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Société - Expatriés

De Vigo à Beyrouth : le périple de Tamara, étudiante libanaise rapatriée

La panique dans une Espagne particulièrement endeuillée par le coronavirus, « la course contre la montre » pour obtenir un billet de retour, le stress pour arriver à Madrid puis le vol vers Beyrouth... Récit.

Les rapatriés libanais se voient attribuer, par l'équipe médiale envoyée de Beyrouth, des bracelets de couleurs différentes en fonction de leur état de santé. Photo T.A.C.

« C’est enfin fini ! ». En entrant, mercredi soir, dans l’appartement familial à Beyrouth, Tamara Bou Chahine, une étudiante libanaise en master en Espagne, a poussé un soupir de soulagement. Et ce alors même que l'appartement était vide. La jeune fille devant rester quatorze jours à l'isolement, ses parents sont partis s'installer à la montagne.

Quatorze jours pour voir si elle développe les symptômes du Covid-19, quatorze jours, aussi, pour récupérer de l'éprouvant voyage depuis Vigo, ville au Nord-Est de la péninsule ibérique où elle étudiait, jusqu'à Beyrouth. La panique dans une Espagne particulièrement endeuillée par le coronavirus, « la course contre la montre » pour obtenir un billet de retour, le stress pour arriver à Madrid puis le vol vers Beyrouth... L’étudiante de 23 ans raconte à L’Orient-Le Jour son périple.


« Le plus dur et le plus stressant était d’arriver à Madrid »
C'est en l'espace de quelques jours seulement que sa vie en Espagne a basculé, passant d’une existence heureuse, riche de nouvelles rencontres et de recherches universitaires, au confinement sévère.

Dans un premier temps, l'étudiante pense que la situation est très temporaire. N’ayant pas encore obtenu son permis de résidence, la jeune femme se résout à rester en Espagne. Mais après la fermeture de l'aéroport de Beyrouth le 18 mars et le départ de sa colocataire espagnole, elle change d’avis. « J’ai réalisé que je devais partir. J'étais seule, dans un pays étranger, ne parlant pas la langue, et mes papiers n’étaient pas en règle car j'attendais mon permis de séjour. S’il m’était arrivé quoi que ce soit, j’aurais été incapable d’expliquer mes symptômes. »

Cette situation stressante est exacerbée par la présence de policiers partout dans les rues, vérifiant et contrôlant les allées et venues de tout le monde. Pour enrayer une propagation fulgurante des contaminations, l'Espagne, l'un des pays l'un des plus endeuillés du monde par la pandémie (plus de 15.000 morts en fin de semaine), a imposé un confinement strict à la population.


Dans l'avion de la MEA qui rapatrie les Libanais de Madrid, les passagers sont éloignés les uns des autres. Photo T.B.C


C'est sans grand espoir que la jeune femme contacte le consulat libanais en Espagne pour signaler sa situation. Puis, samedi dernier, elle apprend que la Middle East, la compagnie aérienne nationale, a affrété un vol de retour au Liban. « Au début, j’ai cru que c’était une 'fake news' jusqu’à ce que le consulat confirme cette information ». Mais pour obtenir un siège sur ce vol, c'est le principe du premier arrivé premier servi qui est appliqué. Tamara, qui a rapidement réagi, obtient une place. Elle doit alors trouver un train pour Madrid, et un endroit où y passer la nuit de lundi à mardi. « Tous ceux qui avaient réussi à obtenir un billet d’avion avaient peur de ne pas pouvoir se rendre à l'aéroport, le réseau de transport en commun ne fonctionnant qu'à environ 25 % de sa capacité. Arriver à Madrid fut vraiment difficile et stressant ». C'est ainsi qu'un autre étudiant libanais est arrivé à Madrid, mais sans y avoir d'endroit où passer la nuit. Grâce aux réseaux de la diaspora libanaise, il a finalement pu entrer en contact avec un compatriote qui, possédant un grand appartement, a accepté de l'héberger.



