Le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi, a célébré dimanche la messe de Pâques à la cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes dans le centre-ville de Beyrouth, profitant de cette occasion pour s'en prendre au gouvernement du Premier ministre Hassane Diab et appeler les dirigeants à ne pas faire payer aux Libanais les prix de leurs erreurs.
"Le gouvernement doit faire preuve de sagesse, de patience et de courage pour se défaire de toutes les allégeances, à l'exception de l'allégeance à son peuple. Le gouvernement doit sortir le Liban de sa crise, sans que les citoyens n'aient à payer le prix des erreurs de ses gouvernants", a martelé le prélat orthodoxe, connu pour son franc-parler et ses positions critiques à l'égard des dirigeants du pays.
"Confisquer les biens de toute une vie est inconcevable, a souligné Mgr Audi. Notre peuple mérite une vie digne et nous espérons que le gouvernement pourra lui assurer une telle vie, loin des pratiques qui prévalaient auparavant. Vous (les dirigeants, ndlr) devez agir pour tout le peuple, et non pour une certaine catégorie de personnes ou de communauté ou d'un parti", a en outre plaidé Mgr Audi.
Le Premier ministre, Hassane Diab, a tenté jeudi soir de rassurer les Libanais après les appréhensions suscitées par la fuite la semaine dernière d’une ébauche du plan de réforme que prépare le gouvernement pour faire face à la plus grave crise économique que traverse le Liban depuis 30 ans. Il a notamment affirmé dans un discours télévisé que 98 % des déposants échapperont à une ponction des dépôts. Le gouvernement examine actuellement un plan de réformes économiques et financières qu'il est censé adopter afin de tenter de sortir le pays de sa crise. Un passage de ce texte affirmant la volonté du gouvernement de "ne pas toucher à l’argent de 90 % des déposants dans les banques" avait suscité des craintes quant à un éventuel haircut, c’est-à-dire une possible ponction sur les avoirs des épargnants. Si le plan de sauvetage économique n’a pas encore officiellement vu le jour, ce passage a causé une véritable tempête politique, tant parmi les composantes du cabinet que dans les rangs de ses opposants.
(Lire aussi : Élias Audi, libaniste pour les uns, trublion pour les autres)
"Justice sociale"
"Le gouvernement doit respecter la Constitution et appliquer les lois, en consacrant le principe de la justice sociale. Il doit agir rapidement, mais sans le faire de manière hâtive", a encore affirmé le métropolite de Beyrouth. "Nous espérons qu'aucune communauté ne sera lésée, et si votre gouvernement transcende les communautés, consacrez alors le principe de la rotation au sein de la fonction publique en vous basant sur les critères de compétence, d'honnêteté et d'expérience, tout en réclamant des comptes à tout le monde". Mgr Audi faisait référence aux propos du Premier ministre qui affirmait récemment que son gouvernement "transcende les communautés". Et le dignitaire orthodoxe de conclure : "Nous prions pour aider nos responsables à lutter contre d'autres virus que le coronavirus, tels que la corruption et la cupidité".
Pour sa part, le chef du gouvernement, Hassane Diab, a souhaité une joyeuse Pâques aux Libanais, dans un bref message sur Twitter. "En espérant que le chemin de croix au Liban prenne fin lorsque les Libanais reprendront confiance en leur Etat, joyeuses Pâques et une bonne année à tous", a pour sa part écrit le Premier ministre sur Twitter.
De son côté, le chef de l'Eglise maronite, Mgr Béchara Raï, qui a célébré la messe du dimanche au siège patriarcal de Bkerké, a appelé d'une part les Libanais à soutenir le gouvernement, et d'autre part le cabinet à ne pas faire du peuple le bouc émissaire de la crise.
"Soutenons le gouvernement afin qu'il puisse accomplir sa mission. Ce cabinet, qu'il nous plaise ou non, représente l'autorité en place en ce moment de crise exceptionnelle. Il ne peut réussir dans sa mission si nous ne le soutenons pas", a plaidé le prélat Maronite. "En contre partie, le gouvernement doit faire ses preuves et montrer qu'il est solide et indépendant (...). Il doit prendre toutes les dispositions courageuses et difficiles pour mettre un terme à l'effondrement, restituer les fonds volés et regagner la confiance du peuple, du monde arabe et de la communauté internationale, a ajouté Mgr Raï. Ce gouvernement doit accélérer l'application du plan de réforme, dans l'intérêt des Libanais et non aux dépens des efforts de toute leur vie. (...) Nous mettons en garde contre la lutte entre la classe politique et le clan des banques, qui ferait des Libanais des boucs-émissaires", a conclu le chef de l'Eglise maronite.
Le Liban traverse sa pire crise économique et financière en trente ans. Le 17 octobre 2019, une révolte populaire a été déclenchée et se poursuit, malgré une pause dans les manifestations d'ampleur en raison des mesures de confinement mises en place par les autorités pour enrayer la propagation du nouveau coronavirus dans le pays. Le gouvernement Diab, décrié par la rue même s'il affirme être non affilié aux traditionnels partis politiques, affirme vouloir redresser la situation économique du pays, au moment où la livre libanaise a perdu plus de 50% de sa valeur sur le marché parallèle. Le Liban a également fait défaut sur le paiement de sa dette en dollars, une première dans l'histoire du pays. Les bailleurs de fonds internationaux et les créanciers du pays réclament des réformes sérieuses afin de soutenir le Liban.
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commentaires (13)
Quand une erreur de ce genre est répètée , ce n'est plus une erreur , c'est un crime . Un crime se juge et se condamne. Les libanais devraient plutôt former des jurys populaires et actionner la guillotine .
FRIK-A-FRAK
15 h 08, le 20 avril 2020