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Économie - Focus

Ce que prévoit le gouvernement pour doper les revenus de l’État

Certaines mesures pourraient se révéler contre-productives à long terme sans une solide étude d’impact préalable.

Un des accès des quartiers du centre-ville où sont regroupés le Parlement et le Grand Sérail, quelques jours avant le confinement. Photo P.H.B.

La semaine dernière, le gouvernement Diab laissait fuiter plusieurs documents exposant avec un certain niveau de détail le plan de redressement du Liban, qu’il s’est engagé à adopter auprès de ses soutiens étrangers ainsi que de ses créanciers, à qui il a annoncé début mars qu’il faisait défaut sur sa portion de dette en dollars. Ce plan s’étale sur cinq ans et prévoit d’assainir le système financier, de restructurer la dette ou encore de relancer l’économie, déjà à terre avant le début du confinement lié à l’épidémie de Covid-19.

Si l’opinion publique s’est surtout focalisée ce week-end sur les pistes envisagées pour restructurer le secteur bancaire, un chantier pour lequel les auteurs du plan envisagent de mettre une partie des déposants à contribution, le plan se distingue également par son volet consacré à la réduction des dépenses de l’État, ainsi que par celui visant à doper ses revenus. Ce dernier se décline en trois grandes catégories.

Hausse de plusieurs taux d’imposition

La première regroupe toute une batterie de dispositions visant respectivement à améliorer la collecte des droits de douane et de la TVA ; supprimer les exonérations d’impôts sur les bénéfices et les revenus de capitaux dont bénéficient les holdings et les sociétés offshore ; supprimer certaines exonérations de paiement de la TVA ; et enfin renforcer les prérogatives du ministère des Finances en matière de recouvrement, une opération qui inclut également la refonte d’une partie de ses services.


(Tribune : Comment sauver le secteur financier libanais)


La deuxième catégorie rassemble une série d’augmentations d’impôts et de taxes. Les auteurs du plan proposent, par exemple, de faire passer le taux d’imposition sur les sociétés de 17 % à 20 %, après un premier relèvement de deux points arrêté ces dernières années. Une inflation semblable à celle du taux d’imposition des revenus des intérêts bancaires, qui passerait de 10 % à 15 %, soit un bond de 10 points par rapport à son niveau avant l’adoption du budget de 2017. Cette nouvelle hausse ne s’appliquera cependant qu’aux plus gros revenus qui seront identifiés en fonction d’un seuil qui reste à déterminer.

Le gouvernement prévoit également d’augmenter le taux d’imposition sur les gros salaires (supérieurs à 225 millions de livres par an selon la nouvelle tranche instituée dans le budget pour 2019), qui passerait de 25 % à 30 %. Les revenus issus du capital seraient eux aussi augmentés de 5 points, pour un taux qui atteindrait 15 %.

Au niveau des taxes, le plan prévoit d’augmenter la TVA de 11 % à 15 % sur les produits de luxe. Il préconise en outre d’instaurer un prix plancher de 25 000 livres pour 20 litres d’essence, contre 24 000 le 98 octane actuellement, un seuil fixé en mars par le gouvernement en plein contexte d’effondrement des cours mondiaux du pétrole. Le prix plafond actuel de 30 000 livres serait amené à disparaître. Il recommande de plus l’institution d’un droit d’accises de 1 000 livres sur le prix du mazout.


(Repère : Les grandes lignes du plan que prépare le gouvernement pour redresser le pays)


La troisième catégorie regroupe enfin des mesures diverses souvent revenues dans le débat public ces dernières années, comme la mise en place d’amendes pour sanctionner l’occupation des biens-fonds maritimes ou l’activation du processus de recouvrement des fonds détournés (un sujet qui a été au cœur des manifestations qui ont démarré le 17 octobre 2019 contre la classe politique). Les auteurs du plan appellent également à transférer directement au Trésor les revenus du port ou des infractions à la circulation, qui passent actuellement par d’autres circuits. Ils envisagent enfin d’augmenter la mécanique pour les véhicules qui y sont soumis et de créer une licence ainsi qu’une taxe spécifique sur les revenus pour les exploitants de carrière.


