Tel un maître de classe guidant des personnes manquant d’expérience, le président français Emmanuel Macron a réussi là où le pouvoir libanais s’est jusqu’ici montré défaillant. Le chef de l’Élysée est parvenu à arracher à l’ensemble des dirigeants politiques un engagement important : la formation en 15 jours d’un « gouvernement de mission », une formule sur laquelle il insiste, qui doit mettre en œuvre les réformes exigées par la communauté internationale. Il s’agit de la première étape de l’opération de redressement du Liban que M. Macron s’était proposé de mener à l’issue du cataclysme du 4 août.
De retour au Liban pour la deuxième fois en moins d’un mois, le président français, qui multiplie les signes de sa détermination à mener le processus de relance du Liban, a adopté un ton particulièrement ferme face aux dirigeants libanais. Plus de deux ans après la conférence de Paris dite CEDRE, le chef de l’Élysée a clairement conditionné toute aide au Liban dans la prochaine phase à la mise en place des réformes exigées tant par la communauté internationale que par le mouvement de contestation.
Dans une volonté manifeste d’accentuer la pression sur les chefs des partis politiques qu’il a rencontrés à la Résidence des Pins, le président français a même été jusqu’à fixer l’ordre du jour de la future équipe ministérielle, lors d’une conférence de presse tenue tard en soirée. « Ce qui compte, c’est la feuille de route actée par l’ensemble des forces politiques, ce soir », a-t-il déclaré, avant de définir les grandes lignes du document en question. Il s’agit, bien entendu, de la gestion des conséquences de l’explosion, du soutien à la population et de la reconstruction du port. Une liste à laquelle s’ajoutent les réformes de l’électricité, la loi sur le contrôle des capitaux, la gouvernance juridique et financière, la lutte contre la corruption et la contrebande, ainsi que la réforme des marchés publics. « Sur tous ces points, l’accord de tous a été acté ce soir », a encore dit le président français.
Conférences en octobre et retour en décembre
Loin de lâcher prise, Emmanuel Macron a donc clairement défini le plan d’action du cabinet de mission que devrait former le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, d’ici à une quinzaine de jours, si le président français gagne son pari sur les dirigeants libanais et leur volonté de tenir les promesses faites à la Résidence des Pins. Partant de là, la France est parvenue à neutraliser l’enjeu de la forme de la future équipe, et des personnalités qui y participent, comme ce fut le cas pour le cabinet de Hassane Diab qui ne répondait pas aux aspirations des contestataires, encore moins aux attentes de la communauté internationale. D’autant que l’heure n’est pas aux querelles politiques habituelles, mais au redressement du pays le plus rapidement possible. C’est ce qui a poussé le chef de l’Élysée à fixer aux dirigeants libanais plusieurs rendez-vous avant son retour prévu en décembre.
« Ce n’est pas une carte blanche ni un chèque en blanc qui est donné aujourd’hui. C’est une exigence avec un rendez-vous dans six ou huit semaines pour prendre en compte les 15 jours de formation du gouvernement et 4 semaines d’un gouvernement actif », a déclaré Emmanuel Macron, annonçant qu’il reviendra en décembre à Beyrouth. Entre-temps, la communauté internationale ne restera pas les bras croisés. Loin de là. M. Macron s’est engagé à la mobiliser à deux reprises en octobre prochain. Fort des résultats de la conférence tenue à son initiative le 9 août dernier pour collecter des fonds pour Beyrouth après l’explosion du port, il s’est engagé à tenir une conférence similaire le mois prochain. Et à la fin d’octobre, si les réformes sont entamées, une deuxième conférence se tiendra à Paris. « Nous mobiliserons le Groupe international de soutien au Liban au plus haut niveau ainsi que l’ensemble des acteurs internationaux autour de cet agenda de réformes », a souligné Emmanuel Macron, fixant aux chefs de file une nouvelle limite. « J’inviterai l’ensemble des forces politiques en marge de ce rendez-vous pour faire un point d’étape car je ne crois qu’à la responsabilité. Si les rendez-vous ne sont pas là, nous en tirerons les conséquences », a-t-il ajouté.
De leur côté, et en attendant le début des tractations gouvernementales, avec les consultations que Moustapha Adib devrait mener aujourd’hui à Aïn el-Tiné, les chefs des groupes parlementaires, notamment les leaders du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, ont remis au président français des documents résumant les réformes que leurs partis jugent nécessaires. Une façon de montrer leurs bonnes intentions et leur volonté de faciliter la tâche du prochain gouvernement qui travaillera sous haute surveillance française. Une situation que résume bien un tweet posté hier par le chef du parti Tawhid, Wi’am Wahhab : « Nous avons remplacé les barazeks (spécialité syrienne de galettes) par les croissants... »
Lors de sa première participation à la Conférence annuelle de Davos en tant que présiden, le Président Macron avait dit "France is back", et je pense que le retour de la France sur la scène n'est pas à destination de l'économie mondiale seulement mais aussi un retour politique. Le Liban est un portail et une vitrine de choix pour le retour de la France comme acteur majeur de la politique du Proche-Orient. Souhaitons-lui bonne chance car par ricochet ça serait une occasion inespérée pour une renaissance du Liban.
17 h 16, le 02 septembre 2020