La question peut paraître dure, excessive, certains diront même déplacée, mais elle est malgré tout murmurée dans plus d’un milieu : cherche-t-on à placer le pays sur la voie du redressement économique ou veut-on plutôt changer le visage du Liban, le lancer sur une autre trajectoire qui bouleverserait d’une façon ou d’une autre sa raison d’être ? Malgré toute la bonne foi possible, on ne peut s’empêcher de soulever une telle interrogation. Et pour cause…
Le bureau français de la société internationale de consultation financière Lazard Frères a présenté au gouvernement un plan visant à résorber l’énorme dette publique libanaise. Le document préconise, entre autres solutions, un « haircut » généralisé sur les dépôts bancaires. De quoi provoquer promptement une levée de boucliers sur les réseaux sociaux, dans certains milieux politiques et économiques ainsi qu’au niveau médiatique. Les cercles proches du cabinet Diab se sont empressés de préciser qu’il ne s’agit là que d’une suggestion qui doit être encore débattue en Conseil de ministres puis au Parlement.
Le simple fait de suggérer ou même, uniquement, d’envisager et de discuter un « haircut » dans le contexte actuel du Liban constitue rien moins qu’un affront aux Libanais. Ceux qui avancent une telle proposition ignorent peut-être, ou feignent d’oublier, que la dette publique monumentale à laquelle est parvenu l’État est la conséquence directe d’une gouvernance calamiteuse qui se poursuit depuis plusieurs années. Cette dette est le résultat du clientélisme et du népotisme aveugles pratiqués sans vergogne par certains pôles du pouvoir qui perçoivent l’administration publique comme un marché de l’emploi illimité ouvert à leurs partisans, indépendamment de l’impact de ces embauches sur le budget de l’État.
Comment occulter aussi le fait que l’une des principales causes de l’accroissement continu du déficit budgétaire, et donc de la dette publique, a été l’incapacité des ministres successifs de l’Énergie à mettre un terme au déficit d’Électricité du Liban qui a atteint plus de 20 milliards de dollars, sans les intérêts, à raison de plus de 1,5 milliard de dollars par an en moyenne, sur une période de 15 ans au moins ? Peut-on en outre occulter le fait que, par sa posture guerrière permanente et son implication directe dans tous les conflits régionaux au service de l’Iran, l’un des principaux piliers du pouvoir exécutif au cours des dernières années – en l’occurrence le Hezbollah– a plombé l’économie libanaise, brisé la croissance, paralysé les investissements, fait fuir les capitaux, sapé par la contrebande les revenus douaniers de l’État et gelé l’aide économique que les pays amis accordaient traditionnellement au Liban en période de crise ?
La dette publique, c’est l’État qui en est directement responsable, par le biais de tous ces pôles du pouvoir qui par leur clientélisme ont vidé au fil des ans les caisses de l’État ou ont saboté l’économie nationale en se faisant le principal instrument d’une politique expansionniste agressive dans la région. Pour combler le déficit budgétaire et faire face à la dette publique grandissante, l’exécutif a pompé d’année en année l’argent des banques et des déposants. Faire assumer aujourd’hui à ces mêmes banques et ces mêmes déposants les conséquences de cette dette constitue rien moins qu’une vaste opération d’escroquerie.
L’État a provoqué, du fait de sa gouvernance affligeante, le désastre au niveau des finances publiques. C’est donc à lui d’en assumer la responsabilité. Il en a largement les moyens. Il possède 1 milliard de mètres carrés de biens-fonds et de terrains lotis qu’il peut monnayer après avoir fixé le cadre juridique adéquat. Il a la possibilité de privatiser, ne fût-ce que temporairement, plusieurs institutions et sociétés qu’il détient, telles qu’Électricité du Liban, le Casino, la zone franche de l’aéroport, la MEA, la banque Intra, les ports… Sans compter la réforme qu’il se doit de mettre impérativement en place pour stopper net la dilapidation des fonds publics qui se pratique à grande échelle au niveau des administrations et organismes étatiques.
La solution de facilité qui consisterait à faire assumer aux banques et aux déposants l’essentiel de l’effort de résorption de la dette publique aurait pour conséquence directe de saboter le système économique libéral adopté par le Liban en 1950 dans le sillage de l’indépendance de 1943. Cette solution de facilité aurait aussi pour effet de saper la liberté d’entreprise ainsi que la confiance dans le pays et son économie. Qui aurait encore l’audace, en effet, de se livrer à des investissements au Liban ou à des transferts à partir de l’étranger – notamment des pays d’immigration – ou même d’effectuer de simples dépôts en banque alors que le pouvoir réel reste encore détenu par ceux-là mêmes qui ont conduit le pays à la ruine et qui risquent sans scrupules à tout moment de récidiver ? Car les mêmes causes aboutissent inéluctablement aux mêmes effets…
commentaires (20)
Bonjour , Fils D Émigrés (Parents Émigrés depuis 1928 et 1938) suis Ne à l Étranger mais ayant des attaches avec mon Pays d Origine je trouve SCANDALEUX de nous faire supporter les portes de certains qui ont détournés les fonds de notre si BEAU ET AGRÉABLE PAYS.Comment Voulez vous que ses Émigrés continuent de virer de l argent à leur proches et parents et déposer leur économies (qui gagnent en transpirant non pas des sueurs mais du sang....)comment voulez vous que ses Émigrés ou leur descendant reviennent vivre leur vieux jours dans le Pays De Nos Ancêtres a moins que cette procédure est pour les décourager de revenir et les pénaliser eux et leur descendant(5%)d avoir Émigrer Albert. FAHD
Albert Fahd
09 h 49, le 04 mai 2020