Quatre points de PIB en 2024

La mise en œuvre des trois catégories de mesures doit permettre à l’État de générer des revenus supplémentaires équivalents à 0,8 % du PIB en 2020, pour un total de revenus estimé à 17,7 % sur cet exercice, des ratios qui atteindront respectivement 4,2 % et 20,5 % de 2024, soit lors de la dernière année de mise en œuvre du plan de redressement. Sans ces mesures, les revenus de l’État passeront ainsi de 16,9 % à 16,3 % du PIB sur la même période, en plein contexte de fonte du PIB, qui est attendu en baisse de 12 % en 2020, pour un retour de la croissance espéré en 2024, toujours selon les auteurs du plan. Ces chiffres seront sans doute modifiés dans la mesure où les auteurs du plan n’ont pas pu établir des projections pour l’ensemble des dispositions (comme la hausse de la taxe mécanique ou celle du taux d’imposition des salaires supérieurs à 225 millions de livres par an).


(Lire aussi : L’affront, l’édito de Michel TOUMA)


Mais plusieurs experts considèrent que ce travail devra être impérativement fait en amont pour garantir l’efficacité réelle des mesures sur le long terme. « Vu la situation, le pays peut difficilement s’en sortir sans nouvelles mesures fiscales. Mais l’expérience des précédents budgets de l’État a démontré qu’alourdir certains impôts et taxes sans étude d’impact sérieuse appuyée par des statistiques fiables pouvait être contre-productif », souligne l’avocat fiscaliste Karim Daher à L’Orient-Le Jour.

L’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) qu’il préside a d’ailleurs publié ce week-end un commentaire sur le budget, assorti de propositions complémentaires, adressé aux autorités. L’Aldic a notamment appelé l’État à redoubler d’efforts pour incorporer l’économie informelle dans la participation au redressement. L’État a reconnu qu’elle pesait 30 % du PIB en moyenne, un chiffre que beaucoup d’observateurs estiment plus important.

Alors que beaucoup de banquiers sont généralement opposés aux mesures alourdissant la fiscalité, l’un d’entre eux, s’exprimant sous couvert d’anonymat, juge pour sa part louable que les auteurs du plan « cherchent à faire supporter une partie du poids de la crise aux plus riches », surtout compte tenu de l’impact qu’ont eu les restrictions bancaires imposées ces derniers mois sur les déposants les plus modestes. Il regrette cependant l’absence de détail concernant certaines mesures critiques comme celles relatives à l’occupation illégale des biens-fonds maritimes, à l’exploitation des carrières ou au recouvrement des fonds détournés, trois dossiers directement liés aux pratiques clientélistes qui ont contribué à dégrader la situation économique et financière du pays ces trente dernières années.


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commentaires (9)

Alors que le monde est dans une situation équivalente à quelques milliards près à celle du Liban mais pas pour les mêmes raisons. On voit tous les gouvernements du monde se soucier du pouvoir d’achat après la crise du COVID 19 pour relancer l’économie. A commencer par appuyer les PME, PMI de tout le pays pour que les citoyens gardent leur job et recommencent à dépenser une fois « déconfinés «  pour remettre la machine de la croissance en marche. Au Liban les dirigeants cherchent par tous les moyens à pomper ce qui reste sur les comptes des libanais pour rembourser leurs vols. Et ça ça nous dit la ferveur et la compétence de nos politiciens qui ont transformé ce pays, berceau de la civilisation en un souk de bric et de broc à leur image. Comment tolérer plus longtemps des incapables à prendre notre vie et notre pays en charge ou plus justement en otages?

Sissi zayyat

16 h 17, le 14 avril 2020

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Alors que le monde est dans une situation équivalente à quelques milliards près à celle du Liban mais pas pour les mêmes raisons. On voit tous les gouvernements du monde se soucier du pouvoir d’achat après la crise du COVID 19 pour relancer l’économie. A commencer par appuyer les PME, PMI de tout le pays pour que les citoyens gardent leur job et recommencent à dépenser une fois « déconfinés «  pour remettre la machine de la croissance en marche. Au Liban les dirigeants cherchent par tous les moyens à pomper ce qui reste sur les comptes des libanais pour rembourser leurs vols. Et ça ça nous dit la ferveur et la compétence de nos politiciens qui ont transformé ce pays, berceau de la civilisation en un souk de bric et de broc à leur image. Comment tolérer plus longtemps des incapables à prendre notre vie et notre pays en charge ou plus justement en otages?

