Rechercher
Rechercher

Économie - Repère

Les grandes lignes du plan que prépare le gouvernement pour redresser le pays

Sans surprise, la restructuration du secteur bancaire et de la Banque du Liban font partie des chantiers majeurs.

Le gouvernement s’est réuni hier au Grand Sérail pour poursuivre l’examen du plan de réforme de l’économie. Photo Dalati et Nohra

Alors que le pays est toujours soumis aux mesures de confinement décrétées pour lutter contre le Covid-19, le Conseil des ministres s’est penché hier pour la deuxième fois de la semaine sur l’examen du programme de réforme du pays, préparé sous la houlette du ministère des Finances, et sur lequel il prévoit de s’entendre définitivement dans les jours à venir.

Une copie de la version intermédiaire de ce plan devant être discuté circule depuis hier sur les réseaux sociaux et les groupes de messageries instantanées. Hier, Bloomberg en a listé une partie des principaux objectifs, en se basant sur un document mis à jour mardi mais contenant a priori peu de changements par rapport à la version du 6 avril que L’Orient-Le Jour a pu consulter – et qui pourra être encore modifiée. Le Conseil n’a pas fait de déclaration à l’issue de sa réunion hier au Grand Sérail, mais a annoncé la tenue d’une réunion aujourd’hui à huis clos au Sérail avec des « correspondants économiques » pour revenir sur les différents aspects du plan.

Évoquées à plusieurs reprises depuis la formation en janvier du gouvernement de Hassane Diab, les grandes orientations des réformes devant être lancées avaient déjà été exposées le 27 mars dernier en visioconférence lors de la première présentation du gouvernement libanais à ses créanciers, à qui il avait annoncé trois semaines plus tôt sa décision de faire défaut sur la dette publique en dollars. Une première dans l’histoire du Liban qui a entamé depuis l’année dernière une brutale descente aux enfers, faisant éclater les failles de son modèle économique et financier au grand jour.

Cette situation contraint les dirigeants à lancer plusieurs chantiers critiques, systématiquement ajournés depuis des années faute de consensus politique, malgré les engagements pris par les précédents gouvernements pour obtenir des aides de ses partenaires étrangers, comme celles promises lors de la CEDRE à Paris en avril 2018 par le Groupe international de soutien (GIS).


(Lire aussi : Le secteur privé propose un plan de sauvetage chiffré à 6,4 milliards de dollars)

Restructurations tout azimuts

Ces chantiers ont été identifiés depuis un certain temps, à commencer par la restructuration de la dette publique qui a flirté avec la barre des 92 milliards de dollars depuis fin 2019, un niveau plus que jamais insoutenable (176 % du PIB selon le gouvernement, un des pires ratios du monde avant la pandémie du Covid-19).

Les dirigeants doivent également restructurer le secteur bancaire, très exposé à la dette, qui traverse une crise de confiance que les restrictions mises en place depuis fin août dernier ont considérablement aggravé et dont le gouvernement a établi le montant de pertes directes et indirectes à 62,4 milliards de dollars. L’Orient-Le Jour a détaillé les pistes envisagées sur ce dossier.

Sans surprise, au regard des derniers développements, le gouvernement envisage également de redresser le bilan de la Banque du Liban (BDL), qui doit faire l’objet d’un audit réclamé par le GIS et que les dirigeants libanais se sont engagés à mener. Le plan évoque le niveau devenu « inquiétant » de ses réserves en devises et un bilan marqué par des pertes nettes de 54,9 milliards de dollars. Le redressement de la BDL pourrait également s’accompagner d’une baisse des rémunérations de ses employés. Le ministère de Finances a en tout cas demandé au gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, d’étudier la question, en se penchant également sur les effectifs de la Commission de contrôle des banques et de l’Autorité des marchés de capitaux.

Les autres chantiers visent à réformer la politique économique du pays (inefficace), son régime de change (trop gourmand en devises) ou encore son secteur public, jugé aussi coûteux qu’opaque. Le gouvernement s’engage en outre à renforcer le cadre réglementaire et les instruments de contrôle du secteur financier, mais promet aussi de préserver l’indépendance de la BDL dans la conduite des politiques que son statut l’autorise à mener. L’exécutif assure de plus qu’il prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder la stabilité financière à court terme du pays.


