la Constitution et de l'entente nationale. "Nous sommes prêts à coopérer au maximum", a-t-il ajouté.
Photo tirée du compte Flickr du Parlement.
Tony Frangié, chef du bloc des Marada : "La méthodologie de la formation du gouvernement doit se démarquer des précédentes", a exhorté M. Frangié. "Nous sommes prêts à donner notre couverture politique au futur cabinet sans demander de part spécifique", a-t-il ajouté, espérant que toutes les formations en fassent autant.
Hady Aboulhosn, au nom du bloc joumblattiste : "Nous souhaitons la formation rapide d'un gouvernement capable de mener les réformes, sur la base de l'initiative française", a souligné M. Aboulhosn. Il a estimé que la feuille de route présentée par Emmanuel Macron est "celle de la dernière chance" pour le pays. Il a appelé le futur cabinet à "négocier immédiatement avec le Fonds monétaire international et approuver des lois attendues, notamment sur l'indépendance de la justice et le contrôle de la frontière avec la Syrie". Concernant la forme de la future équipe ministérielle, il a souligné qu'il "ne semble pas qu'elle sera politique", affirmant que le bloc joumblattiste "n'a aucune revendication" ministérielle.
Georges Adwan au nom du bloc des Forces libanaises : "Nous ne participerons pas au gouvernement et ne présenterons aucun nom de ministrable", a-t-il affirmé, exhortant à la formation d'un "gouvernement composé de technocrates indépendants", a-t-il affirmé. M. Adwan a toutefois souligné que les FL "soutiendront toute équipe de travail homogène et indépendante". Il a appelé à ce que le futur gouvernement "soient neutres par rapport aux conflits" régionaux.
Photo tirée du compte Flickr du Parlement.
Jean Obeid, au nom du bloc du "Centre indépendant" de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati : "Nous voulons un gouvernement homogène, composé de personnes compétentes", a-t-il souligné. "Nous sommes à la disposition du Premier ministre désigné et nous n'avons pas discuté des portefeuilles mais plutôt des actions" à accomplir. Il a salué le fait que les différentes formations semblent "prêtes à coopérer et faciliter" la formation du cabinet.
Assaad Hardane, chef du bloc du Parti syrien national social, a appelé à ce que le futur gouvernement planche en priorité sur une nouvelle loi électorale "qui fédère tous les Libanais" et à la formation rapide d'un cabinet "de personnes compétentes".
Adnane Traboulsi, au nom de la Rencontre consultative (regroupant les députés sunnites prosyriens) : "Nous espérons qu'un gouvernement homogène, de secours, sera formé et qu'il travaillera pour le peuple, notamment sur la lutte contre la corruption et la résolution de la crise, et non pour des quote-parts", a-t-il souligné.
Gebran Bassil, chef du bloc du Liban fort (aouniste) : "Il faut se dépêcher de former le gouvernement et de se mettre d'accord sur son programme", a martelé M. Bassil. Il a estimé que la priorité du cabinet devrait être accordée aux questions économiques et financières. "Si ce gouvernement ne réussit pas, nous nous dirigeons vers une immense catastrophe", a-t-il déclaré. Et de souligner que son bloc n'a "pas de revendication ni de condition" concernant la formation du cabinet. "Les ministres devront avoir de l'expérience internationale, être productifs et fiables". Il a encore estimé être en faveur d'une "rotation" de l'attribution des ministères entre les différentes formations. "Aucun ministère n'est réservé à une partie ou une communauté et si tout le monde l'accepte, il s'agira d'un très bon point pour le Liban", a-t-il poursuivi.
Talal Arslane, chef du bloc de la Solidarité de la Montagne : "Nous avons affirmé au Premier ministre désigné notre volonté de coopérer et notre ouverture", a indiqué M. Arslane qui a souhaité une formation "rapide mais pas précipitée" d'un gouvernement de "sauvetage du Liban".
Hagop Pakradounian, chef du bloc des députés arméniens : "Nous avons demandé à ce que le gouvernement soit un gouvernement de sauvetage et homogène, composé de ministères compétents". "Nous sommes là pour faciliter la formation du cabinet, pas pour poser des obstacles", a-t-il assuré.Parmi les députés indépendants, le chef de l'Organisation populaire nassérienne, Oussama Saad, a estimé que les réunions tenues par M. Adib ne sont pas "des consultations, mais des rencontres pour faire connaissance". "Toutes les opérations d'embellissement ne pourront pas mettre un terme aux crises et à l'effondrement", a ajouté M. Saad. Fouad Makhzoumi a pour sa part réclamé un "gouvernement réduit, composé d'indépendants". Chamel Roukoz a, lui, estimé que si le futur cabinet "qui doit être composé d'indépendants" échoue à mener les réformes, "le pays connaîtra de nouveaux effondrements". Pour sa part, Jihad el-Samad a affirmé que le cabinet Adib était celui "de la dernière chance". "Je n'ai pas félicité le Premier ministre désigné, mais lui ai plutôt dit : que Dieu te vienne en aide, car sa position n'est pas enviable", a pour sa part affirmé le député de la Békaa Jamil Sayyed, à l'issue de son entretien. "La mission du Premier ministre désigné est suicidaire et il devrait être bien entouré par ses ministres pour pouvoir travailler et obtenir des accomplissements", a-t-il estimé.
Nohad Machnouk avait, lui, annoncé qu'il boycotterait ces consultations, tout comme il avait boycotté les consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer un Premier ministre, à Baabda.
Ah cette photo.... "où sont les femmes" .... une chouette chanson
15 h 33, le 03 septembre 2020