Le Conseil supérieur de la défense, qui s'est réuni mercredi au palais présidentiel de Baabda, sous la houlette du chef de l'Etat, Michel Aoun, et en présence du Premier ministre, Hassane Diab, a décidé de "renforcer" les points de contrôle et les sanctions contre les trafiquants frontaliers et de fermer les passages illégaux, au moment où le Liban traverse une crise économique sans précédent depuis trente ans et qui est aggravée par cette contrebande frontalière, un dossier qui fait polémique depuis quelques jours.
"Le président Aoun a dressé le tableau de la situation relative aux passages frontaliers illégaux sur les plans pratiques et juridiques et les conséquences de la contrebande sur les finances publiques", a annoncé le secrétaire général du Conseil supérieur de la défense, le général Mahmoud Asmar. Avant la réunion du Conseil, le président Aoun s'était entretenu en aparté avec le Premier ministre. "Le président Aoun a demandé d'être ferme dans ce dossier et a insisté sur la nécessité de prendre les mesures les plus strictes contre les contrevenants. Il a également insisté sur l'importance de définir les besoins de consommation locale afin de pouvoir limiter le trafic", a expliqué le général Asmar. "Le Premier ministre a ensuite évoqué les conséquences financières et économiques (du trafic), notamment sur les caisses de l'Etat, et a fait part des entraves logistiques qui empêchent le contrôle des frontières", a ajouté l'officier. "(...) Il a été décidé de renforcer la surveillance, les poursuites et les sanctions contre les contrevenants et leurs complices, en vertu des lois en vigueur, et de déployer tous les efforts nécessaires, en coordination avec les services de sécurités concernés, pour contrôler les frontières, afin de lutter contre le trafic des produits et fermer tous les passages illégaux", a indiqué le secrétaire général du Conseil.
"Plan global"
Le général Asmar a conclu son allocation en précisant qu'il a été décidé de "mettre en place un plan global afin de créer des postes de contrôle militaires, sécuritaires et douaniers". Il a précisé que les autres décisions du Conseil supérieur de la défense "restent secrètes, en vertu de la loi".
Selon des informations rapportées par notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, il a été décidé d'augmenter le nombre de postes frontaliers, d'effectuer des patrouilles pour contrôler les camions et les citernes qui circulent et de durcir les sanctions contre les passeurs. Un certain nombre d'idées qui ont été discutées seront soumises au Conseil des ministres, car leur adoption nécessite la modification des lois relatives aux douanes.
En outre, lors de la réunion, M. Diab a affirmé que la "situation du pays ne permet pas que se poursuivent la contrebande et la fraude fiscale et douanière" et qu'un "plan doit être élaboré pour contrôler l'évasion douanière car elle provoque une grande perte". Le commandant en chef de l'armée, Joseph Aoun, et les responsables des différents services de sécurité ont présenté les mesures à prendre pour lutter contre la contrebande. Les ministres ont, eux, démontré comment la contrebande avait un impact sur les revenus de l’État, ajoute notre correspondante.
Pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, a expliqué que "la demande pour le blé et le mazout est supérieure aux besoins du marché, ce qui signifie que les quantités supplémentaires sont soit stockées pour une utilisation ultérieure, soit jetées à la mer, soit envoyées illégalement à l'étranger. "Nous avons fait une comparaison entre la demande de mazout en avril de l'année 2019 et en avril 2020, et il s'est avéré que la demande a augmenté d'un million de litres", a révélé de son côté le ministre de l’Énergie, Raymond Ghajar.
Ayant renforcé sa présence en plusieurs endroits de la frontière, notamment depuis l’épisode de l’infiltration d’islamistes radicaux de l’État islamique au Liban depuis le pays voisin, l’armée libanaise s’est avérée incapable de gérer une frontière-passoire de 360 km et reconnaît implicitement la difficulté de surveiller près de 150 points de passage illégaux entre le Liban et la Syrie. Ces voies d’accès illégales, opératoires depuis des décennies sans qu’aucun gouvernement n’ait réussi, ou voulu, les colmater, constituent une source d’inquiétude d’autant plus grande qu’elles permettent, en plus du trafic de marchandises, d’exfiltrer dans les deux sens des personnes, ce qui constitue un trafic risqué en temps de propagation du Covid-19.
Ce dossier polémique des voies de passage illégales et les scandales sur la contrebande florissante entre les deux pays sont de nouveau au cœur de l’actualité, notamment après l'intervention du chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea et la diffusion d'un reportage télévisé dévoilant les dessous de la contrebande de farine et de mazout acheminés en Syrie, ainsi que de récentes déclarations du secrétaire adjoint américain aux Affaires du Proche-Orient, David Schenker. Ces deux produits qui passent illégalement en Syrie font tous les deux l'objet d'un mécanisme mis en place par la Banque du Liban pour faciliter le financement des importations.
A ce sujet, les FL et le Parti socialiste progressiste ont présenté des notes d'information devant le Parquet, afin de mobiliser la justice vis-à-vis de ce dossier qui occasionne des pertes au Liban évaluées à près de 200 millions de dollars par an, selon les estimations avancées par le chef des FL. La commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a de son côté annoncé qu'elle allait convoquer les ministres de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, de la Défense, Zeina Acar, et de la Justice, Marie-Claude Najm, ainsi que l'administration des douanes pour les questionner sur les dossiers de la contrebande et du contrôle des frontières.
Plus tôt dans la journée, M. Geagea a encore appelé dans un tweet le gouvernement de Hassane Diab à fermer rapidement les points de passage frontaliers illégaux, estimant que cette question "ne nécessite pas de réunions ni de jurisprudence".
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a de son côté affirmé mercredi que pour résoudre la crise économique libanaise et la question de la contrebande frontalière, les autorités libanaises devaient dialoguer avec le régime syrien du président Bachar el-Assad.
commentaires (5)
SACHANT QUE LES CONTREBANDIERS ET AUTRES MAFIAS VIVENT PARMI LES HAUTES ET UN PEU MOINS HAUTES SPHERES DU -DES-POUVOIR(S), PRIERE DE NE PLUS FAIRE DU RIDICULE ET REPRENDRE CES MEMES DECISIONS QUE H DIAB NE POURRA JAMAIS EXECUTER A MOINS D'UN MOT D'ORDRE DE L'UN DE SES PARRAINS ET DES AUTRES INTERRESSES AUSSI
Gaby SIOUFI
11 h 38, le 14 mai 2020