Le gouvernement n'a pris aucune décision mardi concernant la poursuite, ou non, du rapatriement des Libanais coincés à l'étranger en pleine épidémie de coronavirus, alors que les résultats de la première phase de ces évacuations est en cours d'évaluation par le comité scientifique chargé du suivi de la pandémie au Liban. Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a toutefois estimé que les mesures prises pour assurer le rapatriement des Libanais bloqués avaient été "excellentes" et que le nombre de rapatriés testés positifs au coronavirus était "acceptable" par rapport au nombre de personnes rentrées au cours des dix derniers jours.
Selon des propos rapportés par la ministre de l'Information, Manal Abdel Samad, à l'issue de a réunion gouvernementale, M. Diab a estimé que les mesures mises en place pour les rapatriements étaient "excellentes" et que les résultats des tests PCR passés par les expatriés étaient "acceptables". Il a dans ce cadre salué les efforts déployés par les ministres de la Santé Hamad Hassan, des Affaires étrangères Nassif Hitti, des Transports Michel Najjar, et de l'Intérieur Mohammad Fahmi, chargés de la coordination de ce plan. "Nous avons désormais deux options : poursuivre ces voyages ou les suspendre temporairement", a-t-il déclaré.
Le gouvernement a passé en revue ce mécanisme de rapatriement, en application depuis le 5 avril. Lors des évacuations organisées depuis dimanche dernier, plus de 2.500 expatriés ont pu rentrer au Liban, en provenance de différents pays d'Afrique, d'Europe et du Golfe, sur des vols commerciaux et privés. Au total 29 d'entre eux ont été testés positifs au coronavirus à leur retour, dont près de la moitié en provenance de Londres. Selon le mécanisme observé jusque-là, tous les rapatriés devaient passer des tests de dépistage à leur arrivée à Beyrouth (sauf dans le cas du second avion arrivé du Royaume-Uni), et étaient isolés dans des hôtels de la capitale, le temps d'obtenir les résultats de ces examens. Les personnes positives étaient ensuite appelées à s'isoler, tout comme les passagers s'étant trouvés sur les mêmes vols. Selon le ministère des Affaires étrangères, plus de 20.000 Libanais coincés à l'étranger ont exprimé le souhait de rentrer.
Peu après le Conseil des ministres, la commission ministérielle ad hoc chargée du dossier a tenu une réunion présidée par M. Diab. Elle a souligné l’importance d’augmenter le nombre de tests PCR et a recommandé une reprise des vols de rapatriement le 27 avril. Les ministères des Affaires étrangères et du Transport établiront les itinéraires des prochains vols à partir de la semaine prochaine.
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Concernant l'épidémie de Covid-19, Hassane Diab a estimé que la propagation restait sous contrôle, à l'exception des pics de contamination, notamment à Bécharré et dans le Akkar, soulignant que des mesures étaient prises pour empêcher toute "infiltration de l'épidémie dans d'autres régions". La ville de Bécharré a été entièrement isolée en fin de semaine dernière. M. Diab a toutefois souligné que les résultats encourageants du Liban face à l'épidémie ne signifient pas qu'il faut relâcher les mesures de prévention prises dans les différentes régions.
Depuis le 21 février, 641 cas de coronavirus ont été détectés au Liban, dont 21 personnes sont décédées. Pour lutter contre la pandémie, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu'au 26 avril la période de mobilisation générale, décrétée le 15 mars et renouvelée une première fois jusqu'au 12 avril. La mobilisation générale prévoit la fermeture de tous les commerces non-essentiels, de l'aéroport de Beyrouth et des établissements scolaires et universitaires. Le gouvernement a également imposé le 26 mars un couvre-feu de 19h à 5h et, dernière mesure en date, la circulation alternée des véhicules a été instaurée. Ce renforcement des mesures a été décidé après qu'un certain relâchement du respect des consignes de confinement a été constaté dans plusieurs régions du pays. Dans ce cadre, le Premier ministre a tenu dans la matinée une réunion avec les plus hauts responsables sécuritaires du pays au Grand Sérail, consacrée au suivi de la mise en œuvre des mesures de confinement.
