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À La Une - Liban

Le Liban se dirige vers le premier défaut de paiement de son histoire

L'annonce officielle sera faite à 18h30 par le Premier ministre, Hassane Diab, lors d'un discours télévisé.

Le chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, présidant un Conseil des ministres à Baabda, le 7 mars 2020. Photo Dalati et Nohra

Après plusieurs semaines de discussions au sommet de l'Etat, le gouvernement s'est réuni samedi à Baabda pour prendre une décision sur le remboursement, ou pas, d'une série d'eurobonds d'une valeur de 1,2 milliard de dollars arrivant à échéance lundi. A l'issue de ce conseil de ministres crucial, aucune décision n'a été annoncée ni aucun communiqué publié. Selon notre correspondante au palais de Baabda, Hoda Chedid, l'annonce sera faite ce soir, à 18h30 au Grand Sérail, lors d'un discours télévisé du Premier ministre Hassane Diab qui s'adressera aux Libanais.

Selon notre correspondante Hoda Chedid, les ministres ont gardé le silence à l'issue de la réunion, mais interrogé par les journalistes pour savoir si la décision a été prise par vote, le ministre de l'Environnement, Damien Kattar, a affirmé : "naturellement". Selon notre correspondante, il se dit dans les couloirs de Baabda que la décision de ne pas rembourser les eurobonds arrivant à échéance en mars a été prise.

La décision est cruciale, puisqu'un non remboursement de l'échéance signifierait que le Liban, qui travers sa plus grave crise économique depuis la fin de la guerre civile, fait défaut. Une première dans son histoire.


Réunion économique et financière

Plus tôt en début d'après-midi, le directeur général de la présidence de la République, Antoine Choucair, avait annoncé que tous les participants à la réunion économique et financière de haut niveau ayant eu lieu samedi en fin de matinée à Baabda sur la question du remboursement des eurobonds avaient décidé de "soutenir le gouvernement dans toutes les décisions qu'il prendrait à ce sujet, à l'exception d'un paiement des dettes dues". "Les participants à la réunion ont approuvé, à l'unanimité, la décision de soutenir le gouvernement dans tous les choix qu'il fera concernant la gestion des dettes du pays, à l'exception d'un paiement de ces échéances", a annoncé M. Choucair à l'issue de la réunion. Il a souligné que les responsables présents à Baabda avaient discuté de l'importance d'établir et d'appliquer "un plan de sauvetage basé sur des réformes financières, administratives et bancaires et d'un plan de relance socio-économique, comme cela est prévu dans la déclaration ministérielle".

Étaient présents à cette réunion le chef de l’État Michel Aoun, le président de la Chambre Nabih Berry, le Premier ministre Hassane Diab, la vice-présidente du Conseil, Zeina Acar Adra, les ministres des Finances et de l’Économie, respectivement Ghazi Wazni et Raoul Nehmé, le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, et le président de l'Association des banques Salim Sfeir, les conseillers Charbel Cordahi, Georges Chalhoub et Ahmad Jishi, et des représentants des sociétés de conseil Lazard et Cleary Gottlieb.

Pour sa part, le député Alain Aoun, membre du groupe parlementaire du Liban Fort (dont le Courant patriotique libre fondé par le président Michel Aoun est la principale composante), avait écrit sur Twitter en matinée que "dans quelques heures, le Liban va officiellement"annoncer ne pas pouvoir payer ses dettes".


Les implications d'un défaut de paiement

Le non remboursement des eurobonds signifierait, de facto, que le Liban fait défaut. Ceci signifie qu’il indique à ses créanciers qu’il n’est pas capable de payer tout ou partie de sa dette selon les modalités fixées lorsqu’il l’a souscrite, pour ensuite négocier avec eux les termes d’une restructuration ou de toute autre forme d’aménagement de la dette, qu’il s’agisse de sa portion en livres ou de celle en dollars.

La perspective d’un défaut devrait inévitablement conduire les principales agences de notation, Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s, à rapidement dégrader la notation souveraine du pays et de ses banques de la catégorie « C » (très risqué, à la limite du défaut) à « D » (défaut). Ce déclassement ne changera toutefois pas fondamentalement grand-chose à ce stade, le Liban ne pouvant de toute façon plus emprunter sur les marchés financiers à des coûts raisonnables (plus le doute règne sur la solvabilité de l’emprunteur, plus il doit emprunter à des taux élevés) et sa réputation étant déjà entachée, que ce soit par la précarité de sa situation financière ou les mesures illégales de contrôle des capitaux adoptées unilatéralement par les banques depuis la fin de l’été.

Le remboursement des eurobonds impliquerait de puiser dans les réserves déjà très faibles de la banque centrale. Selon plusieurs sources proches du dossier, les réserves de devises nettes de la BDL, c’est à-dire ce qu’elle détient réellement une fois défalqué ce qu’elle doit, en comptant notamment les dépôts et les certificats de dépôts des banques chez elle, sont négatives, comme l’a notamment souligné Fitch en décembre dernier.


(Repère : Qu'est-ce qu'un eurobond?)


Une situation économique et financière grave

L'échéance de mars est la première d’une série de trois échéances en 2020, avec deux autres en avril et juin, pour un total d’un peu plus de 2,7 milliards de dollars de principal, auquel s’ajoutent près de 2 milliards de dollars d’intérêts à régler toutes émissions confondues.

La dette publique du Liban a frôlé les 92 milliards de dollars, soit presque deux fois son PIB. Pour ne rien arranger, presque 40 % de cette dette est libellée en dollar, ce qui oblige le pays à puiser dans ses réserves de devises qui fondent depuis 2017, pour honorer ses engagements.

Face à la gravité des enjeux pour le Liban, le gouvernement Diab a sollicité le FMI pour évaluer l’ampleur du chantier sur le plan macro-économique et décider du type d’assistance le plus adapté à sa situation. Peu de temps après, l’exécutif a recruté deux cabinets de conseil internationaux pour l’épauler dans les négociations avec ses créanciers.


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Après plusieurs semaines de discussions au sommet de l'Etat, le gouvernement s'est réuni samedi à Baabda pour prendre une décision sur le remboursement, ou pas, d'une série d'eurobonds d'une valeur de 1,2 milliard de dollars arrivant à échéance lundi. A l'issue de ce conseil de ministres crucial, aucune décision n'a été annoncée ni aucun communiqué publié. Selon notre...

commentaires (1)

Mais quel suspense! Nos politiciens font l’apprentissage de la finance internationale , après avoir avoir décroché des doctorats deshonoris causa en finances locales...

LeRougeEtLeNoir

18 h 01, le 07 mars 2020

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Commentaires (1)

  • Mais quel suspense! Nos politiciens font l’apprentissage de la finance internationale , après avoir avoir décroché des doctorats deshonoris causa en finances locales...

    LeRougeEtLeNoir

    18 h 01, le 07 mars 2020

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