    Sissi zayyat

    16 h 17, le 14 avril 2020

  • je commence par dissoudre le parlement actuel, provoquer des nouvelles élections sur des bases saines , sur un projet bien défini et que le nouveau parlement nouvellement élu fera le reste. car la reforme de ce gouvernement ne passera pas pour une raison simple , ce gouvernement ne représente pas le peuple qui manifeste depuis 4 mois pour rien voir venir , si on ne tien pas compte de la volonté du peuple tot ou tard retournera dans la rue.

    youssef barada

    15 h 19, le 14 avril 2020

  • Oui il faudra taxer les grandes fortunes relever la TVA pour sortir du tunnel mais sans toucher aux épargnes des banques .

    Antoine Sabbagha

    14 h 27, le 14 avril 2020

  • On apprécie sincèrement toutes les analyses très scientifiques et très précises de la situation, ainsi que toutes les solutions logiques, pratiques et spécialistes de notre situation financièro-economique. Mais, avec l'équipe au pouvoir, pas nécessairement le gouvernement mais toute cette salade pourrie de leaders dirigeants et autres chefs d'arnaque, on est entrain de N'sarikh bil tahoun!! Ça n'ira nul part! Les solutions proposées, loin d'être scientifiques, ne feraient que mettre K.O. le peuple libanais pour finalement décortiquer le pays en wilayats avec leurs allégeances diverses et un seul point commun une pauvreté abjecte. Déjà on a perdu tout respect des autres pays de ce monde et on est devenu le soulard du coin que beaucoup crache dessus et surtout ses pseudos alliés persique à ou non. Diaanak ya Lébnèn ya ot'éet Sana!!!?

    Wlek Sanferlou

    14 h 22, le 14 avril 2020

  • Merci de lire : Ils sont venu ils ont pas pu ils nous ont juste déçu.

    Le Point du Jour.

    13 h 24, le 14 avril 2020

  • Depuis 1975 le Liban marchait sur la tête. Avec ce nouveau gouvernement fantoche le Liban ne marche plus … il rampe !!! Que demander à des équipes qui gouvernent et qui pillent à tout va ? Partez, partez, partez ! démissionnez et ne revenez plus jamais. Ainsi vous aurez au moins la reconnaissance des Libanais qui diront : Ils sont venu ils ont pas pu ils nous juste déçu.

    Le Point du Jour.

    12 h 51, le 14 avril 2020

  • BAS LES MAINS DES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS. TOUCHEZ AUX POCHES DES BILLIONNAIRES ET DES MULTIMILLIONNAIRES DONT LE NOMBRE DEPASSE LES CENT. BILLIONS ET MULTIMILLIONS NE S,AMASSENT PAS DE FACON PROPRE ET LEGALE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 15, le 14 avril 2020

  • Le débat est futile. Aucun Etat du monde ne garantit a 100% les dépôts. Si une banque fait faillite, l'Etat garantit les dépôts a une certaine hauteur. Les libanais se sont gavés de taux d’intérêts ahurissants et se sont offerts les plages, les restaurants, les voyages, les voitures, les appartements etc. La musique s'est arrêtée. Maintenant c'est l'heure des comptes...

    Mago1

    09 h 47, le 14 avril 2020

  • Un gouvernement de pantins amateurs et pas technocrates pour un sou. Commencez à récupérer les fonds pillés et gaspillés, à diminuer les dépenses folles d’une administration inefficace et arrêter la corruption généralisée qui continue au vu et au su de tous. Ensuite, demandez des sacrifices aux libanais. La révolution vous balayera d’un seul coup si vous osez toucher aux économies des libanais

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 12, le 14 avril 2020

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