Foin de la politique, il faut parer au plus pressé, c’est-à-dire aux graves difficultés économiques et financières dans laquelle se débat le pays : tel est le principal message que convoie à l’opinion publique le programme du nouveau gouvernement. La recette a certes de quoi séduire : laminée par l’érosion galopante de son pouvoir d’achat, interdite d’accès à ses modestes avoirs déposés en banque, une partie substantielle de la population n’aspire plus qu’à retrouver une vie décente, dans la satisfaction de ses besoins les plus élémentaires.
À l’aide de ce précieux outil sémantique qu’est la métaphore, ont été lestement contournés les habituels écueils politiques. En affirmant le droit absolu des citoyens des deux sexes à résister aux atteintes israéliennes, le texte élude joliment ainsi le fameux leitmotiv armée-peuple-résistance brandi par le Hezbollah, un des parrains majeurs du gouvernement. Dans ce document qui se réduit en somme à une déclaration d’intentions, c’est le même vague qui entoure la vision du gouvernement (s’il en possède déjà une) en matière de redressement économique et financier. Parlant de vision, ce sont en revanche d’obscures veillées que l’on semble promettre pour longtemps encore, aux Libanais. C’est en effet un plan de production de courant électrique vieux de dix ans, épisodiquement retouché mais recelant toujours de nombreuses imperfections et prêtant le flanc aux suspicions, qui reprend du service.
Avec le service de la dette, le secteur de l’électricité représente, comme on sait, un des principaux gouffres du budget. Mais qu’en serait-il quand à la foire des déperditions techniques, branchements illégaux et quittances impayées, s’ajoute une somme effarante d’erreurs de gestion et d’irrégularités flagrantes ? Des sommes astronomiques ont été dépensées dans des projets de centrales non aboutis, ou bien, à fonds tout aussi bien perdus, dans la location, dite temporaire, de centrales flottantes turques : tristes illustrations, en vérité, de la règle du provisoire qui dure. Pour couronner le tout, c’est encore la brume qui, tout au long de l’odyssée des watts, recouvre l’attribution des contrats, à l’ombre, très théorique, d’une autorité de régulation qui attend encore de voir le jour et d’une direction des adjudications dont on ne sait plus trop si elle a un rôle décisionnaire ou purement consultatif.
Autant, sinon plus, que de mises à niveau technologiques, c’est de transparence qu’a besoin un secteur électrique notoirement chargé de tous les maux, abritant une redoutable conjonction d’intérêts occultes et qui, d’ailleurs, fait scandale jusqu’au sein de la communauté internationale. Reste à savoir si à défaut d’éclairer convenablement, et rapidement, les chaumières, ce gouvernement est vraiment de taille à bannir une opacité officielle quasiment congénitale. À faire la lumière sur les grenouillages du passé. À projeter, du coup, un peu de soleil sur un préoccupant avenir.
Entre peuple et pouvoir, c’est à ce prix que pourrait passer le courant.
Issa GORAIEB