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Société - Diaspora

Entre acceptation, stress et interrogations : comment les Libanais installés aux États-Unis vivent la pandémie

Avec près de 11 000 morts, la première puissance mondiale est désormais le troisième pays le plus endeuillé par le coronavirus après l’Italie et l’Espagne. Plus de 310 millions d’Américains sont confinés. Parmi eux, sept Libanais qui nous racontent leur quotidien.

De haut en bas et de gauche à droite : Sandra Abi-Nassif Awaida et sa famille, Elie Abdelnour, Olivier Ramia et Marie-Jo Azzi.

« Ce sera un moment comme Pearl Harbor, comme le 11-Septembre, sauf que ce sera dans tout le pays. » C’est en ces termes qu’un administrateur fédéral des services de santé publique américains a décrit, dimanche, la semaine qui s’ouvrait le lendemain. La première puissance mondiale est désormais le troisième pays le plus endeuillé par le coronavirus après l’Italie et l’Espagne. Les États-unis déplorent déjà près de 11 000 morts, avec un foyer principal dans l’État de New York, sur les plus de 380 000 cas enregistrés. Plus de 310 millions d’habitants sont désormais soumis à des ordres de confinement, soit près de 95 % de la population. Parmi eux, des Libanais, dont certains se sont confiés à L’Orient-Le Jour.


« Peur d’accoucher dans un hôpital contaminé »

Rana Haddad, enceinte de huit mois, vit à New York, épicentre de la pandémie aux États-Unis. Cette architecte de 32 ans travaille depuis chez elle depuis mi-mars et ne sort plus qu’une fois par semaine pour faire ses courses. Elle se désole de voir que les New-Yorkais ne sont « pas très disciplinés ». « Même si la ville est soudainement beaucoup plus calme, énormément de gens sont dans les rues. J’ai même vu des policiers assis en groupe à Central Park », raconte-t-elle. Ce qui l’inquiète par-dessus tout, c’est sa grossesse. « Je n’ose plus sortir, alors que parfois j’ai besoin de le faire. Tous mes rendez-vous gynécologiques vont désormais se faire par téléphone. Je ne sais pas comment ça va se passer. Et le fait de savoir que je vais accoucher dans un hôpital recevant des personnes infectées par le Covid-19 me fait peur. » Elle tenait à ce que sa mère soit présente le jour où elle mettra son bébé au monde, mais elle ne pourra pas venir de Beyrouth. « J’essaie de relativiser et de me dire que quand ma mère a accouché de mon frère puis de moi, c’était la guerre civile au Liban et que c’était encore plus difficile pour elle », dit-elle, forçant un petit rire.


(Lire aussi : De masque en masque, l'impression de Fifi ABOU DIB)


Au chômage temporaire...

Raïssa Maria Homsi, installée à Seattle, la plus grande ville de l’État de Washington, vit « dans l’incertitude et le stress ». Elle se prépare à perdre son emploi, son mariage prévu en été au Liban risque de ne pas avoir lieu, et si elle ressent les symptômes du virus, elle ne peut se faire tester. « Je passe par des jours difficiles psychologiquement, mais je suis inquiète surtout pour mon emploi », confie la jeune femme de 27 ans, nutritionniste sportive et coach dans un club de sport. Lorsque le gouverneur de l’État de Washington a ordonné le confinement, le 23 mars, le club est, dans un premier temps, resté ouvert. « Pendant plusieurs jours, nous étions une trentaine dans une petite pièce en train d’utiliser le même équipement. C’était dangereux », dit-elle, avant de confier : « L’un de mes collègues a été contaminé et j’ai moi-même ressenti les symptômes du virus. » Aujourd’hui, elle travaille autant que possible à distance mais ses supérieurs lui ont dit de déposer une demande de chômage temporaire (standby unemployment). Trois de ses collègues ont toutefois déjà été licenciés.


« J’aurais préféré être au Liban »

Élie Abdelnour vit, lui, à St Louis, dans le Missouri. Interne en psychiatrie, le jeune homme de 28 ans continue de se rendre à l’hôpital tous les jours. « Le nombre de cas dans l’État va augmenter et on a déjà un manque d’équipements de protection individuelle à l’hôpital », raconte-t-il, se disant inquiet de la situation. « Ma compagne habite en Caroline du Nord et je ne peux pas la voir pour l’instant, mon projet de rentrer au Liban en été est en suspens. Ne pas pouvoir voir les personnes auxquelles je tiens me frustre. Nous, Libanais, avons besoin de relations humaines », dit-il en lâchant un petit rire. Est-ce qu’il aurait préféré être au Liban ? « Oui, absolument. Pour être proche de mes amis et de ma famille. » Il dit ne pas aimer le fonctionnement du système de santé aux États-Unis. « Même avec la couverture médicale dont je bénéficie, je ne suis pas sûr que je serais en mesure de payer les frais si je devais être hospitalisé », dit-il.

Même son de cloche du côté d’Olivier Ramia, 27 ans, qui réside à Philadelphie. « Je suis allé à l’hôpital deux fois l’an dernier et à chaque fois j’ai dû attendre au moins 3 heures pour être ausculté par un médecin aux urgences. Je ne peux pas imaginer ce qui se passe dans les hôpitaux aujourd’hui », dit-il. Étudiant en MBA à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie, il est « autoconfiné » dans son studio depuis le 11 mars. « Je dis “autoconfinement” parce que le confinement n’a pas vraiment été imposé de manière stricte aux États-Unis », déplore-t-il, avant d’ajouter : « J’aurais préféré être au Liban avec ma famille au lieu d’être seul. » Et ce qui l’attriste le plus, c’est que son programme de MBA ne se terminera pas comme il l’avait imaginé. « La cérémonie de remise des diplômes n’aura pas lieu. Et tous les événements et voyages scolaires ont été annulés », affirme-t-il.