(Lire aussi : Le processus d’aide aux plus démunis sera lancé aujourd’hui avec l’aide de l’armée)


Aide extérieure et période de grâce

L’ensemble de ces réformes sont virtuellement impossibles à réaliser sans une aide extérieure de la part des soutiens du pays et du Fonds monétaire international, estimée entre 10 et 15 milliards de dollars dans le meilleur des cas, et qui ne sera pas octroyée sans conditions ni contrôle strict. Les auteurs du plan estiment cependant à 27,3 milliards de dollars les besoins de financement d’ici à entre 2020 et 2024. Ce total ne tient toutefois pas compte de la potentielle baisse du service de la dette qui pourra être négociée avec les créanciers et qui permettra au pays de recommencer à emprunter sur les marchés financiers « d’ici à trois ans » (soit un an de moins que la moyenne des pays qui ont fait défaut depuis le XXe siècle, selon une étude publiée en 2012 par des chercheurs).

L’exécutif espère en effet négocier une période de grâce de 5 ans sur le paiement du principal ainsi qu’une réduction des coupons (rémunérations dues sur les titres) à « un niveau minimum » qui permettra au pays de sécuriser « 15 à 18 milliards de dollars » sur les « 19 à 20 milliards » initialement dus sur ce laps de temps. La dette totale en devises dépasse les 30 milliards de dollars, avec des titres dont les maturités s’étendant sur 10 à 15 ans.

Le gouvernement présume de plus qu’une partie de l’aide extérieure qui pourra être accordée en 2020 « prendra la forme d’une assistance d’urgence fournie par les institutions financières internationales pour répondre aux retombées de l’épidémie de Covid-19. Les montants déboursés devront notamment « limiter la contraction de l’économie, restaurer la confiance dans le pays et assurer les importations de base ».


(Lire aussi : Coronavirus : au Liban, le secteur privé appelle le gouvernement à l’aide)


Objectifs vertigineux

En termes d’objectifs, la version intermédiaire du plan ambitionne de rectifier progressivement la trajectoire d’un PIB en chute libre (-6,9 % en 2019 puis -12 % attendus en 2020) pour renouer avec une croissance de 2 % en 2024, un taux qui sera ensuite « stabilisé à 3 % sur le long terme ». En valeur, le PIB réel du pays (en déduisant l’inflation) devrait passer de 49 milliards de dollars en 2019, à 34,2 milliards en 2020, avec un objectif à 30,4 milliards en 2024. Des chiffres qui traduisent une baisse vertigineuse sur le papier, même si le gouvernement s’engage à prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder la stabilité financière du pays à court terme, avec le concours de la BDL.

Le gouvernement pense en outre être en mesure de faire passer l’inflation de 25,1 % en 2020 (un bond liée à la dépréciation de facto de la livre par rapport au dollar sur le marché secondaire) à 5,2 % en 2024. Si la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar devrait être maintenue en 2020, le gouvernement table cependant une dévaluation officielle à 2 607 livres en 2020. Un taux qu’il pense ensuite voir grimper progressivement pour atteindre 2 979 livres en 2024, ce qui soulève d’importantes interrogations concernant le pouvoir d’achat de ceux qui encaissent leurs revenus en livres pendant ces cinq ans.

Les changeurs vendaient le dollar à 2 900 livres hier sur le marché noir, selon le site lebaneselira.org. Le taux de change pratiqué par les professionnels agréés est annoncé à 2 600 livres depuis le début de la semaine, un taux fixé par la BDL dans le sillage de l’application des circulaire n° 148 et n° 149 (voir par ailleurs). Mais, sur le terrain, les bureaux qui ne s’alignent pas sur le taux de leurs collègues travaillant sans autorisation sont difficiles à trouver.

Au niveau des finances publiques, l’exécutif se fixe pour objectif de réduire le ratio déficit public/PIB de 11,3 % du PIB en 2019 (-0,9 % de déficit primaire, c’est-à-dire sans compter le service de la dette) à 7,2 % en 2020 (-3,9 %), avec à terme un objectif de 1,3 % du PIB en 2024 (+1,6 %), entre autres objectifs chiffrés.

Promesses de réformes de l’État

Sans surprise, l’exécutif espère parvenir à ses fins en promettant tout un paquet de réformes qui ont été promises « ad nauseam » ces dernières années par la quasi-totalité de la classe politique, à savoir : l’établissement d’une stratégie nationale pour lutter contre la corruption, la réduction des coûts et des effectifs dans l’administration, la modernisation de la gestion de l’administration foncière, la réforme des douanes, la numérisation des services publics, la réforme de l’électricité, de l’eau et du traitement des déchets ou encore la gestion saine des réserves d’hydrocarbures, si le potentiel du pays se confirme, etc.