(Lire aussi : Rapatriement des Libanais : le plan sera suspendu lundi en attendant "une évaluation de la situation")



Désinfections en série
A l’aéroport, raconte Tamara, la tension était palpable, notamment lors de l’enregistrement des passagers et des bagages. « Les Libanais ont respecté les distances de sécurité. Après cette formalité, la tension s’est relâchée et les voyageurs ont signé une décharge et ont été priés de porter des gants et des masques N95 fournis par l’équipe médicale » libanaise. La même équipe a pris la température de chaque passager et leur a attribué des bracelets de couleurs différentes: jaune pour les personnes en bonne santé, bleu pour les personnes ayant des antécédents médicaux (diabète, hypertension, problèmes respiratoires…), vert pour ceux ayant été testés négatifs au test PCR, et enfin rouge pour ceux testés positifs.

« Le vol s’est bien passé, les passagers, l'équipe médicale et l’équipage de la MEA étaient détendus et très aimables les uns envers les autres. Les distances de sécurité ont été respectées et les passagers assis loin les uns des autres », raconte Tamara, dont le seul reproche est le fait que les toilettes n’étaient pas nettoyées entre chaque usager.

Quand l'avion s'est posé sur le tarmac de l'AIB, c'est un sentiment de soulagement général qui a traversé la cabine. Mais quelques minutes plus tard, le stress remontait. «On ne nous disait pas où nous devions aller, à quel hôtel... ». A leur arrivée à Beyrouth, les rapatriés doivent d'abord passer une nuit dans un hôtel de la capitale, le temps d'obtenir les résultats du test effectué à l'aéroport.


Dans le bus qui transporte les passagers de l'AIB à l'hôtel. Photo T.B.C.


La jeune femme salue toutefois les mesures sanitaires prises à l'aéroport. « Nous avons été désinfectés trois fois dans cet aéroport, et à la longue, le fait d'entendre le bruit de ces machines de désinfection nous faisait rire et nous apaisait ». Après trois longues heures passés à l’AIB durant lesquelles elle a été testée, désinfectée et contrôlée, Tamara a enfin pu monter dans un bus, qui a été lui aussi nettoyé, tandis que ses bagages la suivaient dans un autre. Arrivés à l'hôtel The Parisian, les passager ont dû donner leur passeport à un représentant des autorités, avant de monter dans leur chambre, sans leur valise, de nouveau désinfectée, avant de leur être rendues tard dans la nuit. « Quelques passagers se sont plaints de ce délai, mais dans l'ensemble, tout le monde était plutôt calme », assure Tamara.


La panique et le stress refont surface
C’est le lendemain que la situation se gâte. Certains passagers n'ont pas eu leur petit déjeuner, la plupart ne savent pas ce qu'il peuvent ou ne peuvent pas faire. Pendant ce temps, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, est arrivé à l’hôtel. C'est en regardant la télévision que les passagers apprennent que les tests de sept d'entre eux sont positifs. Pendant cinq heures, ils ne sauront pas qui. « Cinq heures de stress », se souvient l’étudiante. Le stress est retombé quand elle a appris, toujours en regardant la télévision, que les personnes positives avaient été transférées à l'hôpital. « Ce n’est qu’après coup que nous avons compris que les autorités ne voulaient rien nous dire pour s’assurer que nous ne quitterions pas l’hôtel. Mais entre-temps, cela a généré un stress et une panique énormes pour nous tous », assure la jeune femme.

Vers 16 heures, la réception informe Tamara Bou Chahine qu'elle a enfin le droit de quitter l’hôtel. Dans le lobby, où elle règle les dernières formalités, un passager et un policier se crient dessus, sous l'effet du stress.

Un peu plus tard, la jeune femme récupère les clés de l'appartement et de sa voiture. Ses parents les lui ont tendues de loin, distanciation sociale oblige. Désormais de retour au pays, elle attend de pouvoir les enlacer.


« C’est enfin fini ! ». En entrant, mercredi soir, dans l’appartement familial à Beyrouth, Tamara Bou Chahine, une étudiante libanaise en master en Espagne, a poussé un soupir de soulagement. Et ce alors même que l'appartement était vide. La jeune fille devant rester quatorze jours à l'isolement, ses parents sont partis s'installer à la montagne.Quatorze jours pour voir si elle...

commentaires (1)

Bon retour Tamara vrai calvaire .

Antoine Sabbagha

09 h 11, le 11 avril 2020

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Commentaires (1)

  • Bon retour Tamara vrai calvaire .

    Antoine Sabbagha

    09 h 11, le 11 avril 2020

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