« Nous ne resterons pas silencieux face à vos vols, vos politiques d’échec et vos ingénieries provocatrices », peut-on lire sur une banderole, devant l’une des entrées du Parlement, le 27 janvier 2020. Photo ANI
Par un Collectif de partis et d’organisations.
L’effondrement économique que nous vivons aujourd’hui est le produit de décennies de politiques monétaires et financières destructrices qui ont rendu le modèle économique du Liban improductif.
Cette situation a été exacerbée par la corruption et le pillage des fonds publics, dont se sont rendus coupables tous les partis politiques au pouvoir, de manière directe (via leur participation aux gouvernements successifs) ou indirecte (en minant pendant plus de 30 ans la mission de contrôle qui incombe au Parlement).
La prise en otage de l’argent des déposants, des salaires des travailleurs et des employés, accompagnée de décisions bancaires arbitraires, du gel des comptes des citoyens (en particulier des petits déposants), montre que les autorités veulent faire assumer au peuple les crimes qu’elles ont commis au niveau des finances publiques et des politiques monétaires corrompues.La rareté des liquidités, l’existence de deux taux de change parallèles et l’accélération de l’inflation augmentent les craintes et les inquiétudes relatives à l’érosion des dépôts, de l’épargne et des revenus des Libanais.
Non, nous ne garderons pas le silence face à votre pillage, vos politiques ratées et vos « ingénieries » provocatrices. Cette crise ne sera pas financée par les pauvres et nous ne paierons pas le prix de votre échec.Par conséquent, nous avançons les propositions suivantes pour un plan de sauvetage financier permettant une sortie de crise par étapes :
– Remplacer les contrôles bancaires aléatoires et arbitraires par des mesures équitables appliquées par les autorités politiques et monétaires de façon formelle et transparente, afin d’empêcher la fuite de capitaux à l’étranger. La nature des comptes sera évaluée, de sorte à préserver les salaires, les petits déposants, les comptes courants, les dépôts de sécurité sociale et les virements de l’étranger. Ces contrôles seront soumis à un délai renouvelable et devront être accompagnés d’un plan de sauvetage financier, afin que cette période de crise soit aussi courte que possible, en raison des répercussions négatives qu’elle engendre.
– Lancer une restructuration globale de la dette publique (extérieure et intérieure) qui comprend le montant principal et les intérêts à rembourser aux créanciers dans toutes les devises. Cette restructuration se fera selon un mécanisme qui ne touchera en aucun cas les petits déposants ; et ces opérations seront financées par les actionnaires et grands déposants. Ce processus devrait être entamé avant l’arrivée à échéance en mars d’une série d’eurobonds. En outre, il faudra mettre en place un mécanisme pour empêcher toute tentative d’externalisation de la dette intérieure.
– Refuser la conversion forcée des dépôts en dollars en livres libanaises.
– Établir un plan pour gérer les réserves restantes en dollars de manière stratégique afin d’importer les matières premières.
– Recapitaliser les banques, dans le cadre d’une restructuration globale du secteur, et arrêter temporairement la distribution de bénéfices, dans le but de protéger l’activité de crédit.
– Imposer une taxe progressive, unique et exceptionnelle sur le montant principal des grands dépôts uniquement.
– Récupérer les milliards de dollars que les banques ont réalisés en profits immédiats dans le cadre de l’ingénierie financière de 2016, ou faire en sorte que l’État puisse prendre des parts dans les banques en contrepartie de ces fonds.
– Enquêter sur tous les transferts financiers vers l’étranger qui ont eu lieu au cours des deux dernières années et les récupérer, en cas d’illégalité, via les procédures légales appropriées.
– Mettre en œuvre ces procédures nécessite une transparence absolue dans le budget de la Banque du Liban, qui sera audité par des cabinets spécialisés connus pour leur professionnalisme. Par ailleurs, les autorités devront jouer pleinement leur rôle de contrôle vis-à-vis des banques.
– Lever le secret bancaire pour garantir transparence et clarté.
– Obliger toutes les institutions publiques et entreprises privées à tarifer leurs biens, services et contrats et établir leurs factures au taux de change officiel fixé par la Banque du Liban ; et obliger toutes les entreprises à libeller leur capital en livres libanaises, y compris celles exemptées de cette obligation en vertu de lois générales ou particulières. En outre, il faudra prendre les mesures nécessaires pour contrôler les opérations de change, criminaliser toutes les spéculations contre la livre libanaise, et poursuivre les personnes impliquées.
– Réduire les intérêts sur les crédits comme cela a été fait pour les dépôts, et accorder une période de grâce sur le paiement de l’ensemble des prêts, pour une durée d’au moins 6 mois, sans imposer de charges supplémentaires aux personnes ayant contracté ces prêts.Le plan de sauvetage financier doit être accompagné de politiques économiques à long terme, à commencer par la réadaptation du système fiscal et de la construction des dépenses publiques tout en empêchant l’évasion fiscale et en éliminant le gaspillage et la corruption. Les développements récents sur la scène locale ont prouvé que ce système économique est un échec et ne doit pas être conservé. En effet, il n’a pas édifié les bases fondamentales pour construire une économie nationale capable de nous sortir de cette crise.
Les banques traitent d’une façon honteuse leurs clients, désormais obligés de mendier leur propre argent, et ce sans la moindre intervention de l’État pour résoudre ce problème. Tandis que depuis fin septembre 2019, la Banque du Liban a non seulement restreint de manière inédite ses opérations mais n’a toujours pas émis les circulaires nécessaires et appliqué de réformes radicales – notamment pour protéger les petits dépôts.
Notre bataille, aujourd’hui, consiste en la protection de l’argent du peuple, en particulier celui des classes moyennes et précaires ; des employés et travailleurs menacés de faillite, qui risquent de perdre leurs actifs et de s’appauvrir, et in fine de mendier de l’aide aux portes des seigneurs de guerre et des zaïms.
Nous ne céderons pas, nous vous le promettons. Nous vous ferons chuter bientôt, car le dernier mot revient au peuple.
Cette feuille de route sur les réformes de politiques monétaires à adopter en urgence a été distribuée lors des manifestations du 27 janvier dernier à Beyrouth.
Les organisations et mouvements politiques impliqués dans l’élaboration de cette feuille de route (également consultable en arabe sur leurs réseaux sociaux respectifs) sont :
Beirut Madinati, le Bloc des étudiants de l’Université libanaise, le Bloc national, le Courant de la société civile, le Courant syndical indépendant, le Groupe Kantari, Li Haqi, Li Watani, le Mouvement de jeunesse pour le changement, l’Observatoire populaire contre la corruption, l’Organisation populaire nassérienne, le Parti communiste libanais, le Rassemblement démocratique laïc, ReLebanon et le réseau Mada.
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commentaires (8)
Cette classe politique n'a laissé d'autres issues au peuple que la révolution jusqu'au bout! La Thawra doit continuer jusqu'à la réalisation de la volonté du peuple.
Wlek Sanferlou
14 h 56, le 02 février 2020