La mise en place de l’ensemble de ces réformes risque d’être douloureuse pour la majorité des Libanais – comme l’ont répété, là aussi à foison, les responsables politiques depuis la formation du gouvernement Hariri III il y a un peu plus d’un an.

Une perspective qui a sans doute convaincu les auteurs du plan d’y intégrer un argumentaire énumérant les failles d’un autre scénario dans lequel le pays débloquerait, auprès de ses soutiens dans le Golfe, une partie de l’aide nécessaire à des conditions moins contraignantes dans l’immédiat, mais qui ne ferait, selon eux, que retarder un crash qu’ils jugent inévitable sans réformes de fond.

L’exécutif a enfin publié une longue liste de mesures envisagées pour atteindre les ambitieux objectifs fixés, avec certaines mesures alourdissant la fiscalité qui risquent de mal passer (la TVA à 15 % au lieu de 11 %, ou encore la hausse graduelle de l’impôt sur les sociétés, qui passerait de 17 % à 20 %).



Lire aussi
Pourquoi la restructuration du secteur bancaire libanais est inévitable

Le Liban en défaut de paiement : et maintenant ?

Alors que le pays est toujours soumis aux mesures de confinement décrétées pour lutter contre le Covid-19, le Conseil des ministres s’est penché hier pour la deuxième fois de la semaine sur l’examen du programme de réforme du pays, préparé sous la houlette du ministère des Finances, et sur lequel il prévoit de s’entendre définitivement dans les jours à venir. Une copie de la...

commentaires (14)

l’exécutif espère parvenir à ses fins en promettant tout un paquet de réformes qui ont été promises « ad nauseam vs : La mise en place de l’ensemble de ces réformes risque d’être douloureuse pour la majorité des Libanais IL Y A LA UN GOUFFRE ENORME ENTRE LES 2 ENONCES CI-HAUT , DES REFORMES HYPOTHETIQUES EST TRES PEU DIRE , SI L'ON SE FONDE SUR LES 1ERS COUACS DU GOUV DUS A CETTE CRASSE POLITIQUE QUI L'A "FORME".

Gaby SIOUFI

11 h 23, le 11 avril 2020

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • l’exécutif espère parvenir à ses fins en promettant tout un paquet de réformes qui ont été promises « ad nauseam vs : La mise en place de l’ensemble de ces réformes risque d’être douloureuse pour la majorité des Libanais IL Y A LA UN GOUFFRE ENORME ENTRE LES 2 ENONCES CI-HAUT , DES REFORMES HYPOTHETIQUES EST TRES PEU DIRE , SI L'ON SE FONDE SUR LES 1ERS COUACS DU GOUV DUS A CETTE CRASSE POLITIQUE QUI L'A "FORME".

    Gaby SIOUFI

    11 h 23, le 11 avril 2020

  • Commencez par restructurer votre corrompue administration publique et arrêtez les promesses vides de réformes. C'est l'Etat qui est en faillite et non les banques. Cherchez l'argent volé avant de vous tourner ailleurs. N'osez pas toucher aux dépôts que vous croyez chose facile pour couvrir la réalité du problème . Sans justice, pas d'Etat. Alors, oubliez vos cauchemars qui vous accableront fortement si vous y tenez.

    Esber

    12 h 28, le 10 avril 2020

  • S'il est vrai que le montant de l'argent volé et déposé hors du pays se chiffre à plus de $100 milliards selon les estimations les plus basses, pourquoi ne pas commencer par ça?

    Nicolas Rubeiz

    09 h 57, le 10 avril 2020

  • Alternativement, les escrocs pourront bien rendre l'argent du peuple au peuple.

    Joe

    03 h 32, le 10 avril 2020

  • Alternativement, les escrocs pourront rendre l'argent du peuple au peuple.

    Joe

    03 h 30, le 10 avril 2020

  • En résumé, au niveau des classes défavorisées, le résultat de ce fameux programme plein de bla-bla-bla, serait simplement: ça va aller de mal en pis pour quelques années, les gars, avant d’améliorer quoi que ce soit... Allez, serrez-vous encore plus la ceinture, débrouillez vous et on espère, de notre côté que le ciel nous aidera... On va continuer à mendier en votre nom et, avec les quelques milliards ramassés, on essaiera de survivre, limiter les dégâts tout en sachant que toute réforme sérieuse et lutte contre la corruption sont impossibles dans notre pays... Et puis...après moi le déluge!

