Quelques phrases bien pesées glissées par le métropolite Élias Audi dans l’homélie qu’il a prononcée à l’occasion de la messe de requiem célébrée en la cathédrale Saint-Georges pour la 14e commémoration de l’assassinat de Gebran Tuéni ont mis publiquement en question hier le rôle hégémonique joué par le Hezbollah dans la vie politique.
« Vivons-nous dans une république d’idoles ou de marionnettes? » s’est interrogé le métropolite. « Ce pays est dirigé par une personne que vous connaissez tous et par une organisation qui nous gouverne par les armes », dans une allusion à peine voilée au parti chiite et à son secrétaire général Hassan Nasrallah. « Où donc sont passés la culture, la science et le niveau (d’éducation) dont nous nous vantons ? » a-t-il ajouté, revenant sur « un homme auquel on a recours sans avoir recours à plus haut que lui ». « N’entendez-vous pas ce que nos enfants réclament aujourd’hui dans les rues ? a poursuivi Mgr Audi. Ils réclament qu’on prête attention à leurs revendications légitimes. Et pourtant, leurs paroles butent tantôt sur un aveuglement délibéré, tantôt sur la violence, tantôt sur le sang (…) Ce qui fait peur aux responsables, c’est la voix du droit et de la vérité, la voix du peuple qui a faim et qui souffre, la voix de tous ceux qui aiment le Liban. »
Sourd aux allusions du métropolite, le député Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire du Hezbollah, a déclaré hier : « Pas question de polémiquer. Ce pays est trop grand et trop important pour être gouverné par une personne, malgré tous le respect et la fierté que nous tirons de cet homme, de ses capacités, de sa sagesse et de sa sagacité ; et parce qu’il est sage, il ne se permet pas de gouverner ce pays où d’autres que lui réfléchissent, où d’autres composantes vivent. Les propos auxquels nous nous référons proviennent de quelqu’un qui tente d’ignorer les causes véritables de la crise, de quelqu’un qui couvre et justifie le ciblage de la résistance au Liban ; de tels propos n’ont rien d’innocent. » Et d’ajouter : « Nous sommes attachés à la formule d’entente nationale et à l’accord de Taëf ; nous appelons à la formation d’un gouvernement conforme à ce que Taëf a prévu : il revient aux représentants de la majorité sunnite de présider le gouvernement (…) L’accord de Taëf dit que toutes les communautés doivent être représentées au sein du gouvernement de façon équitable. Personne ne peut se prévaloir de contrôler une communauté donnée ou lui imposer qui doit la représenter dans le gouvernement. Ce sont les communautés qui désignent ceux qui les représentent dans le gouvernement. On cherche aujourd’hui à transgresser ce principe. »
Réagissant à l’attaque du métropolite Audi, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a défendu le Hezbollah, affirmant : « Cette personne et ce groupe ont libéré, résisté, protégé, défendu et recouvré la liberté, la souveraineté et l’indépendance du pays. »
De son côté, le président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Abdel Amir Kabalan, a appelé les « sages à éviter que les Libanais tombent dans les marécages de la sédition ». Le ministre sortant de la Défense, Élias Bou Saab, a également déploré les propos de Mgr Audi, mais sans le nommer.
En revanche, plusieurs députés et responsables FL, dont notamment le vice-président du Conseil sortant Ghassan Hasbani, et le député Imad Wakim ont rendu hommage au métropolite. De même, le député Kataëb Nadim Gemayel a salué les propos du métropolite de Beyrouth en affirmant : « Mgr Audi a mis le doigt sur la plaie. (…) Nous n’accepterons pas que les autorités officielles et non officielles continuent d’être soumises à ce que décide le détenteur des armes illégales. »
commentaires (21)
Bravo Monseigneur Audi quelqu'un devait parler
Eleni Caridopoulou
17 h 02, le 09 décembre 2019