C’est un entretien remarqué qu’a eu le président de la Chambre, Nabih Berry, avec le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, hier, à Aïn el-Tiné. Il s’agit de la toute première rencontre entre les deux hommes depuis le début des négociations entre le Fonds monétaire international et le Liban en quête d’une aide financière à même de le sortir de la grave crise qu’il traverse depuis plusieurs mois. Si ni le gouverneur de la BDL ni le chef du Parlement n’ont fait de déclaration, plusieurs sources estiment que l’entretien a constitué une occasion de commencer à rapprocher les points de vue entre le gouvernement et la Banque centrale qui, jusqu’à présent, ne se montraient pas sur la même longueur d’onde alors qu’ils négocient ensemble avec le FMI.
Rappelons que le gouverneur de la BDL n’avait pas pris part la semaine dernière à la première réunion par visioconférence entre le FMI et le Liban, laissant plusieurs cadres de la Banque centrale le représenter. Une façon pour lui de manifester son opposition au plan de sauvetage établi par le cabinet de Hassane Diab et sur la base duquel le gouvernement négocie actuellement avec l’organisation internationale. « Lorsque Riad Salamé a décidé de ne pas prendre part à la première séance de négociations, la nécessité d’une véritable coordination entre le pouvoir exécutif, la Banque centrale, l’Association des banques du Liban et le reste des protagonistes concernés s’est avérée cruciale », explique à L’Orient-Le Jour Yassine Jaber, député berryste de Nabatiyé. Et d’insister sur l’importance de présenter un plan de redressement « clair » et de mettre sur les rails les réformes exigées pour que soient débloquées les aides promises au Liban depuis plus de deux ans.
« Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie »
Tout comme M. Jaber, plusieurs responsables, relevant aussi bien du camp loyaliste que de l’opposition, étaient montés au créneau récemment pour dénoncer « la contradiction flagrante dans les chiffres et les estimations de pertes entre le gouvernement et les banques », pour reprendre les termes d’Ibrahim Kanaan, député aouniste du Metn et président de la commission parlementaire des Finances et du Budget. S’exprimant à l’issue d’une réunion de la commission tenue hier au Parlement, M. Kanaan a déclaré sans détour : « Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie. » « Nous sommes soucieux de poursuivre les négociations avec le FMI. Il faut donc unifier les chiffres », a-t-il ajouté. Ces propos de M. Kanaan interviennent au lendemain de déclarations similaires du leader du courant du Futur, Saad Hariri. Dans une conversation à bâtons rompus avec les journalistes mardi, l’ex-Premier ministre avait critiqué l’équipe de Hassane Diab qui, selon lui, « n’a pas de vision unifiée face au FMI ». Hier, le député Hadi Aboulhosn, membre du bloc parlementaire du Rassemblement démocratique (joumblattiste), a lui aussi estimé que le Liban avait « besoin » du FMI pour sortir de la crise, mais déploré qu’il n’y ait pas de « vision économique unifiée ».
C’est donc pour tenter de remédier à cette situation que Nabih Berry et Riad Salamé se sont réunis hier. Une source bien informée confie dans ce cadre à L’OLJ que le gouverneur de la BDL a profité de l’entretien pour exposer sa propre vision du plan de relance économique et exposer les motifs de sa décision de boycotter, dans un premier temps, les négociations avec le FMI, avant d’y prendre part cette semaine. De même source, on apprend que Riad Salamé a tenu à préciser que le cabinet Diab a établi son plan de relance sur la base d’estimations selon lesquelles le taux de change de la livre libanaise par rapport au dollar s’élève à 3 500 livres libanaises. D’où la nécessité d’unifier la vision officielle avant de poursuivre les négociations. Dans les mêmes milieux, on indique aussi que les deux hommes ont abordé le chantier législatif qui devrait aller de pair avec la mise en application du projet gouvernemental. Sur ce plan, MM. Berry et Salamé se seraient entendus sur l’importance de préserver l’économie de marché et le système bancaire libanais. La source précise enfin que, contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, l’entretien Berry-Salamé n’a aucunement porté sur le dossier de Mazen Hamdane, directeur des opérations monétaires au sein de la BDL, arrêté vendredi dernier dans le cadre des enquêtes sur la dégringolade de la livre libanaise par rapport au dollar. M. Hamdane devrait être libéré contre une caution de 300 millions de livres libanaises après une décision dans ce sens du premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra, qui doit encore recueillir l’avis du procureur financier.
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"... Riad Salamé a tenu à préciser que le cabinet Diab a établi son plan de relance sur la base d’estimations selon lesquelles le taux de change de la livre libanaise par rapport au dollar s’élève à 3 500 livres libanaises ..." ...... Quelqu'un devrait peut-être expliquer au gouverneur de la banque centrale (lol) que c'est la banque centrale qui contrôle le taux de change en régulant la monnaie en circulation. Plus de LBP, la livre chute. Moins de LBP, la livre monte. Plus de USD, le dollar descend. Moiuns de USD, le dollar monte. Et par la même occasion lui rappeler qu'en tant que gouverneur, ses responsabilités vont au-dela d'avoior une voiture de fonction et des gardes du corps. Il a une monnaie à gérer... En quelque sorte, C'EST LUI LE RESPONSABLE!!!
Gros Gnon
18 h 04, le 21 mai 2020