C’est un grand suspense qui entoure à ce jour le vote de confiance au gouvernement prévu mardi et mercredi prochains. Bien que plusieurs parties aient d’ores et déjà fait part de leur intention de vote, dans un sens comme dans l’autre, plusieurs inconnues subsistent avant de pouvoir déterminer l’orientation définitive que prendra ce test ultime que doit encore passer le nouvel exécutif avant d’entamer son mandat. Si la majorité requise lors de ce vote n’est pas problématique à obtenir en tant que telle, il n’en reste pas moins qu’elle s’annonce étriquée, ce qui finira par déteindre sur la légitimité d’un gouvernement contesté aussi bien dans l’opposition que dans la rue.
Pour l’heure, c’est principalement au sein du camp de la nouvelle opposition que l’on peut comptabiliser les votes négatifs. Prévisibles, les positions respectives des députés du bloc du courant du Futur (20), des Forces libanaises (15), du bloc de Walid Joumblatt (9) et du parti Kataëb (3) ont été confirmées tour à tour, les quatre formations ayant annoncé qu’elles n’accorderaient pas la confiance au cabinet. Si le Futur, les FL et le PSP ont déjà affirmé qu’ils ne boycotteront pas la séance, les Kataëb par contre n’avaient toujours pas décidé hier s’ils feraient ou non acte de présence.
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Hier, les milieux proches du courant du Futur ont fait savoir leur opposition à la déclaration ministérielle, adoptée unanimement jeudi en Conseil des ministres, qui, selon le courant haririen, n’est pas à la hauteur des circonstances exceptionnelles et encore moins des échéances imposées par la révolution du 17 octobre. C’est une position similaire qu’a exprimée le chef des Forces libanaises Samir Geagea qui a estimé que la déclaration ministérielle « ne vaut pas plus qu’une rédaction d’un élève de primaire qui ne recueillerait pas une note supérieure à trois sur dix », comme indiqué à l’agence al-Markaziya. Le chef des FL a estimé à ce propos que l’adoption par le cabinet Diab du plan Boustani pour l’électricité est « le plus grand scandale » que contient le texte.
Le bloc de Walid Joumblatt n’accordera pas non plus la confiance pour les mêmes raisons, à en croire des sources proches du parti, bien que le chef du PSP se soit récemment aventuré à dire qu’il faudrait donner « une chance » au nouvel exécutif. La décision de ne pas accorder la confiance a été prise lundi dernier à l’issue d’une réunion des membres du bloc en présence de Walid et Taymour Joumblatt, a-t-on appris de sources proches du PSP.
Sur Twitter, M. Joumblatt est revenu à la charge hier en accusant sans le nommer le Courant patriotique libre (CPL, fondé par le chef de l’État, Michel Aoun) d’avoir empêché d’inclure dans la déclaration ministérielle du cabinet Diab « les réformes requises » dans le secteur de l’électricité.
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Le PSNS se fait prier
Dans le camp opposé, principalement au sein des principaux partis et formations qui ont nommé Hassane Diab, soit le tandem chiite (Hezbollah-Amal) et le CPL, on s’attend à peu de surprises, les trois parties devant accorder la confiance au gouvernement, bien que le Hezbollah ne soit pas tout à fait satisfait lui aussi du recyclage du plan de l’électricité et tente de négocier en coulisses une issue avec le CPL.
C’est toutefois parmi certains de leurs alliés, notamment le bloc du Parti syrien national social (3), que plane encore le flou. On apprenait ainsi que le PSNS, qui continue de bouder pour avoir été écarté de la composition du gouvernement, penche plutôt à ne pas accorder sa confiance au nouveau cabinet voire à s’abstenir de voter. De source informée, on apprenait que le Hezbollah tentait hier encore de convaincre le parti prosyrien de changer d’attitude et de voter favorablement ou, à défaut, de s’abstenir carrément de venir à l’hémicycle, histoire de réduire les votes défavorables d’autant qu’ils proviendraient dans ce cas précis de la part d’un parti du même bord politique.
Également parmi les alliés qui comptent vraisemblablement s’abstenir d’accorder leur confiance pour des raisons liées à la manière dont le gouvernement a été formé, le député Jihad Samad, issu du bloc de la Rencontre consultative (sunnites du 8 Mars), qui ira ainsi à l’encontre de ses pairs (Abdel Rahim Mrad, Walid Succariyé, Adnan Traboulsi) au sein du bloc, qui devront voter favorablement.
D’autres inconnues, qui pourraient tout autant faire pencher la balance dans un sens comme dans un autre, résident dans l’intention de vote des députés indépendants, dont plusieurs n’ont toujours pas révélé leur position à ce jour. Si des députés tels Paula Yacoubian, qui a annoncé qu’elle boycotterait la séance, et Oussama Saad, ont déjà fait part de leur position, il n’est est pas de même par exemple pour Chamel Roukoz, Neemat Frem et Michel Daher, des députés ex-aounistes qui n’ont toujours pas rendu publique leur intention de vote, même si M. Roukoz a déjà laisser entendre qu’il penche plutôt vers un vote défavorable.
De source informée on apprenait toutefois que le député Michel Moawad, qui n’avait d’ailleurs pas nommé M. Diab lors des consultations parlementaires, s’abstiendra quant à lui d’accorder la confiance au gouvernement. Idem pour le bloc de Nagib Mikati, dont les quatre députés ont également refusé de nommer le Premier ministre, qui penchent plutôt vers un vote défavorable, « d’autant que rien ne nous encourage à le faire », commente pour L’Orient-Le Jour le député Nicolas Nahas, en allusion à la teneur de la déclaration ministérielle.
On apprenait par ailleurs que le député du bloc des Marada (dont les membres comptent voter en faveur du cabinet Diab), Fayez Ghosn, risque de ne pas venir pour des raisons de santé, soit un vote en moins pour le gouvernement.
En somme, résume un responsable politique, le pointage montre à ce jour que le cabinet Diab obtiendra au final la confiance, même si celle-ci devait être plus ou moins étriquée. Par un simple calcul, le cabinet devrait en principe bénéficier au moins des 65 votes favorables sur les 69 députés qui ont nommé M. Diab, si l’on déduit les votes du PSNS et de M. Samad. Même si certains députés vont manquer au tableau en boycottant la séance, la majorité des présents requise ne serait pas difficile à obtenir, croit savoir ce responsable. Et de conclure : « Le problème est que M. Diab, dont la légitimité sunnite est déjà assez faible avec seulement 6 députés sur un ensemble de 26 qui l’ont soutenu, a déjà perdu un en cours de route. »
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Je suis d'accord avec le commentaire ci-dessous de M. Chukri Abboud. Une déclaration ministérielle est un résumé et non pas le détail de la politique ou politiques que le gouvernement entend mener dans tous les domaines. Une majorité et une opposition constructive parlementaires sont un signe d'un régime démocratique tel qu'il existe en Europe ou en Amérique du Nord, par exemple. Au Liban, cela devrait être la norme et les prochaines élections législatives (dans 2 ans environ) trancheront sur la future composition politique du prochain parlement.
21 h 03, le 09 février 2020