
Le Conseil des ministres réuni à Baabda hier. Photo Dalati et Nohra
Comme prévu, le Conseil des ministres est parvenu à adopter un train de nominations financières et administratives, lors de sa séance tenue hier à Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun.
À la faveur de l’entente politique entre les composantes du cabinet conclue la veille, ces nominations sont passées comme une lettre à la poste. C’est donc la futile logique de partage du gâteau qui l’a emporté, en dépit de l’insistance de Hassane Diab à assurer que son équipe est indépendante. Le mois dernier, il s’était opposé à ces mêmes nominations, affirmant ne pas vouloir se plier au principe de la répartition des postes entres les parrains du gouvernement. À noter que le Courant patriotique libre et le mouvement Amal se sont taillé la part du lion. Ce qui a poussé les deux ministres Marada, Michel Najjar (Travaux publics) et Lamia Yammine (Travail), à boycotter la séance. Interrogée par L’Orient-Le Jour, la ministre du Travail affirme cependant que les Marada ne claqueront pas la porte du cabinet. « Nous avons exprimé une position de principe », souligne Mme Yammine, appelant au respect du mécanisme de nominations voté par le Parlement le 28 mai dernier. « Certains protagonistes, tels que le CPL, ont exercé des pressions sur le cabinet en matière de nominations », déplore-t-elle.
Dans une tentative de donner l’impression de mettre sur les rails les réformes exigées par la communauté internationale, le cabinet Diab a nommé les quatre nouveaux vice-gouverneurs de la Banque du Liban, dont les noms avaient déjà fuité. Il s’agit de Wassim Mansouri (chiite, proche du mouvement Amal), Salim Chahine (sunnite, soutenu par le Premier ministre), Bachir Yakzan (druze, gravitant entre le Parti socialiste progressiste et le Parti démocratique libanais) et Alexandre Moradian (arménien-orthodoxe appuyé par le Tachnag). Rappelons que les États-Unis avaient fait entendre qu’ils soutenaient le maintien à son poste de Mohammad Baassiri, sunnite proche de l’ancien Premier ministre Saad Hariri. Le Conseil des ministres a également nommé Christelle Wakim et Chadi Hanna, tous deux grecs-orthodoxes soutenus par le courant aouniste, respectivement commissaire du gouvernement près la BDL et membre de la commission spéciale d’investigation au sein de la Banque centrale.
De même, le cabinet a choisi une présidente et quatre nouveaux membres de la commission de contrôle des banques. C’est Maya Dabbagh (sunnite, proposée par M. Diab) qui a accédé à la présidence de cette instance. Kamel Wazni (chiite, appuyé par Amal), Marwan Mikhaël (maronite, soutenu par le CPL et des proches de la présidence), Joseph Haddad (grec-catholique) et Adel Dreik (grec-orthodoxe, proche des Marada) en sont, quant à eux, les nouveaux membres.
Sur ce tableau, se greffent naturellement trois nouveaux membres de la commission de contrôle des marchés financiers. Wajeb Kanso (chiite), Walid Kadri (grec-catholique soutenu par le tandem Baabda-CPL) et Fouad Choucair (druze) ont été nommés à ces trois postes vacants.
Deux nouveaux mohafez
Sur un autre registre, le Conseil des ministres a désigné Marwan Abboud (grec-orthodoxe), ancien juge au sein du conseil supérieur de la discipline, mohafez de Beyrouth. De son côté, Ghassan Noureddine a été choisi pour être directeur des investissements au sein du ministère de l’Énergie, à l’heure où Geryès Berbari (grec-orthodoxe, proche du CPL) est devenu directeur de l’Office des céréales et de la betterave sucrière au ministère de l’Agriculture.
En dépit de la polémique suscitée par la décision de tenir la séance mercredi au lieu de jeudi pour pouvoir nommer Mohammad Abou Haïdar, proposé par Amal, directeur général de l’Économie, avant qu’il n’atteigne l’âge de 39 ans, le Conseil des ministres a nommé M. Abou Haïdar au poste concerné. Une façon pour le cabinet d’éviter une secousse politique que créerait un différend avec le président de la Chambre, Nabih Berry. Il a également désigné Pauline Dib, juge grecque-orthodoxe qui serait appuyée par les aounistes, mohafez de la région Kesrouan-Jbeil, en dépit de l’opposition qu’a suscitée cette démarche de la part du ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, dans la mesure où les décrets mettent en application la décision de créer un mohafazat joignant les deux cazas à majorité chrétienne. Quant à Nisrine Machmouchi (sunnite), elle est désormais présidente du Conseil de la fonction publique. Ces nominations ne devraient pas, selon les observateurs, rassurer la communauté internationale qui attend des signes sérieux de réforme. D’ailleurs, l’ambassadeur de France Bruno Foucher a souligné dans un tweet, après avoir rencontré M. Diab hier, « l’urgence des réformes » et la « nécessité de répondre aux aspirations attendues en termes de gouvernance ».
commentaires (20)
Tout simplement désolant...Ma compassion va à ce peuple libanais, meurtri et affamé...l'histoire retiendra le nom des ces dirigeants cupides et immoraux qui n'entendent pas le cri de la rue...l'histoire nous a aussi appris qu'en fin de compte, la rue finit par gagner...et puis ces nominations qui exacerbent encore plus le confessionnalisme! quand est-ce que ce pays apprendra à aller au-delà de l'appartenance à tel ou tel rite....encore une fois, désolant, à faire pleurer!
Marie-Therese BALLIN
23 h 20, le 11 juin 2020