    Saliba Nouhad

    22 h 34, le 09 avril 2020

  • Tout ça c'est du blabla d'économistes, Il faut des projets concrets et chiffrés pour réduire les souffrances du peuple. Quels sont ces projets? Quel est le programme? où faut-il investir ces sommes?

    Serge Séroff

    22 h 07, le 09 avril 2020

  • Un très beau plan destiné à plumer les libanais qui vivent au Liban (travailleurs et retraités) et qui n’ont pas fait fuir leurs capitaux a l’étranger. Mais pas la moindre action contre les responsables de la présente situation. C’est tout simplement scandaleux et ainsi vous devenez complices de ces dirigeants qui ont gaspillé l’argent public. Mesdames et Messieurs les ministres technocrates, si vous pensez un seul instant que votre plan va passer sans réaction de la rue, vous rêvez debout. La prochaine révolution ne pourra même pas être contenue par les forces de l’ordre car celles ci seront en première ligne contre vos mesures. De plus, vous ne serez jamais crédibles tant que la décision n’est pas entre vos mains mais dans d’autres lieux que vous connaissez tous

    Lecteur excédé par la censure

    20 h 18, le 09 avril 2020

  • Houlala! ça bosse dur!

    Christine KHALIL

    19 h 47, le 09 avril 2020

  • "... l’établissement d’une stratégie nationale pour lutter contre la corruption ..." Ça s’appelle l’éducation. Et ça prend du temps, au moins une génération. Sauf que l’exemple doit venir d’en haut, et que c’est là qu’est l’os, hélas...

    Gros Gnon

    14 h 46, le 09 avril 2020

  • Indirectement un hair cut de 50% sur la livre libanaise qui passe de 1500L.L à3000L.L.pour un dollar et un hair cut non déclaré de 60% sur les fortunes dépassant les 100.000 dollars ce qui fera du Liban un nouveau Yemen .

    Antoine Sabbagha

    12 h 00, le 09 avril 2020

  • Tout ça est très beau sur le papier, mais ils ne répond pas aux demandes des libanais qui réclament une enquête sur le vol de tous ces milliards et l’arrestation de tous les corrompus avant d’envisager de pomper les libanais de l’argent qu’il ne possède plus d’ailleurs et de réduire leurs salaires à de la misère pour gaver les politiciens qui les ont plumés. Qu’en est il de la nomination des juges indépendants, de la séparation de la justice du pouvoir. De l’enquête sur toutes les fuites fiscales? Des impôts impayés de toute la classe politique qui prend mais ne donne rien en retour. Qu’en est il enfin du rôle de l’armée qui reléguée à des rôles d’assistance sociale et de police de proximité alors que son rôle essentiel est de contrôler les frontières toutes confondues pour arrêter le trafic de tout genre et assurer la sécurité du pays. Tant que ces problèmes ne sont pas régler, car il faut commencer par le commencement, rien ne se fera comme prévu sur le papier. Dans ce pays les passe-droits de certains empêchent le bon fonctionnement de l’état et qu’on arrête de se payer la tête des gens en multipliant les discours et les projets qui ne verront jamais le jour tant qu’il y a un état dans l’état pour envoyer valser toutes les bonnes volontés et les projets de redressement de notre pays.

    Sissi zayyat

    11 h 25, le 09 avril 2020

  • RESTRUCTURER LES BANQUES EN VOLANT LES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS ET LES PLONGEANT DANS LA PAUVRETE. LES CORROMPUS VOLEURS PERSONNE NE LES INQUIETE. D,AILLEURS SE SONT EUX QUI MENENT ENCORE LE JEU...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 32, le 09 avril 2020

  • Bravo M Diab, mais j ai deja entendu ces reformettes il y a qq années. par exp éléctrécité 24/24 en 2014 d un certain ministre s appeler Bassil ? corriger moi si je me trompe, par contre les reformes que le peuple libanais demande qui ne coute pas cher personne n en parle pourquoi ? on peut citer : les droits de la femme, laicité, juges indépendants,poursuivre les corrompus, Limoger le gouverneur du BDL, verbaliser les mauvais conducteurs ( danger public) .....

    youssef barada

    01 h 58, le 09 avril 2020

Retour en haut