« Cela me rappelle la guerre »

Sandra Abi-Nassif Awaida, 44 ans, vit à Delray Beach, en Floride. Elle est pharmacienne clinicienne et son mari est cardiologue. « J’ai mis en place un système de télésanté dans notre cabinet de cardiologie pour que nous puissions continuer à “voir” nos patients par visioconférence », dit-elle, avant de préciser que son mari, lui, continue de se rendre à l’hôpital tous les jours. « Ça me rend anxieuse. Je m’inquiète beaucoup pour lui et tous nos amis médecins et infirmières, dit-elle. Les hôpitaux ressemblent maintenant à des zones de guerre. » Ses trois enfants, Alexandre, Karen et Stefan, suivent leurs cours en ligne et elle essaie de les occuper autant qu’elle peut : « camping » dans le jardin, visites virtuelles des musées à travers le monde, cours de guitare à distance avec un professeur au Liban… « Je ne pense pas que nous allons rentrer au Liban cet été. Les enfants sont très tristes », glisse-t-elle. Sa sœur et son mari qui vivent à New York les ont rejoints dans leur confinement. « Cela me rappelle mon enfance durant la guerre au Liban, nous avions l’habitude de nous asseoir pendant des heures à la maison », raconte Sandra Abi-Nassif Awaida. Elle reconnaît avoir voulu être auprès de sa mère et de ses beaux-parents qui sont au Liban. « Ça fait mal de savoir que je ne pourrai pas les aider au cas où ils auraient besoin de moi. »


(Lire aussi : Vers un nouveau prolongement de la mobilisation générale jusqu’à la fin du mois)


« On se prépare au pire »

Sabine el-Khoury, 32 ans, avocate, mariée et mère de deux enfants, vit dans l’Iowa. « On vit au jour le jour. Aucun cas n’a été recensé dans notre petit village, mais on se prépare au pire. Cela fait plus de 3 semaines que je fais des stocks de nourriture à la maison pour éviter les supermarchés durant le pic de l’épidémie. » Si elle est confinée, son mari, cardiologue interventionnel, continue, lui, de se rendre à l’hôpital où il exerce. « Je suis embêtée par l’incertitude que nous vivons. Nous avons nos billets d’avion pour aller à Beyrouth cet été mais je doute que nous pourrons voyager. Même si les aéroports seront fonctionnels, nous devons penser à nos parents et au Liban. Un afflux d’expatriés pourrait compromettre la situation dans le pays », dit-elle.

Marie-Jo Azzi, 22 ans, est doctorante à l’université de Stanford en Californie. La jeune fille est confinée dans son appartement sur un campus « presque désert ». « Un grand nombre d’étudiants sont rentrés chez eux. Le manque d’interaction me frustre », dit-elle. En raison des dix heures de différence avec Beyrouth, il lui est difficile de parler avec sa famille. Comme elle a choisi de ne pas rentrer au Liban, elle essaie de profiter des espaces verts autour d’elle. Se voulant toujours positive, elle lance : « À Beyrouth, j’aurais été confinée dans un appartement. Ici au moins, j’ai un lien avec la nature. »

S’ils vivent différemment leur confinement, tous critiquent le retard pris par les autorités américaines pour décider des mesures nécessaires face à la pandémie. L’administration Trump « a été trop lente à agir », estime Élie Abdelnour. « Ils ont beaucoup tardé à faire les tests. Les deux personnes infectées que je connais ont attendu plus de cinq jours avant de se faire tester », renchérit Rana Haddad. Olivier Ramia est, lui, inquiet pour les jours à venir : « Tant que les consignes (de confinement) ne sont pas strictement appliquées, les choses vont empirer. »




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commentaires (5)

Les libanais avec les États Unis c'était l'amour mais maintenant c'est le désamour il faut avouér que les EU ce n'est pas l'Europe pour la sécurité sociale

Eleni Caridopoulou

19 h 02, le 09 avril 2020

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Commentaires (5)

  • Les libanais avec les États Unis c'était l'amour mais maintenant c'est le désamour il faut avouér que les EU ce n'est pas l'Europe pour la sécurité sociale

    Eleni Caridopoulou

    19 h 02, le 09 avril 2020

  • ie: Selon la chaine ABC, les services de renseigements médicaux attachés au Pentagon ont alertés dès le mois de Novembre des danger de l épidémie du Coronaviru...

    Jack Gardner

    18 h 37, le 09 avril 2020

  • ILS SONT PLUS EN SURETE AUX ETATS UNIS S,ILS RESPECTENT LE CONFINEMENT QU,ILS NE LE SERAIENT AU LIBAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 35, le 09 avril 2020

  • Ils ont peut-être 2 milices chiites et leur allié chrétien qui font venir des avions d'Iran pour arriver à ces chiffres catastrophiques de contamination. Enfin selon la stupidite pavlovienne qui occulte la gravité de cette 1ère puissance mondiale. Haram.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 39, le 09 avril 2020

  • LES AMERICAINS SONT 331 MILLIONS. IL NE FAUT PAS OUBLIER QUE LA POPULATION DES 50 ETATS DES USA EST PLUS GRANDE QUE CELLE DE L,U.E. TOUS PAYS REUNIS. D,OU LE FLEAU FRAPPE PLUS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 18, le 09 avril 2020

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