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Le plan de réformes
En ce qui concerne le plan de réformes sur lequel planche actuellement l'exécutif, la ministre de l'Information a souligné que le contenu de ce texte sera bientôt évoqué de manière détaillée par le cabinet. Dans son intervention au début de la séance, le Premier ministre a dénoncé "une campagne politique lancée contre le gouvernement, baptisée le "'rejet du haircut'" (une ponction sur les dépôts bancaires). "Ce qui est étonnant, c'est que cette campagne se base sur une phrase soulignant que nous ne toucherons pas à 90% des dépôts des Libanais", a-t-il ajouté, estimant que les détracteurs du gouvernement veulent "lancer des querelles", dans lesquelles l'exécutif ne se laissera pas entraîner. "Dans tous les cas, j'aborderai cette question en détails prochainement", a-t-il ajouté.
Depuis que la teneur du programme de redressement économique et de réformes a filtré, à la fin de la semaine dernière, les forces politiques opposées au gouvernement comme certaines de celles qui en font partie, ainsi que la société civile, sont vent debout contre toute atteinte préjudiciable aux déposants. Et ce en raison d’un passage du plan de réformes à l’étude affirmant la volonté du gouvernement de ne pas porter atteinte aux économies de "90 % des déposants", qui, selon des sources gouvernementales, constituent l’essentiel des clients de banques possédant des comptes inférieurs à 200 000 dollars. Pour les autres, le plan de réforme prévoit de proposer d'autres alternatives : soit un bail-in, soit une conversion d’une partie de leur dépôts en prise de participation (actions) dans les banques où ils avaient initialement placé leurs fonds, soit une seconde option consistant à "transférer les dépôts ciblés par le gouvernement dans le cadre d’un bail-in vers un fonds dédié" qui aura vocation à permettre à leur titulaire de les récupérer sur le long terme. Des options que certains considèrent comme un "haircut" (une coupe dans les dépôts) qui ne dit pas son nom.
Ce plan de relance est étudié alors que le gouvernement avait annoncé début mars sa décision de faire défaut sur la dette publique en dollars. Une première dans l’histoire du Liban, qui a entamé depuis l’année dernière une brutale descente aux enfers, faisant éclater au grand jour les failles de son modèle économique et financier. Jeudi, le ministre des Finances Ghazi Wazni avait souligné que ce plan est toujours en cours de discussion et susceptible d'être modifié, des discussions étant toujours en cours entre le cabinet et les différentes parties concernées.
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Les hôpitaux privés
Sur le plan de la crise des hôpitaux privés, Mme Abdel Samad a fait savoir que le ministre des Finances travaille actuellement sur un projet de règlement des sommes dues par l’État, dont une partie devrait être versée et l'autre échelonnée. Ces sommes sont attendues depuis 2012 par les établissements hospitaliers.
Mis à rude épreuve par la pandémie du Covid-19, le secteur hospitalier libanais, déjà touché par la plus grave crise économique et financière que traverse le Liban depuis 30 ans, est en souffrance depuis plusieurs années, notamment en raison d'impayés de l’État, qui doit encore 2.000 milliards de livres libanaises aux hôpitaux privés. Plusieurs corps de métiers médicaux, notamment le corps infirmier, manifestent régulièrement pour réclamer le versement de salaires impayés et une amélioration de leurs conditions de travail. "Il ne doit pas y avoir d'obstacle financier devant la santé des citoyens", avait déclaré lundi le ministre de la Santé, Hamad Hassan.
Enfin, le gouvernement a approuvé la demande du ministre du Développement administratif et de l'Environnement, Damien Kattar, de prolonger de deux ans le projet de gestion des déchets solides.
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Si pour Monsieur Diab,le chiffre 31/2500 est acceptable,si on projette sur 6000000 d'habitants au Liban, on obtient le chiffre 74400, qui représente le chiffre acceptable selon la même logique. C'est toujours acceptable?
11 h 24, le 15 avril 2020